it drives me wild

traits de caractère /Lorsqu'il s'agit de sa vocation, on peut dire de lui qu'il est déterminé, voire même obsessionnel. Lorsqu'il faisait des recherches de casting ou aujourd'hui lorsqu'il veut absolument s'imprégner d'un texte pour être au meilleur de son jeu, il ne baisse jamais les bras et fait preuve d'une volonté de fer. Il insiste. S'acharne. C'est aussi un audacieux qui n'a pas froid aux yeux. Notamment dans les prémices de sa carrière d'acteur, il a touché à tout. Ce qu'il voulait avant tout c'était jouer la comédie, voilà. Ses choix de rôles n'ont pas toujours été judicieux mais on ne peut pas lui enlever d'avoir essayé. Il aimerait vraiment pouvoir s'attaquer au cinéma plus tard, que ce soit blockbuster d'action, film d'épouvante, cinéma d'auteur pourquoi pas ! Il n'a peur de rien. Concernant toujours sa profession, il a pu faire preuve d'égoïsme. Parfois, il faut évincer ce qu'on pense être un obstacle à la réussite. Mais son égocentrisme l'a fourvoyé. Il a perdu beaucoup à ne penser qu'à lui et se persuader que les autres étaient des boulets ou des ennemis. Parfois, ça lui pèse sur la conscience. Et pour éviter de trop y penser, il n'hésite pas à festoyer jusqu'au bout de la nuit. Il se qualifierait d'épicurien mais soyons honnête, c'est plus un fêtard qu'autre chose, qui boit souvent un peu trop. Il essaie de réduire pour éviter de s'attirer les foudres des quelques médias qu'il intéresse et la mauvaise réputation qu'ils pourraient lui créer. On dit bien "essayer". Alors qu'on lui prête une attitude de tombeur, il est souvent tout l'inverse. Dans la vie privée, il n'est pas un grand séducteur. Plutôt réservé, peu démonstratif, ça a valu à ses quelques conquêtes de soirée beaucoup de déception lorsqu'elles en attendaient plus de lui. Mais il est comme ça, il n'y peut rien. Il ne peut pas jouer la passion hors caméra. Surtout quand il n'y en a pas. Et il n'y en a pas car il n'est pas sincère avec lui même. Se taper autant de jeunes femmes n'est qu'un moyen très lâche de ne pas faire face à ses véritables penchants. Il les trouve belles, attirantes. Mais il n'a aucun réel désir pour elles. Il préfère les hommes - un homme plus particulièrement - mais fait tout pour se persuader du contraire.

« Mais c’est mon rêve… » s’insurgea-t-il. Le bol vola à travers la pièce et il rentra sa tête dans ses épaules, de peur de se prendre quelques éclats de faïence mais aussi les remontrances qui allaient suivre. « Arrête un peu de dire n’importe quoi ! Tu veux que ta mère et moi, on fasse une crise cardiaque ?! Tu n’as donc aucune gratitude, aucun respect pour tes parents qui t’ont élevé ?! Ce restaurant c’est toute notre vie ! C’est la famille ! Tu te dois de nous aider et… » L’homme, plutôt petit, le coin des yeux déjà ridés par les efforts de toute une vie posa une main sur son cœur et agrippa la chemise qui le séparait de ses doigts. Fébrile, il s’assît, attendant que les palpitations s'arrêtent. Hae-Chan baissa plus encore la tête, se sentant coupable de mettre son père dans un tel état. Reprenant son souffle, Monsieur Park finit par le toiser à nouveau en relevant les paupières, sourcils froncés de colère. « Tu ne seras pas acteur, mon fils. Ce n’est pas un vrai métier. On t’a appris le travail, la dure loi de la vie. Il faut se salir les mains. Toujours faire plus d’effort quitte à se tuer à la tache. Tu nous le dois. Tu n’es vraiment… qu’un petit ingrat. » Serrant les dents, le dit ingrat se courba en avant, adressant à son père un salut qui se voulait signe de respect. « Bien, oppa. » consentit-il à dire. Mais il n’en pensait pas un soupçon seulement. Il avait décidé de ce que serait sa vie. Et ça ne serait pas ce restaurant chinois, coréen ou vietnamien, entreprise que son père avait rachetée et avait tentée de maintenir à flot toutes ces années. Non. Il ne voulait pas de cette vie-là. Rien ne l’importait dans la cuisine ou la gestion ou même le service en salle. Rien. Il voulait être acteur. Il voulait jouer la comédie. Il voulait être célèbre peut-être même un jour.

