unholy war -- / nathaniel

dollhouse. picture, picture, smile for the picture. pose with your sister, won't you be a good brother? everyone thinks that we're perfect, please don't let them look through the curtains. — les hughes sont beaux, brillent sous les feux des projecteurs et les flashs des appareils photos qui ne sont jamais les mêmes, ceux de cette presse qui font d’eux un objet d’intérêt mondain. les hughes sont parfaits aux yeux du monde, de ces vautours de la bourgeoisie, charognes de la haute société, mais nathaniel sait. il connaît les travers, pourrait citer les failles qui se cachent derrière leurs airs de famille bien rangée, quand bien même il souhaiterait ne pas en avoir conscience et croire aux mensonges vendus aux journalistes. il aimerait surtout que ces dits mensonges deviennent la réalité, que sa mère lui glisse des mots d’encouragement et que les yeux de son père se mettent à briller d’une fierté sans nom, qu’il puisse prendre charlie dans ses bras et rassurer elijah quand celui-ci est angoissé, que les soupirs d’euphémia, lorsque l’aîné se dispute avec le cadet, ne soient que le produit de son imaginaire, finalement qu’ils puissent être une de ces fratries soudées que rien ne peut séparer. il y a certainement un temps où cela était le cas, où les deux aînés étaient patients l’un envers l’autre et se comprenaient sans même se parler, avant que elijah n’entre dans la danse et fasse chanceler les fondations de leur relation, sans véritablement que cela ne s’explique, encore moins ne se verbalise entre nathaniel et charlie. peut-être que c’est à ce moment, lorsque nathaniel n’avait encore que dix ans, que la réalisation s’est faite, l’arrivée de son second frère comme une condamnation, une épée de damoclès au-dessus de son crâne, un rival de plus dans la course pour l’amour de leur père. cette époque s’éloigne tous les jours un peu plus, le fossé se creusant toujours plus profondément entre les frères, impossible à combler lorsque charlie s’abandonne dans la drogue, leur sœur comme dommage collatéral finissant par s’effondrer devant ses opales aussi inquiètes que distantes, celles qui se posent trop souvent ailleurs que sur son corps qui change et fond à une vitesse fulgurante — comme si détourner le regard ferait disparaître jusqu’au dernier des démons de cette dernière et l’aiderait plus que ses étreintes et ses encouragements, que son amour dans la finalité.

the lion's roar. and i'm a goddamn coward, but then again so are you. and the lion's roar, the lion's roar has me evading and hollering for you and i never really knew what to do. — ses ébènes restent sèches, dénuées de ces larmes qui devraient s’y trouver et dégouliner le long de ses joues rougies par la brise glaciale. son costume l’oppresse, sa cravate l’étouffe, son être entier est écrabouillé par un poids auquel nathaniel refuse de donner un nom. il tente d’effacer tout souvenir de charlie, de leur dernière conversation — ou plutôt de leur dernière dispute, du regard blessé de son cadet et de ses propres mots assassins, you’re a fucking waste of space*, paroles balancées comme si elles n’avaient pas d’importance alors que leur poids est presque aussi lourd que celui qu’il est désormais obligé de porter, pour lui comme pour charlie, pour ce frère aujourd’hui enterré devant ses yeux presque apathiques, son myocarde anesthésié lorsque le monde semble s'effondrer autour de lui, que son bras entoure les épaules de sa mère pour ensuite encercler le corps frêle de sa soeur, souhaitant la protéger de ces malheurs qui s’abattent sur eux comme la grêle sur le bitume. cet enterrement marque la première et dernière fois que nathaniel se retrouve devant la tombe de charlie, les lettres gravées toujours aussi claires sur ses rétines, comme si le cercueil avait été recouvert hier encore. si le cadet existe dans sa boîte crânienne, comme une entité fantomatique autant qu’un parasite dont on ne peut se débarrasser, ailleurs il est effacé des registres. jamais l’aîné ne le mentionne, ni à sa famille, ni à ses connaissances, à personne véritablement, pas même à ses compagnes ou encore à sa fille. c’est comme si, malgré tous les souvenirs qui peignent les parois de son encéphale, il n’avait jamais existé.

