wild world.

01. la famille, ta famille, c'est précieux. tu ne joues pas avec ces gens-là. c'est facile, ils ne sont que quatre. tes parents et tes aînés, des jumeaux. les autres ne comptent pas, ils ont tourné le dos. toi, t'es la petite, la fragile. ou du moins, celle que tes frères ont voulu forger pour qu'elle ne soit jamais touchée. alors maintenant, c'est toi blesses même si ce n'est pas ce que tu souhaites. t'es précieuse, qu'ils disent et répètent, alors il ne faut pas que tu fasses n'importe quoi. t'as bien compris le message. et c'est bien les seuls, eux, qui peuvent influencer ton horizon et tes décisions. il ne faut pas jouer avec le sang qui coule dans tes veines. 02. ta vie, c'est de rêver. des livres, de la musique, du cinéma. tu aimes, tu aimes t'offrir des séances dans l'obscurité pour découvrir un film italien, te perdre à un concert de jazz enivrant ou pleurer en capturant les mots d'un roman français. sensible, trop sensible, tu ne le montres pas. la carapace sur tes maux. un jour, et tu le sais, tu écriras ta propre histoire. 03. l'indépendance, depuis tes dix-huit ans, tu vis seule. tu as ce besoin oppressant de ne plus être cet enfant protégé dans le cocon familial. tu l'es, toujours ; et tu le resteras durant l'entièreté de ton existence. sauf que, c'est différent. tu peux danser avec liberté à n'importe quelle heure, choisir du moment. décider de ta temporalité. libre. déployer tes ailes. virevolter. c'est tout, tout ce qui compte pour toi. 04. des études d'histoire de l'art, de l'administration culturelle et des stages en production artistique. c'est facile, facile lorsqu'on obtient tout ce que l'on désire. tu n'abaisses jamais les bras, possédée lorsqu'il s'agit d'atteindre tes objectifs. fière de ton premier emploi, tu travailles la nuit, les week-end. ivre de joie, tu savoures ces plaisirs pétillants qui te font sentir importante. 05. ton paradoxe, l'interdit, c'est de ne posséder aucune addiction pouvant te faire perdre le contrôle de toi-même. l'alcool, les drogues, qu'importe lesquelles, tu repousses tout. tu dénigres, même, malgré ton environnement et la réalité de ta profession parfois empoudrée. toi, ce qui te fait tenir, c'est les vibrations quotidiennes qui s'engouffrent dans ton palpitant. tu t'inquièteras lorsqu'elles cesseront de se présenter à toi. 06. l'amour, tu oses le rêver et l'espérer grand. mais toi, tu penses à l'impossible. parce que tu en as croisé des âmes, plusieurs, surtout une. trejan. c'est le seul qui parvient à te faire revenir sur tes pas. tu en rêves, déstabilisante réalité. des doutes et des questionnements permanents. l'éternelle insatisfaite, tu repousses ce qui ne te convient pas. et pourtant, tu plonges ; dès qu'une porte s'ouvre, tu plonges et tu t'imagines transpirante de passion. mais non. non. jamais. difficile, trop compliquée. figée, bloquée, à la conquête d'un idéal qui ne peut exister. 07. pas de réseaux sociaux, ces arnaques virtuelles qui te font croire que ta réalité est moins intéressante que celles des autres. le paradoxe, sachant que tu idéalises les mots que tu lis et les chansons que tu écoutes. mais la vitrine des autres ne t'intéresse pas et ne t'a jamais intéressé. la réalité, c'est que tu sais que tu pourrais sombrer à cause de ces inventions destinées à vous rendre dépendant. tu n'aimes pas les comparaisons, et tu as l'impression que c'est ce qui est véhiculé sur ces plateformes que tu repousses et rejettes de ton quotidien. 08. tu allumes qu'une à deux fois par jour ton téléphone personnel. tu réponds, tu écoutes et tu glisses. tu l'éteins. tu n'as pas envie d'attendre, d'être accrochée à ce morceau métallique. tu préfères contempler les immeubles qui défilent, les nuages qui modifient le bleu du ciel et les âmes qui errent sur les trottoirs de la ville. les yeux en l'air, pas par terre, pas sur un écran. par contre, ton téléphone professionnel est constamment auprès de toi. tu réponds, tu décroches ; qu'importe l'heure, le temps. encore une fois, tu représentes un paradoxe. 09. la peinture, depuis toujours. mais ça, c'est ton échappatoire. le secret ultime, intime. tu ne veux pas le montrer, te dévoiler. parce que c'est parfois sombre, difficile à décrypter, des ronds, des tornades et des spirales de crayon ; d'autrefois, des arc-en-ciel, des nuances d'éclats et des paillettes de joie. tu possèdes un journal intime colorée et dessinée. parce que parfois, souvent, tu manques de mots pour savoir comment exprimer ce que tu ressens. 10. un tout et son contraire. vulnérable et fragile ; de la noirceur s'invite dans tes yeux insouciants et malicieux. humaine, ordinaire.