Suite à cette discussion, et pour éviter tout nouveau conflit avec le paternel, il avait commencé à prendre des cours de théâtre, le soir, après ses cours au lycée. Il prétendait suivre les enseignements d’un tuteur pour l’aider à améliorer ses notes de mathématiques. Ses parents avaient applaudi ces efforts. Ils ne se doutaient de rien… Ils étaient persuadés que sa lubie lui était passée. Mais c’était faux. Un soir, sur les balançoires du parc d’enfant du quartier, il s’était confié à Jaemin. « J’ai passé un casting hier. » avait-il lâché, de but en blanc. Son ami de longue date n’avait même pas semblé surpris et avait simplement souri. « C’était pour quel genre de film ? » lui demanda-t-il. Et Hae-Chan savait alors qu’il avait trouvé chez son camarade une oreille attentive. Il avait totalement confiance en lui. Il savait que jamais il ne le trahirait en répétant ce qu’il savait. Ils connaissaient parfaitement la famille Park. Autant que Hae Chan connaissait la famille Han. Ils avaient grandi ensemble une bonne partie de leur enfance. Leurs familles respectives étaient arrivées ensemble de Corée du Sud. Hae-Chan avait alors deux ans et quelques mois plus tard, peu après qu’il ait soufflé ses trois bougies, la bouille de Jaemin apparut dans sa vie. Les deux familles avaient vécu dans le même appartement durant presque dix ans. Et lorsque le collège commença pour Hae-Chan, ils déménagèrent chacun de leur côté. Mais ne s’éloignèrent jamais vraiment. Tous les repas traditionnels, les fêtes étaient passées ensemble, chez les uns ou chez les autres. Han et Park étaient inséparables. Et leur progéniture était presque aussi proche que des frères, même sans lien de sang. Ils avaient déjà partagé de nombreux secrets auparavant sans que jamais aucun des deux ne divulguent quoi que ce soit. Hae-Chan avait été pour lui un réel soutien. Il lui était arrivé, même, de travailler quelques textes en sa compagnie. C’était toujours son épaule qu’il noyait lorsqu’il essuyait un échec pour un nouveau projet cinématographique ou même scénique.

A quelques jours de ses dix-huit ans, il avait passé un nouveau casting pour une web-série à petit budget. Mais il fallait bien démarrer quelque part. Pourtant, alors qu’il attendait la réponse dans la semaine, il n’en avait toujours pas obtenu lorsque le moment de son anniversaire arriva. Il était donc dans un état plus que pathétique. Il avait enchaîné les verres, beaucoup trop. Ils avaient fait des jeux idiots. Dont le fameux jeu du kiss card. Pas bien compliqué, il consistait à faire passer une carte de bouche à bouche. La technique était d’aspirer contre ses lèvres la carte que l’on voulait faire passer et de bien plaquer cette dernière contre la bouche du prochain sur la ligne. Il y avait deux équipes. Dans celle d’Hae-Chan, il avait évidemment pris Jaemin. Jaemin avait quinze ans. Il développait peu à peu son corps d'homme. Son air insouciant et innocent s'étaient volatilisés. Ses traits étaient plus masculins, plus tranchés. Il était plus beau et plus charismatique que Hae-Chan ne l'avait jamais été à son âge. Tout chez lui appelait les regards et pouvait vous voler votre souffle. Hae-Chan s'était étonné de sentir son coeur gonfler dans sa poitrine à son entrée. Puis il avait mis ces sensations de côté. Jaemin était le suivant dans le jeu. Hae-Chan fît passer une carte. Deux. Il gloussait comme un imbécile heureux. Trois. Encouragé de tous les côtés, la pression et son taux d’alcoolémie étaient tels qu’il se mit à pouffer de rire au moment de faire passer la quatrième carte. Cette dernière chût sur le sol. Et se furent ses lèvres nues et tendues qui se retrouvèrent plaquées à celles de son ami. Il ne réalisa pas tout de suite. Il trouva même ça très agréable. Trop. C’était légèrement humide. Mais divinement chaud. Réconfortant. Et même… un peu excitant. En ouvrant les yeux et en voyant, de si près, le regard estomaqué de Jaemin, il se redressa vivement. Il rît à gorge déployée, faisant passer ça pour un accident. Personne n’avait remarqué que le contact avait été trop long pour ne pas être suspect. A son plus grand soulagement. Mais alors que la soirée continuait de battre son plein, il ne pouvait s’empêcher de penser, encore et toujours, à cette jolie bouche en cœur posée contre la sienne. Le calme vînt. Tout le monde, épuisé par cette célébration quelque peu avinée, était écroulé sur le canapé devant un film comique. Pas vraiment concentré, Hae-Chan se mit à chercher Jaemin du regard. Ce dernier était installé, seul, dans un fauteuil à l’opposé. Il ne le regardait même pas. Ca ne lui avait rien fait, à lui ? Il n’avait rien ressenti ? Il n’avait pas eu de papillons dans le ventre ? Ni d'étoiles dans les yeux ? Pff… trop nul. Il se leva, déçu, sans trop savoir pourquoi, rejoignant la salle de bain pour s’humidifier le visage. Et alors qu'il se passait la tête sous l'eau, derrière lui, dans le miroir, apparut Jaemin, certainement venu trouver les toilettes. Il s’excusa de l’interruption. Hae-Chan lui sourît doucement dans le reflet et pencha la tête de côté. « Tu sais… j’aimerais bien… reprendre où on s’est arrêté tout à l’heure. » Il avait perdu la raison. Est-ce que la déprime passagère en était la cause ou bien l’overdose de bière et de marijuana qu’on lui avait fournies pour la soirée ? Toujours est-il que ses pensées n’étaient plus claires. Ce qu’il voulait, là, tout de suite, c’était embrasser Jaemin, encore une fois, sans être interrompu. Alors il se redressa, se retourna lentement vers lui, et en quelques pas le rejoignit pour le plaquer contre le carrelage de la salle d’eau. Il ferma la porte derrière eux d’un coup de pied avant de prendre son visage entre ses mains, son visage fin et taillé au couteau, à la mâchoire carrée et aux pommettes saillantes. Ses yeux pétillants, comme toujours, le fixaient, perdus. Mais il ne le remarqua pas vraiment. Il ne pouvait que voir sa bouche, légèrement humide, ses dents qui mordillaient sa lèvre inférieure sensuellement. Et il ne pût résister. Il se pencha et, avidement, s’empara de sa bouche comme d’un gâteau, avec tout autant de gourmandise. Il dévora ses lippes suaves des siennes, de ses dents. Il partît à la conquête de sa langue, de son palais. Et son corps se mut pour se coller plus encore à celui de son ami. Oh ami… quel triste mot. Il voulait plus. Il voulait être son amant. Des expériences, sentimentales, sexuelles, il en avait eu. Mais avec des filles de son âge. Seulement. Jamais il n’avait pourtant ressenti un tel désir lui brûler les entrailles. Et c’était pour un garçon, celui qu’il avait toujours connu, celui en qui il avait une absolue confiance et une tendresse infinie. La tendresse s’était transformée cette nuit. D’une chenille d’affection elle s’était métamorphosée en un papillon majestueux de tentation luxurieuse. Mais alors qu’il commençait à dériver dans son cou, des mains fermes sur son torse l’en dissuadèrent. « T’es bourré, Chanie… » chuchota Jaemin. Et il le regarda, contrit avant de s’extirper de l’étau qu’étaient devenus le mur et le corps de Hae-Chan autour de lui. Il se fraya un passage jusqu’à la porte et sortît.

