get you wild, get you leave (jax)

/De ceux à qui j’ai été le plus attaché, je n’ai rien saisi de plus que des images dans un miroir. /

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/Les cieux pleurent ton absence et les étoiles de mon monde s'éteignent. /

D'abord y'a eu les odeurs de fumés, la crasse, les trafiques, le bruit et les embrouilles qui ont teinté son enfance comme les chants de sa mère et ses histoires, de tribus, de jungle et de magie. Puis, y a eu les maisons de banlieue avec jardin, l'odeur du parfum des fleurs, le bruit du chien s'amusant et le portrait de famille. Il y a a eu le collège de quartier et l'école privée pour Jax. S'il pose des problèmes au départ ça ne dure pas, il se range dans les cases, progressivement, sans même se rendre compte, comme ses parents. Son rêve avec ses potes de quartiers de finir basketteur pro' se réalise pour lui, pas pour eux. Lui tout le monde l'encourage, personne ne le stigmatise, il n'a aucun problème après les cours. Il décroche une bourse au mérite pour aller à l'université pendant qu'il coupe peu à peu contact avec ses vieux amis de l’immeuble. Jax, il est beau, il est marrant, rayonnant, populaire, sa première petite copine devient sa fiancée tandis que les cernes, le sang et les côtes cassés se font visibles de l’autre côté du jardin, loin des maisons aux odeurs de fleurs. Vers les immeubles crasseux où les gens s’amassent comme des rats dans les égouts. Là où les nuages gris viennent des cigarettes et non du ciel. Par hasard, au détour d’une rue, il croise ceux qui étaient ses amis, ils sont devenus trop différents et leurs problèmes le gave c'est toujours les mêmes délires, il coupe court et tourne le dos. Parmi sa bande, y a cet ancien meilleur pote, Cameron, il est toujours aussi petit, chétif, il vient demander de l’aide, il s’est fait virer de chez ses parents car il est homo il a nul part où aller, il veut pas y retourner, là-bas c'est une question de vie ou de mort. Jax l’héberge à contre coeur, mais la dispute éclate et les insultes volent, la jalousie, l’envie, la rancœur s’est mué en colère, elle détruit tout, l’amitié qui avait cessé fini par n’avoir plus jamais existé.

/Mais pourquoi cours-tu après ces souvenirs ? Quel vide essayes-tu de combler ? /

Le lendemain, le soleil brille mais une angoisse tacite et incontrôlable demeure au creux de l’estomac. Qu’est-ce qui arrive au si beau et brillant Jax… ? Lui qui ne connaissait plus cette sensation suffocante depuis l’immeuble imbibé de shit, ressent que quelque chose d'horrible s'est produit. La nouvelle met peu de temps avant de se répandre, Cameron est retrouvé pendu depuis un arbre dans la cour du vieil immeuble. On le détache et la vie reprend son court, comme si son existence n’avait été l’espace d’un instant qu’une minuscule poussière, une poussière indésirable et aussitôt balayée. Ses parents, chrétiens ne peuvent pas enterrer le corps : la religion l’interdit, alors ils dispersent les cendres sur le terrain de basket, son endroit préféré. Il n’a pas laissé de lettres, rien, que dalle. Jax sombre, ils s’étaient promis d’être meilleurs amis pour la vie, d’être toujours là pour l’autre. S’il l’avait retenu, si au lieu de s’emporter il s’était excusé et lui avait dit qu’il resterait toujours son frère, peut-être… Peut-être, c’est tout ce qui reste de Cameron, une incertitude. Le sourire devient mensonge, la tristesse éclipse la joie et la culpabilité creuse les cernes. Jax tente de reprendre sa vie comme tout le monde mais il ne peut pas alors il cherche à comprendre. Trouver une raison, expliquer l’inexplicable pour comprendre l’irréparable. Capuche sur la tête Jax retourne dans les méandres de ses cauchemars, arpentant les rues malfamées et les odeurs d’urines à la recherche d’information. Qu’a vécu son meilleur ami pour s’ôter la vie ? Très vite, il découvre l’imaginable, la décadence, le viol, la violence, l'homosexualité refoulée, les judas, le raquette… Il en oublie, le cerveau ne peut encaisser toutes ces informations. On lui glisse que Cameron l'avait toujours aimé, que c'était son coup de foudre, une connerie du genre les regards qui se croisent et les cœurs qui palpitent à l'unisson. Il a appris des bouches d’étrangers ce qu’il n’avait jamais su, devenant à son tour plus étranger que les étrangers eux-mêmes. Jax, lui il ne lui reste que des souvenirs d’enfants et de préadolescents, des souvenirs teintés de bonheur et de rires bruyants, de vannes bien grasses et de conneries qui faisaient hurler les passants. Dans sa tête il n’y a que des souvenirs teintés de bonheur et de nostalgie, tout en contraste avec ce qu’à vécu et vivait Cameron déjà à l’époque. Comment est-il possible d’être si loin de la réalité ? De ne pas voir les blessures sanguinolentes de nos proches ? Leurs sentiments à notre égare ? De longs mois s’écoulent les cauchemars se font de plus en plus présents, l’humeur se dégrade et le caractère avec. Il a dans la bouche une envie de vengeance, une envie de retourner le mal qui a été fait. Alors, le gentil Jax, le beau, le fier celui à qui tout réussissait se munit d’une barre de fer, d’une cagoule et arpente les rues à la recherche des coupables. Une sorte de Punisher avec la prestance en moins car si les yeux sont enragés, les jambes se font tremblantes. Les premières victimes sont les parents ; monstres déguisés en géniteurs, emplis de violence et de doctrines. S’il ne touche pas la mère, le père prend pour les deux, sous les yeux horrifiés de leur deuxième enfant. Si Jax avait eu l’esprit clair il n’aurait pas commis ce crime, mais l’alcool et la drogue aident à encaisser le mal qu’on inflige et à savourer le déchainement de violence. Une fois le délit accompli le suivant sur la liste est le violeur, le pédophile dont Jax tait le nom car il a trop honte de n’avoir rien vu, il ne se souvient pas de ce qu’il lui a fait parfois le cerveau ausculte l’impensable, des images lui reviennent parfois… Quelques dents à même le sol baignant dans une flaque d’urine mélangée à une couleur âcre. Les suivants de sa liste sont des raquetteurs, des amis qui l’ont traité de pd et lui ont craché à la gueule, la liste est longue mais une nuit l’est tout autant.

