prières aux rêves.

papa n'a pas souhaité te reconnaître. il est pourtant là, il gravite autour de toi depuis ta naissance. parfois, il s'annonce, il visite, il s'invite ; parfois, il t'oublie et disparaît durant des années. tu ne sais rien de lui, excepté qu'il possède des yeux qui te terrifient et qui te donnent envie de pleurer, de disparaître et de te cacher. absent depuis trois ans, tu continues d'espérer sa réapparition ; tu continues, naïvement, de croire qu'un jour il acceptera de te considérer comme sa fille. lui qui se contente uniquement de te contempler dans l'intégralité de ton corps et de s'assurer de tes compétences intellectuelles. il vérifie, il observe, il génère des conclusions. tu n'es pas assez bien ; voilà ce que toi, tu comprends face à son silence et sa condescendance. tu ne sais rien de lui, de ce qui vous lie, de votre sang commun et de sa famille - ta famille ? tu espères. et tu continueras d'espérer. des frères ? une soeur ? tu ne sais rien. le néant familial maman est immature et imprévisible. elle était jeune, trop jeune, lorsque tu es arrivée. incapable de prendre convenablement soin de toi. elle a essayé, vraiment. vous avez vécu toutes les deux jusqu'à tes six ans. six années de perdition, d'erreur et d'incompréhension. à partager le quotidien d'âmes en errance, d'homme sous l'emprise de stupéfiants et à dormir dans le canapé de ses amis. et un jour, ce jour, vous êtes parties aux états-unis, le queens, pour te déposer à papy. tu te demandes encore comment elle a pu financer ce voyage. fuyante et en quête de liberté, maman s'est évaporée, sans se retourner. elle est partie avec cet homme, pablo, celui qui venait parfois vous voir. l'instable. et depuis ? tu ne possèdes plus de nouvelles. où vit-elle, sur quel continent ? est-elle encore vivante ? tu ne cherche plus à le savoir. tu te contentes, tout comme pour ton père, d'attendre. patience papy l'unique âme sur laquelle tu as pu compter. une inspiration, un protecteur, un bienveillant et généreux éducateur. que tu étais bien à ses côtés, aimée. vous avez vécu ensemble, dans un petit appartement du queens. c'était suffisant. même s'il a fallu que tu travailles dès ton jeune âge, que tu accomplisses de petites missions pour compléter l'argent de votre location. tu devais également prendre soin de sa santé à la dérive. une malade, lourde et étouffante. impactante, modifiant considérablement ses capacités motrices. son cerveau, lui, ne déclinait pas. papy, ne supportant pas ce quotidien et la chute libre de sa musculature préféra mettre doucement fin à ses jours. pour toujours. t'offrant une lettre comme remerciements, et adieu. il a dit vouloir te libérer, se libérer. s'excuser pour sa lâcheté. préférer mourir dignement. tu essayes encore de le comprendre, de lui pardonner don de soi l'objectif d'une vie, aider et accompagner nos aînés à s'endormir définitivement. ce que tu n'as pas eu l'opportunité d'accomplir avec ton grand-père qui ne pouvait faire confiance au système hospitalier. ce que tu aimes ce que tu réalises quotidiennement. te sentir utile, à ta place, auprès des anciens. tu l'as toujours su que c'était la direction que tu souhaitais prendre, une évidence. une revanche. qu'ils gardent leur dignité et que toi, tu te pardonnes avec amour et générosité de ne pas avoir su être à la hauteur alejandro et ta rencontre avec l'homme dévastateur. gamine naïve, l'amoureuse inconditionnelle qui ne réfléchit pas, qui possède l'unique besoin d'être considérée, aimée, choyée. tu parles, que des conneries. les menaces sont arrivées, l'harcèlement aussi. te poussant à porter plainte pour te protéger, l'éloigner. te poussant à le signaler, encore, lorsqu'il ne respecte pas son interdiction de t'approcher. l'histoire sans fin, la fatigante et l'oppressante, qui ne te permet pas d'abaisser ta garde. tu ne peux pas t'empêcher de te dire que lorsque te donne une parcelle de ton coeur, autrui ne peut s'empêcher de le détruire et de le manipuler à sa guise. toi, tu considères que tu as déjà suffisamment souffert. tu ne veux pas que ton palpitant perde davantage de sa surface et de ses capacités. tu veux vibrer, rêver, ressentir de la joie ; mais seule, c'est mieux, seule artistique papy t'a appris à jouer du piano. alors tu joues, autant que tu peux. jouer, chanter, exprimer à travers des mélodies ce que tes mots et ton corps ignorent. l'instinctive thérapie. l'extériorisation par l'art. toujours un cahier auprès de toi, pour