tu es ma plus belle cicatrice — nesta.

traits de caractère / la guerre dans l'sang, dans la tête, dans l'souffle. la guerre dans ta vie, en toi. tout l'temps. mais y'a plus. t'es plus que ça. malgré toi. prendre soin des autres, ça a toujours passé avant toi. depuis toujours, ou presque. une seconde nature qui t'a parfois fait défaut. pourtant tu l'sais, on n'parie pas toujours sur toi pour ça. parce que t'en as ni l'art, ni la manière. reine de glace, t'impressionnes par la froideur qui s'dégage de toi. ça a toujours été l'cas. et ça t'va. c'est pas que t'aimes pas les gens, mais tu t'interdis d'aimer n'importe qui. t'as pas l'temps. pas l'envie. mais une fois qu'tu donnes ton temps, ton coeur, c'est pour toujours. parce que tu sais pas te détacher, malgré la douleur que ça peut provoquer. ta loyauté, elle est plus à prouver. si on t'blesse, bien sûr que t'es rancunière. si tu peux pardonner, parfois, t'oublies jamais. et tu n'refais plus l'erreur de faire confiance. et pourtant, si une personne t'ayant trahie avait besoin d'toi, t'hésiterais pas un instant. effacée d'ta vie, mais jamais d'ton coeur. c'est probablement une de tes malédictions. et ça t'va, de ressentir autant. pourtant, ça t'rends pas faible. tu l'supporterais pas. c'qui pourrait être un poids mort pour certains, est une véritable force pour toi. alors t'as appris à conjuguer avec ça. et ça t'rends forte, capable de tout affronter. paraître forte, sûre de toi, c'est important pour toi, même si parfois, tout n'est qu'illusions. parce que t'es celle qui prend les décisions, et ça t'fait pas peur. plus maintenant. parce que tu préfères donner des ordres, que d'en recevoir et ça depuis longtemps. t'aimes penser qu'tu réfléchis à tes actions avant d'agir, peut-être même qu'tu penses trop. mais ça t'permet de jamais t'laisser avoir, t'aimes quand tout s'déroule comme tu l'veux, comme tu l'as décidé. t'laisser surprendre ça t'plaît pas parce qu'alors, t'as l'impression d'plus rien maîtriser. et ça, c'est inenvisageable.
parce que t'es habituée à prendre soin d'ta famille, d'tes hommes sous tes ordres. si bien qu'tu t'oublies toi-même. et c'est ok pour toi, leur vie avant la tienne.
mais en dehors de tout ça, t'es autre chose. parce que t'es passionnée, si bien que tu vis chaque instant à fond. parce que tu as vu beaucoup et tu sais très bien à quel point tout est fragile. à quel point tout peut rapidement s'arrêter. tu supportes pas les erreurs, encore moins les tiennes. on peut dire que t'es exigeante. parce que te tromper, ça t'donnes mauvaise conscience, et tu supportes pas. alors tu fais en sorte de faire les choses correctement, du premier coup. t'aimes l'ordre, la routine. t'aimes le confort de tes habitudes. le changement, au final ça t'fait bien trop peur. pourtant ta soif d'aventure, n'est-ce pas? sinon pourquoi partir là-bas?


indépendante , responsable , fière , bornée , organisée , observatrice , secrète , intuitive , intelligente , froide , impatiente , n'supporte pas l'impertinence , (violente) , élégante , séductrice , charismatique , n'a pas froid aux yeux , n'a pas peur de se salir les mains , (sensible) , loyale , en contrôle , méfiante , autoritaire , intransigeante , farouche.

