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 Seule une femme (Iskandar)

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Messaline Maraï;

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Messaline Maraï



Lily Nova
Ethereal (ava)
Orphée, Virgil, Grisha, Céleste, Eleusis
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La fille des draps aux billets verts, elle appartient à tout le monde, à personne
Prostituée pour payer son loyer. Et puis elle apprend les lois, double master d’avocate et de science politique.

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Message Sujet: Seule une femme (Iskandar)   Seule une femme (Iskandar) Empty Mar 23 Fév - 22:13


Seule une femme

     
Sur la table de chevet trône une couverture sur laquelle se dessine un mythe, Sisyphe se morfond, ses pierres sur le dos et Messaline, allongée sur son lit ne veut pas mouver son corps, commencer une nouvelle journée. Hier, elle a parlé. Hier, elle a éructé. Cette colère en dedans qui ne s’éteint jamais mais qu’elle tue pour les clients qu’elle accueille, il n’y a rien de professionnel dans le déshabillage des silhouettes, dans les automatismes de l’amour, il n’y a rien de fantastique à se sentir désirer, désirer comme un objet. Messaline a le regard rivé sur le plafond, le corps en manque. Le frigo est vide, les placards sont vide, seule l’eau dans la bouilloire et les multiples boites à thé trouvent grâce dans les yeux de la jeune fille. Mourir en s’acharnant sur le corps, le désemplir, le laisser crever, maigrir jusqu’à l’infini, jusqu’à la crise, jusqu’à la chute. Les médicaments n’y feront rien ni les psychiatres alignés en rangée pour aider les pauvres âmes qu’ils récupèrent au bord de la mort. Hier, elle a écrit des mots à un futur client, inconnu. Vingt deux heures lui a-t-elle dit, elle aurait pu s’arrêter là, mais le ressentiment pour tous ces hommes était si fort dans le coeur, hier, il battait, cognait dans le sang à réveiller des douleurs imaginaires, réelles dans la musculature fragile, elle a continué, elle a provoqué. Dans cette recherche d’une confrontation pour s’exprimer elle a pris goût aux réponses qui apparaissaient sur l’écran. Nihiliste. S’était-elle dit. Vingt et une heure trente grésille sur son portable, elle n’a pas vu le temps qui défilait, les yeux se sont ouvert de nombreuses fois avant de se refermer, oubliant les révisions, oubliant tout. Oubliant les heures de labeur qui la maintenant difficilement en vie. En apnée, elle s’écroule, divine comédienne d’un néant à la saveur des cendres et du sperme.

Elle s’est habillée d’une robe de coton qu’elle enlèvera bientôt, elle a coiffé ses cheveux, ils se dérobent, encadrent son doux visage irréel, un visage atypique que l’on pourrait dire laid, il détonne n’entre pas dans les catégories de beauté actuelle. On ne devine pas son âge, si petite, si fragile, l’expression dévêtue de tout artifice, Messaline ne se maquille jamais, ne séduit jamais. Si elle ne fuit pas les clients, les clients la fuiront a-t-elle toujours pensé. Par sa maigreur, par son air, elle ne sourit pas, elle ne sait plus, la sympathie a déserté ses orbes, le jour s’est enfui, la nuit a avalé les couleurs de sa joie, a gobé la joie toute entière. Voici l’angoisse. Voici la rage. Ce courroux qui jamais ne se tait. Elle s’est surprise, la dernière fois, à ne pas s’entacher de la mascarade de la jouissance, elle-même pour une fois, étoile de mer sur un lit de draps tâché par les empruntes masculines. Elle a vomi ensuite, quand il est parti, comme elle le faisait à chaque fois, rituel pour purger la saleté qu’ils déposent toujours contre son sein.

