(sonny) nuit rouge.

traits de caractère /



((sonny, elle s'en fout))
de la terre qui gire, de la terre qui tourne
de la mère fertile qui, la nuit, le soleil ajourne
parce qu'elle a déjà la tête à l'envers la belle étourdie
à 360 degrés, de l'autre côté du paradis
l'esprit perdu dans la ronde d'un fichu carrousel
gamine est saoule, gamine est belle.


((sonny, elle s'en fout))
de la lune qui garde, de la lune qui veille
de ses yeux grands ouverts sur le monde en sommeil
parce qu'elle les voit elle aussi, les maux endormis
les crache sur la toile, leur redonne leurs couleurs
à la bien connue lueur pâle, panse ses douleurs
gamine revit, gamine se meurt.

elle observe la toile vierge d'un oeil méprisant,
régurgite le dégoût que lui suscite sa virginité,
aussi pure et sainte qu'on la nommerait marie.

telle était son oeuvre.
et quand l'enfant meurtrie encaisse la beauté de cette base inaltérée,
à l'instant où dame lune lui offre sa première lueur,
c'est sonny qui pleure.

le blanc immaculé rend son oeil aveugle, lui extirpe une larme cristalline dont le seul éclat n'était en réalité qu'un infâme mélange de rancoeur et de jalousie. elle déteste sa neutralité, cet espace vide de ses propres cicatrices.
elle y tamponnera plus tard le violacé des ecchymoses de ces mêmes nuances qui teintaient son âme, la précieuse sculptée dans la roche de saturne que le byzantium avait sardoniquement étouffé.

mais lorsque les souvenirs la submergent de leurs eaux pourtant si claires, le pinceau caresse la toile d'une tendresse qu'elle ne connaît plus. le vert impérial encadre le néant d’albâtre comme pour lui rappeler que les bras de l'espoir l'avaient un jour entourée - oublier qu'ils l'avaient serrée trop fort, jusqu'à l'étouffer.
noyée sous les teintes d'absinthe, gamine se souvient -
le monde se veut beau parfois, mais le bonheur est imbécile ;
petite funambule est trop souvent tombée du fil.

elle s'autorise un sourire qui disparaît sous sa propre morsure, par simple et pure désapprobation. elle boit une gorgée de café noir, jette un oeil au manteau d'ébène qu'avait revêtu le ciel et se laisse aller à une pensée brève.
à toi, le (lù) inapprivoisé hurlant à la lune seulement pleine - dans le coin, là-haut, y'a une touche de bleu qu'elle s'est à peine vue déposer. la nuance similaire à ces yeux desquels elle se détourne chaque fois. le désintérêt semblable à celui qu'elle lui offre sans vergogne.
bleu cérulé ou bleu charron,
c'était le bleu du vagabond.

et quand le dru du poil rencontre l'espace encore vierge, c'est d'un flambant flave qu'il redessine les courbes de ces fleurs baroques qui ornaient les murs de la maison. les tentures étaient ternes, abîmées, dépourvues de leur éclat d'antan. mais elle les veut vives sonny, aussi éclatantes que les tournesols majestueux qui hochaient lourdement la tête en bordure de route.
c'était tout ça, la chaleur des souvenirs que même la tapisserie vieillie ne parvenait pas à affadir.

mais y'a eu le pire ;
il n'est plus à venir.
et la rage que le coeur vomit enfin la pousse à déverser d'un geste ardent ce rouge qui l'avait un jour dépourvue de tout espérance. le carmin éclate contre la surface de la même manière que la cervelle de sa mère, quand seul l'echo assourdissant du coup de feu avait hurlé à sa place son adieu.

l'oeil s'assombrit sous les sourcils froncé.
c'est encore trop beau, pas assez laid. car elle est la seule que répugnent les éclats nuancés auquel le monde rêve à l'aube de chaque réveil. alors elle plonge les doigts graciles dans la noirceur funeste et en griffe la toile de toute la férocité que contient son petit corps.
ça crie.
ça craque.
ça crève.
et l'oeuvre charbonnée ne ressemble plus qu'à un coma éternel.
une purge à cette vie - euthanasie.


elle observe la toile salie d'un oeil rasséréné,
se délecte sans complexe de l'absolue immondice,
aussi impure et malsaine qu'on la nommerait perséphone
(marie souillée
marie salie
marie salope)

telle était son oeuvre.
et quand l'enfant maudite s'imprègne de la beauté du dégueulasse,
à la dernière lueur que lui offre sa bougie,
c'est sonny qui vit.