maman, elle n'allait pas toujours bien.
maman, elle avait les os fragiles.
maman, elle se rendait souvent à l'hôpital pour son traitement.
à tel point qu'elle était devenue une habituée. que la majorité des infirmières la connaissaient. jamais elle n'était triste, c'était comme rejoindre une seconde famille. celle qui essayait de soigner, celle qui guérissait.
toi, tu pleurais jamais quand elle partait, tu savais qu'elle reviendrait. jusqu'au jour où elle est pas revenue. personne n'a rien compris. sa maladie n'était pas incurable, sa maladie n'avait aucun pouvoir, surtout pas celui de lui ôter la vie. pourtant, elle était partie.
te laissant là, avec papa. la voisine t'a emmené à l'hôpital pour le retrouver. le dernier qui te restait, le dernier rocher auquel te raccrocher. mais t'as pas pu la voir maman.c'est ce jour-là que ses mains ont tremblé pour la première fois.
c'est ce jour-là qu'elle s'est promis de se battre pour la loi.
en souvenir de toi.
maman.✻ ✻ ✻
lola, elle est pleine de vie.
lola, elle illumine le monde quand elle sourit.
lola, elle a la douceur des traits de mamie.
alors tu lui racontes qui elle était. tu lui montres les photos sur lesquelles elle a l'impression de voir son reflet. et surtout combien t'aurais aimé qu'elle puisse la connaitre. puis qu'elle a exactement l'âge que t'avais quand on vous l'a arraché. quand elle devrait lui parler de son père, elle préfère évoquer sa grand-mère. l'étranger, qu'elle ne sait pas nommer autrement. papa, il n'a jamais approuvé les relations de astrid. y'a d'abord eu cez, avant chase.
l'un comme l'autre n'était pas dans les codes. l'un comme l'autre n'en avait que faire de leurs droits. incompatibilité chronique avec les types qui l'a faisait flancher.
t'as jamais été foutue de craquer pour autre chose que des voyous, des bandits. comme si inconsciemment tu t'efforçais de fuir le bonheur que tu recherchais pourtant dans chaque instant de vie. et le ventre a gonflé, elle a voulu le garder. il n'a pas essayé de l'en dissuader. parce qu'elle y croyait à cette histoire. parce qu'elle y croit toujours trop fort et c'est pour ça que ça fait aussi mal quand ça foire.
les bleus que tu portes, qui maquillent ta peau, c'est pas des coups de poings, c'est des coups d'amour. celui qui fait un mal de chien quand il se tire loin. parce que tout a foutu le camp, encore.
y'a eu le vol. aggravé. le procès. puis la taule. il a demandé à la voir, maintes et maintes fois. jamais elle n'a accepté. elle a tiré un trait sur chase à l'instant où elle a appris. c'était pas la route qu'elle voulait emprunter, c'était pas l'existence qu'elle s'était imaginé.
aujourd'hui, elle sait exactement où elle va.
aujourd'hui, c'est pour elle qu'elle se bat.
à toi lola.
ma fille, ma bataille.✻ ✻ ✻
des années sans savoir, des années à se questionner, des années à voir les décès incohérents s'additionner. puis la vérité a fini par éclater.
l'ange de la mort, que ça disait.
injections médicamenteuses, cyanure, empoisonnement, qu'elle entendait. ses mains ont recommencé à trembler. et c'est papa qu'elle a appelé. on la tenait enfin celle qui leur avait tout pris. l'infirmière en blouse blanche qui avait écourté le séjour de maman sur terre.
l'ange de la mort.
l'ange de sa mort.✻ ✻ ✻
il sort demain astrid. la tête qu'elle relève vers son collègue. le regard interrogateur.
hum ? de quoi tu m'parles ? chase. ils sort demain. ses doigts ont commencé à s'affoler. brusquement elle a lâché son stylo. et de sa main libre, elle a tenté d'immobiliser la plus tremblante.
immédiatement, elle a connecté les fils. mentalement, elle a fait les calculs. tout concordait, tout s'éclairait. et astrid, elle paniquait.
pourvu qu'il l'ait oublié, pourvu qu'il n'essaie pas de la revoir. pourvu qu'il ne cherche pas à la rencontrer. lola, sa lola.
t'as pas de papa lola. il a déjà fait son choix.
y'a que toi et moi.