((pavé en approche))
autochtonie x Elle a des ascendances aléoutes, on l'a déjà dit. Jaaq est un nom qui s'est transmis de père en fils dans la famille, malgré les mariages avec des Américaines et des Canadiennes. Son arrière-grand-père n'a pas réussi à transmettre sa culture à tout le monde, et Rayleigh fait partie de ces personnes qui descendent d'un peuple qu'ils ne comprennent ni ne connaissent. Son arrière-grand-père est mort quand elle avait une dizaine d'années, avant qu'elle n'ait pu s'intéresser à ce pan de son héritage ; et son père a toujours été discret sur le sujet, ayant encore à l'esprit les histoires de persécution et de déracinement de son enfance. Rayleigh n'aura pas connu cela, n'a qu'une vague conscience de ce legs et de ce qu'il apporte.
colonisation x Le
soft power des états-Unis contigus a recouvert les aspérités de la culture aléoute, et sa mère y a, même inconsciemment, participé. Texane d'origine, elle tombe amoureuse d'un jeune menuisier lors d'un road-trip avec des amies en Alaska. Ensuite, l'histoire classique : une fois ses études finies, elle le rejoint, et ils fondent leur famille. Sa mère est comptable dans une société de Fairbanks, où la famille Jaaq a fait son nid. Ils vivent dans un bon quartier, où tous les voisins se connaissent et tous les enfants jouent ensemble.
chronologie x Le grand frère de Rayleigh est le premier à connaître ces jeux dans la neige ; puis c'est au tour de Rayleigh. Le prénom de cette dernière lui vient de la jumelle morte-née de sa mère ; ce qui peut expliquer la véhémence avec laquelle cette dernière en défendait la prononciation. Quand l'un de ses profs avait décidé que ça se prononçait comme 'riley' et qu'il n'y avait pas de a ni de h, cela mettait sa mère en fureur. Leur famille a des liens forts, malgré la distance : les repas de Noël se font avec les grands-parents texans et les cousins-cousines canadiens ; sur la table c'est un bazar pas possible avec tous ces modes de vie (et d'alimentation) au même endroit, et on peut se retrouver avec un morceau de caribou assaisonné à la sauce barbecue et accompagné de pâtes complètes dans la même assiette. Et quand il y a eu les petits derniers, il ne fallait pas oublier la compote. Rayleigh et son grand frère, ils s'entendent comme les deux mains d'un corps : proches, mais chacun fait sa vie ; Rayleigh et ses petits frères, ils s'entendent plutôt comme une main avec deux pieds : moins proches, donc.
bifurcation x Au départ, Rayleigh ne voulait pas faire de sport autre qu'en jeu vidéo. Ses parents l'ont forcée à sortir du canapé en l'inscrivant au soccer quand elle avait 6 ans ; mais au même moment, accident de luge et CRAC une jambe cassée. Rayleigh n'est donc pas 'née avec un ballon au pied' ni ne savait 'jouer au ballon avant même de savoir marcher', loin de là. Elle n'a commencé ce sport, à reculons, qu'à 7 ans. Et elle n'a pas eu de révélation. On ne lui a pas mis un ballon entre les jambes et elle ne s'est pas dit 'c'est ça qu'je veux faire' avec un petit ton revêche. Non, quand elle entre en middle school, elle demande à arrêter le soccer pour se consacrer à ce qu'elle croit être sa véritable passion : la cuisine. Sauf qu'après deux mois et un moral dans les chaussettes, elle reprend le chemin des terrains. La passion n'est arrivée que progressivement, ne s'est invitée dans la danse qu'insidieusement, mais elle était bien là, et bien installée, et bien déterminée à ne plus la quitter.
escale x Alors quand elle a 15 ans, Rayleigh suit son aîné au Canada. Il a 18 ans, il entre à l'université de Vancouver ; elle entre dans une académie de soccer non loin. Ils vivent ensemble les week-end, ce qui saoule bien son frère, même s'ils s'adorent, il en a marre qu'elle rapporte à leurs parents ses fêtes et son assiduité (ou manque d'assiduité) aux cours. Le reste de la semaine, Rayleigh est logée dans l'internat de l'académie. Elle fait ses trois ans d'high school au sein de cette structure spéciale, puis ne poursuit pas ses études à l'université, pas même à distance.
décollage x Parce qu'entre-temps, elle a brillé. Ses années canadiennes ont payé : elle a intégré les équipes féminines du Vancouver FC, en junior, puis en adulte à sa sortie de l'académie. Mais surtout, elle a été appelée pour jouer pour la sélection nationale américaine, en U17 et U20. Quelques buts marqués, quelques passes servies, quelques médailles gagnées. Les études, les diplômes, passent après, pour l'instant. Non pas que la célébrité lui soit montée à la tête ; Rayleigh se dit juste que tant qu'elle est jeune et a des jambes, autant en profiter pour courir les terrains.
