(tu sais les vrais monstres, c'est pas ceux-là.)

traits de caractère / profiteur ingrat qui ne rechigne pas devant les opportunités, tu as avalé goulument tout ce que la vie a mis sur ton chemin, en sortant même parfois du sentier pour les ramasser. ce qu'on te donne tu le prends, tu poses rarement des questions et n'aime pas y répondre, tu veux pas avoir de comptes à rendre à personne. la générosité c'est pas ton truc, les yeux d'ange tu sais les faire et si on te prend de haut tu peux monter sur tes grands chevaux. paradoxalement t'as peu de vibrantes opinions, tes colères tu te les gardes aussi bien que tes revendications, et si t'as besoin de quelque chose t'as pas honte de réclamer. t'es épuisé de ce que tu n'as pas eu à vivre, tu suis le mouvement si on ne te demande pas ton avis et encore moins si c'est contre de l'argent. l'argent. avide sans avoir un sou, t'es avare comme le plus riche des connards : y a pas de petits profits, ton argent tu ne le sors que sur les tables de jeux, et quand tu perds tu enchaînes les parties dans l'espoir de rattraper l'affaire. en regardant les autres tu chopes leurs tics, on peut te reprocher un manque de personnalité mais tu préfères dire que tu t'adaptes juste à ton environnement.

la famille de base, bateau, bancale et banale au possible et qui devait figurer en exemple dans un dictionnaire au mot amérique. tu as une famille qui conçoit les enfants à la chaîne, qui se repaît des talk shows tardifs et qui n’a pas plus grande ambition que de chanter la main sur le cœur un quatre juillet devant le drapeau. t’as trois autres frères et sœurs. pas de plus grands espoirs, juste de vivre leur petite vie en remplissant les caddies, toi aussi t’aspirais à rien d’autre avant de voir que le monde dehors vivait autrement ; que toutes les lumières ne s’éteignaient pas à vingt-trois heures. t’as fait quelques conneries, rien de grave, juste parce que tu voulais suivre ce que tu croyais être la vraie vie, suivre la lueur qui illuminait le regard des autres ; mais devant le miroir tu te disais que le tien était toujours sacrément vide. fallait allumer ta flamme, trouver un carburant et réveiller le moteur. ça grondait sous le capot mais jamais rien de l’extérieur. alors tu es parti de la maison, et tu es sorti, le soir. t’as essayé de goûter à la nuit, y mordre à pleines dents parce qu’on t’a dit qu’elle était impitoyable, tu t’es trouvé un nouveau monde et tu n’as bientôt plus supporté l’ancien. tu en as vu des mecs aux regards sombres et aux veines claires, des mecs qui pensaient que jouer les gros durs allaient durcir leur petit cœur de dentelle. toi, t’avais pas la carrure pour assumer le rôle, pas la famille non plus, pas la vie en fait, ces mecs l’appelaient chienne alors qu’elle ne t’avait montré que sa patte de velours — parfois t'aurais voulu crever pour sentir ses griffes pénétraient ta chair ; mais jamais suffisamment pour être comme eux. t’avais la soif de vivre différemment, de vivre difficilement, d’écrire à tes parents que t’avais dû prendre l’avenir à bras-le-corps et que rien n’était facile dans la jungle de new york mais ça venait pas. les emmerdes ne venaient pas. tu es donc allé les trouver par toi-même. influençable, oui tu l’as été. pire que ça, t’étais avide de mauvaises relations, avare de sourires et acide avec ceux qui avaient connu le toi d’avant. le toi d’avant il te mettait mal à l’aise, c’était une esquisse fade et claire faite au crayon mal taillé, mais maintenant tu aspirais au portrait. t’as traîné dans des soirées, on t’a fait tester des trucs et t’as cru que tu te construirais comme ça ; tu te cherchais une vie plus amère que celle que tu avais, et tu t’es assis à ta première table de poker. ta came, c’est devenu les cartes, le blackjack ton cancer, et l’adrénaline le seul remède. tu misais pas beaucoup, tu voulais pas te risquer à tout perdre, t'avais que dalle aussi en ayant quitté la maison en coup de vent pour faire ton rebelle, mais la frustration était telle que t’étais toujours là à remarquer les mecs plus riches jouer, et gagner gagner g a g n e r jusqu’à la nausée. t’étais malade de ne pas faire comme eux, tu voulais le beurre et plus que tout l'argent du beurre — et c’est ici qu’elle entre en scène. siam. les yeux se croisent puis les cœurs s’entremêlent, c’était pas difficile d’être sous son charme et tu savais que de son côté c’était pareil. t’allais avec elle à ses soirées pour faire grincer des dents ses parents et puis d’autres nuits, c’est elle qui venait aux tiennes. siam avait du fric. beaucoup. tu t’es mis à de plus grandes tables. tu as misé plus ; t’as perdu et t’as gagné, le bluff s’affirme et te dévore tout entier, ta vie et ton couple n’étaient plus qu’un putain de coup de poker mais t’en avais rien à foutre : tu avais de quoi le payer. elle en avait de quoi, en fait. ç’aurait pu continuer des années, ce joyeux manège, elle qui utilise ton image et toi son héritage, mais la machine est tombée en panne à cause de lui. toute cette histoire t’avait aveuglé et gonflé de suffisance, alors t’as pas aimé qu’on te le fasse remarquer, et encore moins de la part d’un ami. t’as cru à la théorie du complot, vous savez du genre ce pauvre type n’avait d’yeux que pour elle et cherchait à te discréditer ; jamais tu ne t’es remis en question. à force de prétendre on croit qu'on est comme tout le monde, mais non, tu étais et as toujours été le reflet sale des autres, et cette fois n'échappait pas à la règle. l'argent que tu dépensais n'était pas le tien ; et c’est alors que, bouffi d’orgueil, tu l’as larguée. c’était malpropre et proprement mal, d’une rapidité fulgurante, juste pour lui donner tort, t’avais pas besoin d’elle ni de son fric, même le plus con des aveugles l’aurait vu. et d’une lâcheté sans faille tu as quitté la ville. le soir-là, dans la chambre grisâtre d’un motel, tu y as repensé, les nerfs en feu et l’âme en sang, et tu t’es demandé si tu avais été plus amoureux d'elle ou de son argent.