*t'es un putain de gâchis d'espace.

big jet plane. she said, hello mister, pleased to meet you. i wanna hold her, i wanna kiss her. she smelled of daisies, she drives me crazy, gonna take her for a ride on a big jet plane. — si niel croyait au destin, il dirait que leur rencontre était toute écrite, leur relation toute tracée, avant même que ses yeux n’épousent la peau porcelaine de celle qu’il manque, quelques années plus tard, de demander en mariage. pour elle, pour cet amour nouveau, fleurissant chaque seconde de son existence, ses entrailles effervescentes lorsque ses pensées divaguent sur ces contrées qu’il n’a de cesse de visiter, adorées jusqu’à leur dernière parcelle, il ose s’opposer à l’opinion de ses parents et efface d’un vulgaire revers de la main les she is not proper for a hughes*, les girls like her are only after money** et les you will see, nathaniel, she will leave you as soon as she gets what she wants***. il se bat un temps et se retrouve finalement mis à terre, pas par sa mère et ses remarques désobligeantes, pas par son père et ses regards désapprobateurs, mais par cette femme aux allures de déesse, celle à qui il aurait tout donné et pour laquelle il aurait tout quitté, cette femme aimée à s’en bousiller l’être et à s’en oublier soi-même, qui disparaît du jour au lendemain sans aucune explication. niel a beau se creuser la tête, chercher, fouiller, il ne sait pas où ça a déraillé, ne trouve pas le moment exact où les choses se sont détériorées, où lui a merdé, puis termine par tout simplement se dire que rien de ce qu’ils ont vécu n’était vrai et que peut-être sa mère n’était pas bien loin de la vérité.

* elle n'est pas assez bien pour un hughes.
** les filles comme elle ne sont qu'après l'argent.
*** tu verras, nathaniel, elle partira une fois qu'elle aura eu ce qu'elle veut.

wolves without teeth. you hover like a hummingbird, haunt me in my sleep. you're sailing from another world, sinking in my sea. oh, you're feeding on my energy, letting go of it. — après avoir goûté au bonheur, aussi trafiqué a-t-il été, niel apprend à faire sans. il s’attend toujours à la voir apparaître à sa porte et l’entrevoit parfois au beau milieu de passants pressés, à la caisse du supermarché ou à la station essence, en vérité elle semble être partout et nulle part à la fois. comme charlie, elle est volontairement oblitérée au sein du cercle familial, quand bien même elijah remet le sujet sur le tapis lorsque ses nerfs sont mis à rude épreuve. leur mère est toujours celle qui met fin aux disputes qui la mentionnent, comme si seulement y penser était un péché qui leur vaudrait une éternité en enfer. le problème est que niel ne fait que ça : y penser. s’il se dit que les mensonges d’eileen ont terminé par la rattraper, une partie de lui refuse de le croire. il se hait d’être toujours sous son emprise après toutes ces semaines, ces mois, même ces années, comme si elle lui avait jeté un sort qui l’empêche de véritablement vivre sans elle. à chaque fois que son esprit se pose sur elle, il divague involontairement sur son défunt cadet qui, contrairement au reste de leur famille, aurait su quoi lui dire parce que tous ses défauts n’ont jamais effacé ses qualités qu’en théorie, qu’en apparence, dès que niel cherchait la petite bête et trifouillait dans les plaies encore saignantes. fuck, i miss you*, qu’il murmure parfois entre les murs de cet appartement qui devait être le leur, ces quelques mots dirigés vers tout le monde et personne à la fois, eileen et charlie, ni l’un ni l’autre.

*tu me manques, putain.

numbers. take the worst situations, make a worse situation. follow me home, pretend you found somebody to mend you. — rien ne comble le néant et pourtant niel essaye. il tente de remonter la pente sans même admettre qu’il a glissé, prétendant à ceux qui veulent bien l’entendre qu’elle n’était pas bien importante. sa fratrie n’y croit pas un mot, mais à part lorsque les frères se disputent les rares fois où ils se voient, personne ne lui fait remarquer que cette affirmation est un mensonge aussi gros que lui. au final, la bague qui devait être glissée au doigt d’eileen orne celle d’une autre. ses parents approuvent leur union, elijah et euphémia un peu moins. elle est belle, presque autant qu’elle. il arrive presque à entrevoir son amour d’antan dans les traits de sa nouvelle femme, au fin fond de ses prunelles azurées, jusque dans les reflets de ses cheveux orangés, dans ses gestes doux et ses mots d’adoration, et pourtant niel se sent plus vide qu’il ne l’a jamais été. vite, trop vite, il explose et affirme vouloir divorcer après un dîner particulièrement mouvementé avec sa famille. elle pleure, dévastée par ce soudain revirement de situation, et lui reste de marbre. niel ne l’a jamais aimée, n’est même pas certain de l’avoir un jour appréciée, ayant toujours feinté un intérêt pour sa vie, ses hobbies, tout ce qui faisait d’elle quelqu’un d’autre qu’eileen. le divorce fait la une des journaux et ses parents ne manquent pas d’exprimer leur profonde déception. l’aîné se renferme sur lui-même et se concentre sur sa carrière plus qu’il ne l’était déjà. sa famille est mise en arrière-plan, assez loin pour qu’il n'ait plus à se soucier de l’avis de ses géniteurs, encore moins de celui de son frère. il trouve un peu de réconfort dans l’alcool, un temps, juste un minuscule instant, avant que les images du cercueil renfermant charlie ne lui reviennent en pleine figure. il s’est promis de ne jamais prendre le même chemin que son cadet et cette promesse, plus que toutes les autres, il compte bien la tenir.