dessiner, faire onduler le crayon, déposer des mots, des pensées, des impressions. parfois, il t'arrive même de te perdre dans des bars accueillant des scènes ouvertes ; et tu oses, tu t'exposes et tu te présentes. tu chantes, tu improvises, tu en prends du plaisir. tes rares proches te poussent à t'élancer, te lancer. mais toi, qui es-tu face à l'étendue des personnalités qui espèrent devenir une étoile ? tu préfères te satisfaire de ce que tu as. garder ce plaisir intime, discret et exceptionnel pole dance l'activité que tu caches mais que tu aimes. appréhender ton corps, ta sensualité, les ondulations de tes formes. dépasser tes limites, jouer avec ta musculature, approfondir ton équilibre. ce que tu aimes cette activité que tu exerces avec régularité. la discipline est ta manière de canaliser ton âme. tu ne te permets pas de te négliger, de t'abandonner et d'oublier tes rêves. et là aussi, il t'arrive de te perdre durant des soirées d'ivresse à glisser sur une barre. à t'exposer face à un public. à te re croire forte, sensuelle et irrésistible. que tu aimes ces instants de parenthèse, ces soupçons de contrôle et cette sensation évidente de domination sur l'extérieur. tu reprends le contrôle et la possession de ton corps, agissant comme il te plaît espagne tu économises pour aller en espagne. dès que tu peux, tu t'offres des vacances sous la chaleur du soleil du sud de ton pays de naissance. papy possède une cabane, près de la mer, à almeria. tu es la seule détentrice des clefs. tu aimes cet endroit, tu aimes tant cet endroit. les rues pavées. la proximité avec l'océan méditerranéen qui se mêle à l'atlantique ; cette fusion océanique, frémissante et hypnotique. là-bas, tu as l'extravagante sensation de pouvoir être toi. est-ce seulement possible ? n'es-tu pas déjà toi quotidiennement ? tu expérimentes la pleine présence dans ces moments là. secrètement, tu rêves - un jour - de t'y installer et d'y faire évoluer la famille que tu souhaites construire. kemen l'inconnu, ton inconnu. celui qui te pousse à hausser les sourcils, à crisper les dents et à serrer ta poitrine. tu as presque mal au coeur lorsque tu te trouves à ses côtés, parce que tu sens un désir surprenant de palpitations affolées s'inviter. et que non, non tu ne le peux pas. non, tu ne le trouves pas si beau que ce que tu sembles le croire. ou peut-être que si. ou non. pas. tu rejettes, tu repousses, tu ignores et tu entasses. et pourtant, à chaque fois que tu dois te rendre au commissariat, tu te questionnes, tu observes et tu attends. souffle coupé, il n'est pas là, souffle relâché. qu'un nuage éphémère sur ton horizon ; mais un nuage qui s'invite plus souvent qu'il ne le devrait. mais qui es-tu, l'inconnu ?

-- expertise avérée en contemplation des réseaux sociaux (temps moyen d'utilisation : 3 heures 32) -- végétarienne depuis tes onze ans. dans l'incapacité d'ingérer de la viande ou du poisson -- allergie aux fausses notes musicales -- bilingue qui insulte et pense en espagnol -- préférence inconditionnelle pour les soirées netflix pizza bière que la perdition dans les bars -- engagée dans une association féministe -- petite consommatrice d'alcool, parce qu'il t'en faut peu pour te sentir ivre -- dans l'incapacité de fumer, tu tousses à chaque fois que tu essayes -- passion fashionista, besoin viscéral d'être élégante et propre où que tu ailles -- perdre son téléphone un jour sur deux -- minimaliste sauf lorsqu'il s'agit des vêtements et les livres que tu chines -- deux tatouages, une lune et un chat qui s'étire -- ton chat, ton fidèle et unique compagnon -- ne pas aimer le chocolat et ne pas comprendre pourquoi personne n'est d'accord avec toi -- peur de l'obscurité -- préférer l'hiver à l'été, les vêtements qui enveloppent plutôt que les corps qui se dénudent -- facilité pour séduire, difficulté pour succomber -- gourmande et passionnée par la nourriture. tu passes tant de temps à préparer tes repas -- ne pas compter ses heures, tu es toujours la première à te proposer pour en faire davantage -- chaîne en or de papy autour du cou -- dégoût évident pour la violence, autant physique que verbale -- en capacité de prendre le contrôle en un battement de cil, et du passer du rire aux larmes en un mot qui déraille -- l'insomnie et l'angoisse nocturne se faufilent dans ton lit, lorsque tu cherches à rejoindre morphée -- habituée aux courses à pied matinales, lorsque la ville s'éveille et que les premiers éclats du soleil se présentent à l'horizon.