(oona) les hautes lumières.

01. gamine sentimentalement orpheline, t'es livrée à toi-même depuis le berceau (les premiers cris, les premiers pas, les premiers shots, les premières ivresses) ; maman un peu trop portée sur le boulot, papa un peu trop porté sur le goulot. 02. enfant des rues par la force des choses, t'as usé tous les pavés du queens pour trouver ta propre famille ; tes soeurs d'âme, tes frères d'armes. 03. t'as appris à te défendre toute seule, contre les merdes et les merdeux, le caractère de feu majeur responsable des verbes tranchants et des poings un peu trop lourds. toujours un sarcasme acéré au bout de la langue et les griffes à l'air en cas d'attaque. 04. à la suite de ça, c'est te débrouiller que t'as appris à faire toute seule. pour gagner ta propre thune, quitte à vivre d'argent sale. de toute façon, c'est déjà sale de devoir troquer son droit de vivre contre du pognon, pire encore que de la prostitution. 05. tu t'es faite embaucher dans un vieux motel miteux à l'hygiène douteuse et aux normes pas franchement respectées. femme à tout faire pour quelques sous, ça te permet de maintenir ton indépendance. 06. et puis y'a l'proprio, p'tet' bien aussi crade que son boui-boui, qui te loue une chambre misérable à bas prix pour compléter ton salaire (quand t'as pas, en plus, quelques billets supplémentaires pour une pipe ou deux dans le mois). 07. t'as besoin de tout ça, gamine, pour toi, et pour lui. mess. parasite incrusté entre tes murs, l'odeur d'un désir inavoué imprégné dans chaque fibre de la vieille tapisserie. 08. et puis quand t'as rien à bouffer, que t'as plus assez d'argent pour subvenir à tes besoins ou à ceux de ton putain de squatteur, tu t'adonnes à des petites folies cleptomanes ; tu t'infiltres dans les chambres, grattes les quelques thunes que t'y trouves parfois, des réserves à grailler et toutes les babioles que tu t'imagines utiles. 09. t'as un clébard ridicule pour seul compagnon, un bâtard que tu traînes depuis un an (et que t'aimes, pourtant). 10. tu rêves de t'barrer. sans un mot, sans bagages. sans un rond, et sans objectif non plus. juste tailler la route et vivre le risque à cent à l'heure, la fièvre au corps, la mort aux trousses.

au fond,
ça veut dire quoi quand tu lui dis [ j ' t e    d é t e s t e ] ?
que c'est un connard
un putain de baltringue.
que si t'avais un flingue, tu lui collerais une balle droit dans la tête (et que tu viserais juste), tout ça pour qu'il crève
comme toi tu crèves de l'entendre dire -

en vrai, j'te déteste pas - ou en tout cas pas vraiment
j'suis juste un bâtard
un foutu mytho qui veut fendre ton ego en deux

parce que t'as pas de coeur oona
et que l'ego c'est déjà bien
c'est déjà trop quand y'a que ça qui te retient de lui dire -

en vrai, j'te déteste pas - peut-être pas tant que ça
j'suis juste une putain de trouillarde
une dégonflée qu'assume pas
et que j't'avouerai jamais que quand j'te vois trop près de la porte, j'ai envie de fermer à clés

au fond c'est ça que ça veut dire
que tu lui en veux à mort quand il part
que tu restes éveillée certaines nuits dans l'espoir qu'il revienne (et qu'il en baise pas une autre entre deux)
que tu voudrais pouvoir aller le chercher en bas de la rue pour lui dire -

en vrai, j'te déteste pas - ou seulement quand t'es pas là
fais pas l'con, j'sais que tu comprends
mais si c'est le cas, s'il te plaît, tais-toi
me dis pas c'que ça signifie quand j'te dis tout ça
dis-moi juste que j'te manque quand tu traînes les trottoirs
et j'te dirai peut-être que j't'aime avant qu'il soit trop tard

et au fond, ça voudrait dire quoi ?
ça voudrait dire [ j ' t e    d é t e s t e ].