Tu es
pitoyable et le pire? C'est que tu en as conscience. Tu te trouves désespérante d'être toujours à l'affût du moindre appel, comme si on allait te libérer, ou faire tomber le couperet.
Soit tu pars, soit tu restes, cet entre-deux te tue, tu détestes ça,
ne pas savoir. L'armée aidant, tu aimes les choses bien faites, tu aimes l'ordre et les projets. Tu aimes prévoir, maintenant plus que
jamais, un défaut pour certain, une qualité ultime à tes yeux. Et pourtant, tu ne peux pas t'empêcher de penser que ta vie entière est actuellement sur pause. Comment avancer, quand on ne sait pas où l'on va ?
Difficile. Ce serait si simple, si de toi-même, tu étais capable de dire que c'est
terminer, qu'jamais plus tu ne retourneras sur le terrain, mais ça t'semble encore trop difficile. Quand tu y penses, tu peux sentir ta respiration se couper et les battements de ton coeur s'accélérer.
Est-ce une erreur de penser que tu pourrais retrouver une vie normale? Peut-être, parce que tu n'sais pas ce que tu ferais et c'est terrible. Et dans l'même temps, tu te questionnes, est-ce que tu t'sens vraiment prête à y retourner?
Non, et est-ce que tu crois que tu le sauras un jour ?
Peut-être pas et ça, ça t'effraie, car tu as construit ta vie autour de cette carrière, t'éloignant des tiens pendant des années, sacrifiant tes relations et plus encore. Sans elle, qu'est-ce qu'il reste de toi? Qu'est-ce que tu vas devenir?
Aucune idée, et ne pas savoir, t'es pas habituée,
tu détestes. Mais surtout,
ça t'fou la trouille.T'pourrais te perdre dans le sport à l'excès, pour t'vider la tête, faire le vide, mais t'es pas assez rétablie,
t'es toujours trop faible que t'dises les médecins. Mais tu as besoin d'extérioriser, besoin d'faire quelque chose pour forcer ton esprit à s'taire,
à se calmer. Tu as besoin d'faire quelque chose, tu n'supportes pas l'inaction, d'regarder les autres vivre, alors que tu fais du surplace. Tu supportes pas cette façon qu'on certain de tes proches d'te regarder de travers,
pour vérifier que t'es encore là, en un seul morceau. Comme si à chaque instant, tu pouvais
t'effondrer, tu suffoques devant c'trop plein d'attention. Alors tu fuis, trouves refuge dans les appartements d'tes amis, qui t'traitent encore comme
une personne normale, car c'est tout c'que tu recherches. Et ce soir n'fait pas exception. Tu as accepté l'invitation lancée,
soirées entre filles et t'en as besoin plus que jamais.
T'pourrais exploser, d'rien faire, d'trop ressentir, de ressasser ta rencontre avec Byron. Ca t'fait mal de l'intérieur d'y repenser. T'as juste besoin, l'temps d'une soirée, d'tout oublier, et tu comptes bien en profiter.
T'as refusé l'aide
vestimentaire d'ton amie, prétextant que tu peux t'débrouiller toute seule, pour t'mettre à ton avantage. Pourtant, une serviette autour du corps, t'es bien embêtée quand tu fais face à ta penderie qui te semble bien fade.
T'pourrais presque sentir la séance shopping arriver, mais là tu as pas le temps. Tu sors des vestes, des hauts, de bas, tu grognes d'impatience de rien trouver et d'voir le temps qui défile.
Si tu perds patience, petit à petit, cette normalité, elle t'fait un bien fou et ça t'laisse entrevoir ce qu'aurait pu être ta vie, si t'étais restée
là. T'entends un
"trop simple" lancée par ta soeur qui passe par là, alors que tu croyais avoir enfin ta tenue. Tu grognes une nouvelle fois,
t'en as assez, depuis quand est-ce si difficile de s'habiller ? Tu n'as jamais eu ce problème, parce que bien souvent, tu étais en uniforme, et
où tu étais, on se souciait peu des vêtements portés, quand il s'agissait de la tenue civile. C'était
si simple à ce moment-là, et maintenant, ça t'paraît trop compliqué. Tu retires la tenue, la lançant avec peu de scrupules dans un coin de la pièce en refaisant face au reste de la penderie. Tu grimaces de douleur, t'rendant compte que
peut-être tu t'agites trop pour ton corps encore abîmé.
Satanée blessure, qu'tu peux pas t'empêcher de penser, en ralentissant tes gestes. Tu fouilles, quelques minutes encore, avant d'trouver
la pépite, cette robe noire, près du corps qui dévoile ton dos. Le noir c'est ta couleur, et t'es consciente que la coupe t'avantage, ça t'convainc de la porter. Pour compléter la tenue, tu t'chausses d'instrument de torture, des talons que t'as toujours détestés et tu lâches ta chevelure, la laissant descendre en cascade ondulée dans ton dos. Tu prends l'temps de t'maquiller avec légèreté, parce que t'as jamais aimé forcer.
Mascara, blush, ral sombre, et l'tour est joué,
parfait. Dernier regard sur l'reflet du miroir, et t'attrapes sac et veste en cuir.
Plus de temps à perdre.
Quand t'arrives, avec cinq minutes de retard, tu regrettes d'avoir refusé la proposition d'Rita de passer te prendre. Tu rentres dans l'bar où vous avez rendez-vous, et tu n'mets pas longtemps à trouver ton amie, à une table.
Elle est parfaite, comme elle en a l'habitude, que tu penses à la rejoignant, elle est l'genre de personne qu'on peut facilement détester, t'aurais pourrais pu l'faire, si elle t'avait pas touché avec son entièreté. Tu t'assieds sans perdre de temps, retirant ta veste et la posant avec ton sac dans ton dos.
"J'suis désolée, j'suis en retard, j'avais oublié l'enfer des taxis..." que t'annonces, en renvoyant une mèche rebelle brune retrouver les autres.
"La prochaine fois que tu proposes de venir me chercher? Insiste s'il te plaît." que tu dis en un sourire, laissant ton regard se balader sur la salle.
"Comment ça va?" que tu lances, curieuse.
"Astrid nous rejoint?" que tu questionnes, parce que tu sais qu'souvent, c'est par trois qu'vous marchez,
elles à deux, quand t'es pas là. "J'espère que t'es prête à profiter d'cette soirée, j'compte pas me retenir" Parce que t'as besoin d'sortir, d'boire, rigoler et oublier. Tu as l'besoin d'oublier l'quotidien trop lourd de ces dernières semaines, et tu sais, qu'ce soir tu vas en avoir l'occasion.
T'es avec les bonnes personnes.