(re)trouvailles
au fond, tu l'as espéré à la première seconde où t'as tourné les talons. tu l'as cent fois imaginé comme un enfant qui rêve trop grand,
son retour.mais c'est pas elle qu'est partie. c'est déplacé, putain, de songer au retour de ceux qui sont restés. les fidèles. les abandonnés.
l'air distrait, t'observes le reflet déformé sur le morceau de papier alu dégueulasse qui traîne à tes pieds. et il est là le crétin, le seul capable de rebrousser chemin jusqu'à la maison où l'innocence attend encore que tu reviennes. parce qu'elles étaient là tes promesses de toujours, ancrées dans sa tête de petite fille dont la naïveté n'avait fait que la laisser croire à ces quelques mots de trop.
(je serai toujours là). et ça t'bouffe de l'intérieur tad, la culpabilité.
p'tet que t'y penses trop fort.
et p'tet que c'est pour ça que tu l'entends encore, comme un sifflement.
« tad... »tu r'prends les mouvements à la hâte, noies la paranoïa dans ce job de fortune qui n'en a que le nom, là où ce n'était qu'un moyen minable de récolter quelques pièces pour pas aller dormir le ventre vide le soir venu.
mais elle est là, et ça part pas.
« tad... »la voix se laisse étouffer dans l'air opaque de pollution, comme une ultime suffocation avant le dernier souffle.
tu retiens ta respiration avec tellement d'aplomb que l'apnée te semble éternelle. et t'oses pas tourner les yeux tout de suite gamin, parce que t'as peur que la silhouette devant toi, noyée parmi les autres, ne soit pas la sienne. mais quand t'oses enfin,
elle est frêle comme elle, la silhouette.
elle est belle comme elle, la silhouette.
e w a -
dont tes plus doux souvenirs avaient gardé l'éclat.
« tad... »sa voix, ta voie - franchissable à ses côtés lorsqu'elle était pourtant tortueuse. elle rendait tout possible. mais t'as choisi l'impossible. et t'es encore trop con pour mesurer si c'était la meilleure ou la pire décision.
la gamine, brisée jusque dans ses voyelles, se charge de laisser bourgeonner au fond de toi un semblant de jugement, et il a déjà un arrière-goût de remords. tu l'entends la fêlure, tad. et tu la sens comme si elle t'appartenait. parce que c'est comme ça depuis toujours ; ses larmes sont les tiennes, ses joies calment tes peines. et quand tu saignes gamin, c'est que c'est son dos que la lame a planté.
le temps s'arrête, et toi avec.
t'ignores les autres, les oublie délibérément au profit de celle que tu ne serais jamais capable d'effacer.
et t'oses penser que la serrer trop fort dans tes bras pourrait remplir en quelques secondes le vide qui s'est creusé entre vous deux depuis tout ce temps. pourtant, t'oses pas faire un pas. parce que l'éclat dans ses yeux est aussi terne qu'un jour d'orage.
«
ewa ? qu'est-ce que tu fais là ? comment t'es arrivée jusqu'ici ? » quelques interrogations parviennent à se formuler hors de tes lippes, quand d'autres ne dépassent pas leur barrière. le choix est inconscient. les mots n'ont plus aucune espèce d'importance quand tout ce que tu voudrais c'est lui accorder à nouveau la chaleur de tes bras et laisser le silence lui murmurer combien elle t'a manqué.
«
t'es toute seule ? elle est où maman ? »
et c'est là que les rêves d'accolades s'évaporent, assommés par quelques point d'interrogation en trop. c'est qu'tu crains la maladresse d'un faux pas gamin, et que les syllabes quelles qu'elles soient compensent beaucoup plus aisément ce vide que le corps éteint ne sait combler - p a r a l y s é.
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