five minutes. all i need is five minutes, if you can see the signs. all i need is five minutes, if you read between the lines. one for the eyes and one for the voices. one for the touch, one for the soft grin and then the kisses. — son ex-femme était un remplacement bancal, une façon de reconstruire cette histoire terminée trop brutalement, de refaçonner cette dernière à sa manière, ne lui laissant aucune chance de se faire une véritable place dans son existence. cette fois-ci, niel se laisse porter par une passion dévorante qu’il n’a jamais ressenti auparavant, pas même lorsque celle qu’il considérait être la femme de sa vie en faisait toujours partie. cette relation n’a rien de belle, elle est aussi laide que malsaine, mais elle a au moins le mérite de lui faire oublier que son existence n’a plus beaucoup de sens. aux yeux de tous, ils forment le parfait couple. dans une autre réalité, certainement que le monde entier aurait raison, mais dans celle-ci, ils sont tout le contraire. il s’y attache comme on se retient à une bouée de sauvetage, sauvé par cette passion qui, de la même façon, le condamne à mort. l’un et l’autre s’arrachent sous l’excuse d’un amour auquel tout le monde croit, mais qu’eux deux savent factice du début à la fin. il y a de l’attachement, c’est indéniable, un respect mutuel qui se mêle à une admiration qu’aucun ne cache. il n’y a finalement que ça et ils en ont tous les deux conscience. ça leur va très bien - jusqu’à ce que sa femme ne tombe enceinte et que le jeu se retourne contre eux. elle garde l’enfant malgré les complaintes de niel, lui qui se sait inapte et incapable d’élever un môme, et c’est le début de la fin. il est encore moins présent, toujours en déplacement, rentrant à des heures impossibles même lorsqu’il n’est pas censé être en train de travailler. l’alcool redevient son meilleur ami autant que son pire ennemi, chaque pensée dirigée vers son frère et l’addiction qui a eu raison de lui étouffés au fond d’une bouteille de trop. il ne voit pas sa fille faire ses premiers pas, n’entend pas ses premiers mots, ne la regarde même pas comme si elle était la sienne. si son épouse accepte cette situation un temps, résignée plus qu’autre chose, c’est à son tour qu’elle glisse les papiers du divorce sur la table. niel hésite un instant, pensant à ses parents plus qu’à son enfant, mais ne perd pas de temps à en accepter les termes.

the place i left behind. one more month at that steady place, a couple more days i'll be going away. there from the city with the sunny side is a place i left behind. — c’est à peine si niel est présent dans la vie de son enfant, quand bien même il en a toujours la garde, cette dernière partagée avec son ex-épouse. il ne sait pas pourquoi il réagit de cette manière, pourquoi en rester loin est bien mieux que de partager un appartement avec sa fille, pourquoi il n’arrive pas à la regarder dans les yeux, pourquoi il n’a jamais véritablement essayé de former un lien solide entre elle et lui. peut-être n’y a-t-il aucune explication autre qu’il n’aurait tout simplement jamais dû être père. peut-être que la peur le retient prisonnier depuis des années, celle de perdre quelqu’un d’autre et de se perdre lui-même un peu plus, comme si tenir la chair de sa chair loin de lui l’empêcherait de l’atteindre mais la protégerait surtout de cette malédiction qui semble avoir été posée sur lui à la naissance. il se fait croire qu’il ne ressent rien pour cette dernière, mais se surprend trop souvent à détailler son visage sur les photos, un fin sourire étiré sur ses lèvres, et à avoir un pincement au cœur à chaque fois qu’il pense à tout ce qu’il a manqué et ce qu’il continue d’ignorer. il sait qu’elle le déteste autant qu’il a conscience de le mériter, mais la vérité est que sa haine ne rivalise pas avec celle qu’il n’a de cesse de ressentir à son propre égard.

goodbye. am i going crazy? would i even know? am i right back where i started fourteen years ago? wanna guess the ending? if it ever does. i swear to god that all i've ever wanted was, a little bit of everything, all of the time. — plus les années passent, moins niel se reconnaît, moins il supporte son reflet dans le miroir et son comportement, les intonations et le son de sa voix, son arrogance, son égoïsme, son sarcasme, chaque petite chose qui font de lui celui qu'il a toujours été. lorsqu’il pense aux décennies dernières, à la mort de son frère, à l’éloignement des survivants de sa fratrie, au départ d’eileen, à ses divorces, aux regards presque haineux de sa fille, il se dit que tout est de sa faute, du début à la fin, de sa naissance à cet instant précis, une bouteille entre ses doigts et le goût du whisky sur sa langue. si sa vie professionnelle est toujours aussi florissante, presque étincelante, l’homme qu’il est n’est finalement pas bien plus que ça : un homme dépouillé de tout.