blue lights (aminn)

traits de caractère /

l’môme en vrac, neurones aussi dysfonctionnels qu’les émotions. plus rien d’un type à vif, comme si la mort se balançait sous ses paupières. plus d’grande valeur, gamin bon marché. c’est l’produit défectueux d’la fratrie, le mouton noir d’la portée. parce qu’on n'est plus vraiment foutus d’vivre quand c’est pour voir mourir les siens. bien bas pour remonter la pente, puis trop loin pour rattraper l’réel. t’façon, papa n’a plus les mots, maman cuisine trop. isra s’sent orpheline, cherche son frère dans quelques regards livides. t’es où quand tu planes, aminn? est-ce que la chute te fait du mal? bousillé, il r’garde le mouvement d’ses lèvres sans pouvoir s’rappeler qui elle est. la soeur du mauvais frère. puis quand l’anesthésie cesse son effet, la tête explose et le coeur cède. parce qu’aminn n’est qu’un gamin qu’a jamais su comment composer, qu’ça a toujours été plus facile  de s’déconnecter. mais t’sais, s’agissait juste de jouer la montre, d’redescendre quand l’temps aurait fait son effet. l’temps n’y faisait rien. tu finissais toujours dans un bain d’sang pour pas être assez blanc.

il est mort en silence, sadek, la peur muselée par l’impact, et sans doute aussi, par l’évidence.
il est mort, à peu près en même temps que le soleil ce jour-là.
la rosée du soir venait rafraîchir les festivités de ce quatre juillet. l’alcool infusait le sang du premier pèquenaud qui passait, et lui mimait l’ivresse, cette euphorie qui galvanisait le reste de l’assemblée.
les litres de coca qu’il ingurgite lui donne bientôt envie d’pisser, et il s’vide sur le mur d’à côté, à l’ombre des regards.
condamné.
aux premiers hurlements qui claquent sur les façades de l’allée, d’cette fille franchement contrariée qui voudrait s’débarrasser d’ce connard. sadek sait qu’il peut crever, qu’les blancs ont le privilège de pouvoir achever les sous-races d’impies.

mais allah observe et son jugement pourrait être infiniment pire.

il meurt, lentement, toujours comme le soleil.
entortillé dans l’uniforme de son université, un filet de sang part de la commissure de ses lèvres à sa fossette sur le menton. sa poitrine se rehausse, s’effondre la seconde d’après. c’est une air ample, vaste, qui irradie la plus atroce des douleurs dans le poumon perforé, un souffle létal et assassin.

un jour, vivre devient souffrance et cruauté.
un jour, c’est la vie le couperet, et il n’y a plus qu’à retenir son souffle.

à ce moment-là, sadek est encore mourant, sur les voies incurables d’une agonie patiente. on lui dit qu’il a le choix de sa mort: mourir noyé sous l’air ou d’asphyxie.
en vérité, il est mort-né, comme les autres.
alors, il a fini par mourir de la main décisive d’un bon flic qui passait par là.

sur la stèle de sadek, l’épitaphe sera rayée pour rappeler celui qu’il n’était pas, un violeur, un islamiste, un sale arabe, un tueur. des amalgames et des mensonges.

dans un monde où sadek ne vit plus,
aminn ne sait plus comment endiguer la peur,
depuis qu’il a disparu,
aminn est mort plusieurs fois.

(souvent, on pense à ceux qui savent mener un combat, méprisant les autres qui ne savent comment porter les armes)