tu tires sur la corde et ça referme le sac. ce sac qui contient ta vie. qui sera ta vie. mais ça tu l'sais pas encore. en relevant la tête, tu tombes sur ton reflet. les yeux pétillants, l'teint frais, reposé. parce que tu l'sais, t'as pris la bonne décision.
parce que c'est ce que tu veux depuis des années. depuis que tout a changé. depuis qu'il n'est pas rentré. onze septembre deux mille un. une date qu'a marquée l'histoire, qu'a traumatisée plus d'un pays. qui a modifié ta vie. tu l'sais, il y a eu un avant mais surtout un après cette date. et tu as dû changer, t'adapter. parce que rien ne pouvait plus être comme avant. plus après ça.
tu n'avais que huit ans. t'étais une enfant. tu devais profiter de ta vie. faire des bêtises, grandir au milieu de tes frères et soeurs. apprendre. échouer. essayer encore. échouer encore, peut-être. évoluer. c'est ce qu'on attend d'un enfant, c'est c'que tu aurais dû vivre. t'aurais dû danser encore et encore, t'épuiser à tenir ton arabesque. te disputer avec tes parents. ton père, comme ta mère. tomber amoureuse. avoir le coeur brisé. mais, t'as pas eu l'temps de vivre tout ça. pas comme ça.
parce qu'il était au mauvais endroit, au mauvais moment. et que sa vie s'est éteinte, en même temps que celle de milliers d'personnes ce jour-là. tu t'souviens de l'inquiétude, de l'hébétude face aux images chocs. tu t'souviens que vous avez pleurés, bien avant d'savoir. tu te rappelles les cris terribles quand vous l'avez appris. des sanglots. parce que tout c'que vous deviez être, n'était plus. ne serait plus. qu'à partir de ce moment-là, vous n'étiez plus une famille. plus une famille entière en tout cas. une famille brisée.
vous avez fait d'votre mieux pour avancer, pour continuer. mais ça vous a tous changé, marqué, que vous en soyez conscients ou non. toi tu l'sais. t'as plus jamais été la même. l'insouciance était terminée. t'étais l'aînée, on comptait sur toi désormais. ça t'allait, parce que tu les aimais, parce qu'ils étaient désormais tout c'que tu avais. et tu as fait d'ton mieux. tu as peut-être trop fait, et parfois tu t'dis que tu aurais pu faire les choses différemment si tu avais su. 
et si là, tu faisais une erreur? en partant, en les abandonnant, en ne leur disant rien. parce que tu as suivi ton instinct et tu as signé, avec un départ, trois semaines plus tard. aujourd'hui. et tu ne l'as pas dit. pourquoi? tu sais pas. peut-être pour ne pas avoir leur jugement. pour ne pas les inquiéter. et peut-être aussi parce que tu avais peur. parce qu'en leur disant, tout devenait plus réel. parce que tu pars. qu'à partir d'aujourd'hui, ta vie va changer. et t'étais, jusque-là, peut-être pas prête à faire face. mais là, tu n'as plus l'choix. parce que tu n'as plus que quelques heures ici.
t'es pas encore descendue que t'entends les voix au rez-de-chaussée, ça s'chamaille, comme bien souvent. la maison est souvent animée, mais tu la voudrais pas différente. il te reste quelques marches à descendre, mais tu t'arrêtes un instant. une dernière inspiration, avant l'grand saut. plus de marche arrière possible. tu t'redresses et tu t'rends dans l'salon, où ils sont tous. et cette image, d'eux tous qui t'dévisagent, incompréhension sur l'visage, tu penses que tu la garderas toute ta vie.
y'a eu des cris, des larmes. ça t'a serré la gorge et l'coeur. mais c'était fait. ils savaient tous. ils n'ont pas tous compris. certains sont déçus que tu aies gardé tout ça pour toi. d'autres comprennent, s'en doutaient, parce qu'ils te connaissent que trop bien. si c'était pas maintenant, ça n'saurait tarder. auprès d'eux, t'as profité d'un dernier repas en famille. l'calme avant la tempête. et bien trop vite, l'taxi est arrivé, t'emmenant loin d'eux, t'amenant à c'qui allait être ta nouvelle vie. à c'moment-là, tu l'sais pas encore, à quel point ça va être intense. à quel point ça va t'changer. à jamais.