île x Si elle devait décrire son style de vie, elle dirait semi-nomade. Installée à un endroit pendant quelques années, puis elle le quitte et va plus vite, plus haut, plus
loin. Pas d'attaches. Elle a peu d'amis, Rayleigh. Elle ne sait pas pourquoi, ça n'a jamais suffisamment collé pour qu'elle se fasse des amis pour la vie. Au changement d'école, au changement de ville, ou au changement d'équipe, les liens créés se distendent, se dissolvent ; et d'autres se créent, avant de se diluer aussi, au rythme des arrivées et des départs.
presqu'île x En amour, c'est encore pire qu'en amitié. La jeune femme ne l'a jamais connue, cette affection si particulière portée à quelqu'un. Elle s'est trop concentrée sur son rêve et ses études et entraînements, et quand elle a levé la tête, c'était pour se rendre compte que les garçons, mouarf, pas son truc. Et que les filles, c'était compliqué à approcher. Elle a peur de se tromper, elle a peur que ça rende les choses bizarres, alors elle ne fait rien. Elle a passé nombre d'années dans une académie de soccer au Canada, et la puberté dans un vestiaire rempli de filles sportives... ça ne l'a pas aidé, elle. Enfin, si, dans une certaine mesure : Rayleigh sait qu'elle aime les filles, mais c'est tout. Le doute l'a assailli pendant longtemps ; et comme le Rat dans la fable, elle a dû ronger les mailles avec patience et obstination. Aujourd'hui, elle le vit mieux, elle vit mieux ; elle n'a pas peur d'en parler, mais ne le crie pas sur tous les toits, ce n'est pas dans son caractère. Et elle attend toujours qu'une femme voit à travers sa réserve, qu'une femme la remarque.
moyen x Peut-être que sa renommée grandissante l'aidera. Au moment où elle revêt son maillot avec son nom floqué dans le dos, Rayleigh se sent invincible. Ça ne dure pas, ce n'est que pour ce moment où elle l'enfile, mais ça lui fait un bien fou. Et ces derniers temps, elle a acquis un peu plus de visibilité grâce à ses sélections nationales ; et si celle dans l'équipe phare se fait toujours attendre, Rayleigh considère qu'intégrer le Queens FC, c'est s'en rapprocher, alors qu'elle joue sur le sol étatsunien pour la première fois. Sur le terrain, Rayleigh est milieu latéral droit, sous le numéro 15 : elle se fait connaître grâce à la précision de ses coups, mais surtout grâce à ses interceptions. Les commentateurs la surnomment rapidement Jaaq-in-the-box, parce qu'elle a cette habitude de surgir à l'improviste et de chiper le ballon au nez et aux pieds de l'adversaire, et de mener une contre-attaque, avant de servir une belle passe au-dessus de la défense avec son pied droit ; ou, plus rarement, un but dans la lucarne ; ou, quelques fois, de perdre le ballon au profit de l'adversaire. Rayleigh a des coups de pied puissants, qui lui valent d'être préposée aux coups-francs, corners et autres passes longues.
trouble x Sa célébration ? La
cover d'un mouvement de Ten dans 'New Heroes', sa chanson favorite. Sa faiblesse ? La dette morale qu'elle doit à l'homme qui lui a obtenu le contrat avec les Queens. C'est assez flou, mais apparemment il s'est 'mouillé' pour elle, et elle doit le payer en retour. Pas avec de l'argent : avec des services. Pas sexuels ; elle doit faire quelques petits boulots pour lui : jouer au chauffeur dans des endroits mal famés, jouer à la garde-du-corps pendant des tournois de poker clandestins... Des petits trucs, de rares moments, mais qui lui pèsent ; et qu'elle lui doit, parce que
lui, il a fait en sorte qu'elle puisse vivre de son rêve. Lui, c'est une connaissance de son coach au Vancouver FC, et une connaissance du directeur de l'équipe basée dans le queens ; celui qui a fait le lien entre les clubs pour elle, et qui aujourd'hui est un boulet à son pied.
sulfure x Rayleigh ne sait pas trop ce qu'est le destin. Elle sait juste qu'elle vit avec ce qu'elle a sous la main ; mais surtout qu'elle subit. Plus passive qu'agressive, la jeune femme prend les coups du destin en pleine face, a un goût de soufre sur les lèvres ; d'autres façonnent les pavés devant elle, les soulèvent en un escalier qui peut l'élever vers ses désirs cristallisés au sommet de la voûte céleste. La gloire, l'amour, le destin en girouette qui la pousse dans un sens ou dans l'autre, l'en approche ou l'en éloigne, et elle vogue dessus, petit bateau ivre. Elle supporte le mauvais ; elle se réjouit du bon. Relativiste, Rayleigh essaie de voir le meilleur dans chaque situation, puisque souvent ces dernières sont hors de son contrôle. Ni vraiment optimiste, ni vraiment pessimiste, elle endure les coups du sort sans broncher ; jusqu'au moment où ça pète, où ça claque, où ça explose, et où elle veut reprendre son destin en main ; en vain ?
((pavé tombé sur vos pieds))