lueurs — juliet.

the sad into your eyes
Moineau de la fratrie tendrement chérie, elle ne trouve aucun réconfort dans la chaleur de ce nid. Les épines de pin lui grattent la conscience face à cette opulence démente et sa propension désastreuse à ne pouvoir rien y faire, de cette injustice grandeur nature. Les plumes choyées reflètent les rayons de l’amour, et c’est couverte des illusions de la délicatesse que Juliet toise le cygne-mère, les ailes rompues par les coups de bec jetés par le mari. Néanmoins son plumage, jamais, n’est rebroussé par les violences de la grande charogne noire tant que l’enfant continue de se nourrir de son impuissance. La chute des plumes de soie est initiée par l'aîné mâle, digne fils de la calamité qui somme sans relâche que le moineau ne vaut rien, vouée à voler dans une solitude éperdue, si jamais elle vole un jour.

L’existence érigée en imposture, Juliet ne s’illumine jamais dans le cercle de succès de la dynastie. Dévoyée d’un avenir bâtie du fer de ses parents, elle est d’une déception qui fait presque pitié comme elle patauge avec mollesse dans la marre agitée d’une identité méconnue. Sertie d’échecs, la rombière précoce solidifie de ses expériences d’étudiante faussement mais mesurément délurée la croute de son étrangeté. Et même lorsqu’elle se déporte sur le chantier de l’ordinaire, on observe, le regard en biais, cette fille qui s’étourdit à la liqueur pour s’attribuer la fadeur du normal sans que cela non plus ne lui sied.  

the freedom of falling
Mordante auprès de ces carnes mal avisées qui raillent et ruinent de la même façon, elle est prise en joue par le silence déclenché aux cris de désespoir des siens. Elle hoche la tête, vaincue sans même avoir pris les armes, marmonne à contre-coeur son approbation. Si elle ne fait rien de sa vie, au moins qu’elle se marie. Son frère se gausse car il croit que personne ne pourrait vouloir délibérément mourir d’ennui avec elle, son père pénétré d’affliction disparaît dans les affaires, et la mère dont on n’a déplumé de bien plus que de la chair, s’enlise dans une complicité d’abattue. Juliet mime l’amour, solde de sa tranquillité, elle se peint des étincelles dans des regards sacrifiés à son infidèle. Au moment opportun d’un mépris puissant, elle confronte l’adultère qui lui demande à jamais de se taire. Accaparée par la besogne, bien indifférente à ce qu’il jouit dans les entrecuisses de chacun, elle se sent devenir ce cygne à qui l’on a fauché sa somptuosité. Ce n’est là que la solde de toute son impuissance pour ne pas avoir empêché les plumes de céder.

Un jour où il est rasséréné du vaste vide de l’existence blanche et indifférente du moineau, il se retire pour toujours et Juliet ne remarque pas qu’il est parti. Le nez surnage au-dessus des lettres imprimées sur le papier opalin dévore l’épique historique du monde et de l’humain. Elle est seule depuis longtemps, martelée, chaque jour et par chacun, de son tempérament au désamour, de sa cadence insignifiante que viennent amplifier ses audaces cinglantes. Vers la fenêtre qui donne sur son verger givré, la paralysie et l’embarras rabroués, son souffle chaud vaporise la vitre et elle n’y voit plus rien. Prise dans les maillons de l’incroyable fatalisme féminin, Juliet détourne le regard et s’empresse de mettre fin à l’impuissance de tous ces cygnes qui ont vendu leur peau à des amours factices et violents.

setting the alarm
Les subventions s’assèchent et le cercle des femmes battues s'invisibilise. La volonté en feu de ses reins, l’étrangère présente son flegme d’entretien en entretien, et sa maladresse d’initiée agite à nouveau cette lueur d’agonie, ce sceau de pitié dans le fond des rétines si sérieuses. Un soir à, encore, contempler sa ruine, Juliet est appelée pour intégrer son poste le lendemain. Elle est enfin mise du côté du pouvoir, s’y perd gentiment et toujours en silence, s’intéresse parfois de trop près à ces cas de calvaire et de cruauté.