t'as mal, partout. c'est comme si la douleur irradiait d'partout et nulle part en même temps. respirer, ça t'fait grimacer, si bien qu'tu te demandes combien d'temps tu vas pouvoir continuer comme ça. t'es même plus sûre d'savoir depuis combien d'temps t'es là, sept jours, neuf peut-être ? ça t'paraît interminable. t'es fatiguée. mais t'veux pas pleurer, t'veux pas craquer. t'peux supporter. pour toi, pour eux, qui sont aussi à tes côtés. si tu pouvais, t'prendrais pour eux également. mais ça semble trop facile.
quand t'es au bord de l'inconscience, t'as l'esprit qui s'évade, pour quelques moments d'bonheur. vers des souvenirs où tout allait bien, ou presque. vers des visages familiers, qui t'réchauffent le coeur. ta famille, les souvenirs qu'vous avez partagés. jethro, d'votre rencontre, à votre séparation. tes amis. tout c'que tu peux. vers où tu peux. parce que ça t'fait du bien. parce que t'y tires ta force. parce que tu dois pas sombrer. sinon t'ressortiras pas d'ici. tu l'sais.
ça devait être une bête opération d'routine. faire des repérages. ça n'a pas mis longtemps, avant qu'ça dégénère. vous vous êtes fait encerclés. capturés. et ici, vous subissez les coups, encore et encore. tortures psychologiques, physiques. t'as l'impression que les jours passent, et ne se ressemblent pas. parce qu'ils aiment inventer, innover. quand tu sens leurs mains, sur ton corps, ça t'donne l'envie d'hurler, d'leur tordre le bras. d'les faire souffrir, ces enflures. ils ont essayé d'te protéger, d'te défendre, pour prendre les coups à ta place tes hommes, pour défendre ton honneur. mais tu les a vite stoppé. t'peux encaisser. ils n'ont pas à souffrir pour toi. tu l'refuses. tu serres les dents, et tu continues d'encaisser. parce que tu l'sais que ce n'est que temporaire. qu'vous allez vous en sortir. vous l'devez. tu l'dois. parce que tu refuses de crever ici, au milieu d'nulle part. tu refuses d'abandonner. parce que tu as encore trop d'chose à faire. à vivre.
t'es d'retour à la maison. après avoir vécu l'enfer. t'as survécu. t'es vivante. t'sais pas comment vous avez fait. mais vous y êtes arrivés. vous avez tenu.
mais toi, tu voulais repartir. tu voulais avancer. peu importe les cauchemars, les sursauts. tu as besoin d'retourner là-bas. mais les médecins sont pas d'cet avis. parce qu'ils disent que tu as vécu un traumatisme, que tu dois prendre l'temps de te remettre sur pied. que ce serait irresponsable d'te renvoyer au front là-bas, sur l'terrain. quelle connerie. c'est c'que tu leur a répondu. que t'as pas besoin d'te reposer. tu as besoin d'avancer. que t'as dit. mais ils n'ont pas écouté. alors, pour l'moment. t'es en suspens. dans ta vie, dans ta carrière. d'retour au point d'départ. pour une durée indéterminée. et putain, qu'est-ce que ça t'fou la trouille. quand t'fais face à la demeure familiale, l'bras en écharpe, l'sac sur l'épaule valide, tu soupires. parce que tu reviens, comme t'es partie, sans un mot. sans prévenir. t'resteras là qu'un temps, c'est sûr.
tu soupires. parce que tu vas devoir affronter la réalité. une que tu fuis depuis des années. c'pas pour rien qu'tu t'es enrôlée. parce que si t'as jamais eu d'problème à assumer les responsabilités, à aider, t'as jamais vraiment pris l'temps de vivre pour toi. et toi, dans cette ville, sans tes hommes, sans tes galons, t'es presque perdue.