Ils n’en reparlèrent jamais. Cet écart resta solitaire. Il n’y en eût jamais d’autres. De toutes manières, quelques semaines plus tard, Hae-Chan décrochait un contrat. Il plia bagage et partît pour quelques temps à Los Angeles, au grand damne de son père qui lui en voulût durant de longues années. Jusqu’à récemment. Récemment lorsque Alan, de son prénom américain, commença à vraiment gagner sa vie grâce à son métier d’acteur. Il avait passé un casting pour une nouvelle série destinée aux adolescents et jeunes adultes. Une série qui remporta un franc succès dès la première saison. Il n’en était pas le personnage principal mais sa notoriété se fît malgré tout. On admirait les traits fins de l’ami asiatique de la protagoniste. On commença à l’inviter à des événements populaires autour des séries, il eût droit à son siège lors des teen choice awards. Quelques talk-shows l’invitèrent aussi pour parler du personnage qu’il jouait, sa vie et le faire participer à des jeux divertissants. Il eût même droit à une interview, comme les autres acteurs de la série pour parler de la deuxième saison en cours de tournage. Il réussissait. Il s’était tant accroché, avait joué dans des navets, dans des pièces sans succès, s’était même livré à l’exercice de la publicité pour un forfait téléphonique et une marque de piles alcaline. On l’avait recalé lors de nombreux castings. Mais il avait tenu bon. Car tout ce qui lui importait, c’était de réussir. D’être acteur. D’en vivre. Et si la célébrité suivait alors… il n’en serait que plus épanoui. Du moins le pensait-il. Tirer un trait sur sa vie d’avant, sa famille, ses amis, dans le seul but de faire décoller sa carrière, est-ce que ça en valait vraiment le coup ? Il s’en persuadait, chaque jour, lorsqu’il se regardait dans le miroir de sa loge sur le plateau de la série. Il essayait vraiment de croire que sacrifier ses proches avait été une concession nécessaire… Mais lorsqu’il se retrouvait seul, chez lui, dans son petit appartement, il se rendait compte que le Queens, ses parents… Jaemin lui manquaient.