/Don’t be afraid of death; be afraid of an unlived life./

Le lendemain, Jax a l'impression que sa tête va exploser, les effets des substances illicites se dissipent. Il ne reste que des brides de mémoires, des phalanges égratignées, du sang sur les vêtements et une arme immaculé d’hémoglobine. Il ne reste que les yeux pour pleurer l’ami perdu et la décadence des actes. S’il pensait trouver la paix en commettant ces actes c’est la guerre qu’il vient de se déclarer. Jax sombre dans un abysse sans fond, dans une errance coupable. Personne ne peut le sauver sauf lui-même. Sa fiancée, celle qui l’a soutenue tout ce temps se fatigue ; leur vie ne tourne plus qu’autour du décès. Cameron qui aura été de son vivant snobé par Jax, devient une fois mort son obsession. Ironie du sort. Ne pouvant passer à autre chose, il préfère passer à une autre femme ; il quitte son premier amour pour se mettre avec des oiseaux brisés, des filles bancales, à qui il manque une case comme lui. C’est dans un de ces moments d’errance entre chaque nana qu’il en rencontre une, la lumière au bout du tunnel. Elle est éducatrice spé’, elle explique que sa sœur a été placé à la mort de sa mère, qu'elle, elle ne pouvait pas subvenir aux besoins d’une petite fille alors qu’elle s’en sortait pas et que là-bas sa sœur a mal tourné, vraiment mal, alors elle a décidé pour que plus aucune gosse finisse comme sa sœur de se lancer dans cette profession. Aider les autres pour mieux s’aider, pour penser sa plaie… Jax commence à réfléchir. Il n'a pas pu sauver Cameron mais il pourra en sauver d’autres. Des Cameron il doit y’en avoir des tas, cachés dans leur piole à attendre que leur vie s’améliore. Pour la première depuis longtemps Jax esquisse un sourire et se lance corps et âmes dans un nouveau rêve. Peu à peu aux longs de sa formation, de ses stages, des années et des enfants aidés, la culpabilité s'en va et les souvenirs aussi. Sauf que Jax n'est pas prêt à oublier, pas prêt à être heureux.

/Il est difficile de dire adieu lorsqu'on veut rester, compliqué de rire lorsqu'on veut pleurer, mais le plus terrible est de devoir oublier lorsqu'on veut aimer./

Quand on dit qu'on va rendre visite à un mort, généralement les gens imaginent une tombe, ou une urne funéraire, quelque chose avec une date, une photo, quelques fleurs, une petite citation à la con selon les goûts. Quelque chose de tangible, où les larmes peuvent s'écraser en pensant aux tas d'osselets enterrés qui représentaient l'être aimé mais même ça il a pas Jax, car Cameron c'était un "pd" et en plus il s'est suicidé, le combo pour jamais être accepté par Dieu. Jax se recueille alors sur leur terrain de basket, là où il ne reste rien car les cendres se sont envolés. Même les souvenirs commencent à s'envoler, sept années... Les larmes ne veulent même plus couler il ne reste que le vide, le vide d'un coeur qui a trop souffert et qui se doit d'aller de l'avant. Sept années, c'est pas rien. Pour la première fois Jax commence à se promettre d'aller mieux, de redevenir celui d'avant, parce que c'est lumineux et solaire qu'il l'aimait Cameron. Il dépose solennellement, six roses rouges, là au sol, se faisant épier par les patients qui doivent se demander ce qu'il fout. Peut-être que dans l'heure à venir les roses seront volées, de toute manière rien n'indique ici que Cameron n'est existée - et pour la première fois Jax se dit qu'il faut l'accepter.