Quand il sonne, elle ouvre, ses pieds fermement ancré sur le parquet, son minois relevé pour scruter. Il a le visage des hommes anciens, des traits sculptés dans la dureté d’une vie entamée, vécue. Ses yeux l’inspectent également, dans le rouge de sa pupille se situe l’intelligence des sires. Messaline recule, forme un passage pour le laisser pénétrer dans l’appartement éclairé par les lampadaires de la ruelle. Elle a déménagé pour un appartement plus confortable avec l’argent gagné à la sueur de son corps se pliant sous les coups de reins. Sans un mot encore, elle le débarrasse de son manteau, le guide vers le salon dégageant son aura minimaliste. Les bibliothèques couronnent le canapé, aucune télévision. L’ordinateur est allumé sur un fond d’écran d’estampe japonaise, des pétales de fleurs de cerisier venant décorer l’aspect horrifique par ce blanc cotonneux, livide et charnière d’une mort prochaine. Rien ne respire entre ces cloisons dépouillées de personnalité. Même chez elle, Messaline disparaît. Elle a servi le thé, en silence. Elle s’est assise sur l’une des deux chaises de la cuisine, en silence. Puis, doucement la voix se rue, un chuchotement dans la gorge découverte.  « Vous savez ce que vous voulez ? » Cette question rituelle se jette dans la tranquillité de l’appartement, ce que vous voulez appelle à la soumission feinte. Il est le client, elle est l’objet. Et dieu que l’obscénité lui coûte dans la froideur de ce questionnement pour contempler, à la fin, les ruines de son âme.


(c) corvidae
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Message Sujet: Re: Seule une femme (Iskandar)   Seule une femme (Iskandar) Empty Dim 7 Mar - 19:52


seule une femme
@messaline maraï

vingt-deux heures. il n’a pas attendu, il ne s’est pas fait une joie de rejoindre l’antre inconnue d’une femme qu’il lui faudra prendre, comme l’on dévore un autre alors que la faim creuse son sillon de stupre et de flammes, dans les entrailles, pour que la tête apprivoise des notions si proches de la bestialité la plus confondante. il a envie d’une étreinte, pas comme l’on aurait le besoin d’ingurgiter de la viande, mais bien comme l’on imaginerait se perdre par temps de pluie, dans les méandres harmonieux des grandes forêts centenaires de l’orégon. devenir arbre, devenir écorce, caressant le ciel, s’enfonçant dans les nues pour y faire jaillir les pleurs d’une vie éternelle et pourtant mensongère. une vie qui s’éteindra une fois que les cieux auront crevé d’extase et de peine. l’odeur de la tempête dans ses cheveux, abruti par les éléments déchaînés au dehors, il se présente sur le seuil de la courtisane, inconnue aux yeux remplis d’un océan trop profond pour qu’il ne veuille apprivoiser les abysses avant d’y plonger. il la regarde dans la sentence de son silence, leurs silences qui se rencontrent sans qu’il n’y ait besoin de mots pour les faire pâlir. l’envie creuse ses traits sans que vraiment il n’ait à convoquer des images indélicates, il suffit d’imaginer un corps offert, un souffle délicat et brûlant sur l’épiderme, et puis la mécanique du corps qui cherche à fuir la douleur rien qu’un instant, qu’importe les bras qui vous enchaînent alors à la chair frappée d’impiété. d’un mouvement d’épaule, il l’aide à se débarrasser de son manteau d’homme important, et pourtant iskandar n’appartient pas au monde qu’il est censé comprendre mieux que quiconque, c’est cette compréhension justement qui le maintient irrémédiablement au dehors, frôlant les grands vitraux derrière lesquels les mensonges apprivoisent un quotidien qui le désespère. l’atmosphère est ténue, tendue par les voiles de la nuit qui soulèvent ici l’intime de ce que l’on ne connaît pas, et que pourtant l’on finira par violer. il regarde les ouvrages qui grimpent vers le plafond, puis les couleurs si semblables à ses hallucinations, de cette estampe-là, il voit les quelques vestiges d’une civilisation désormais disparue, lorsque les hommes s’inclinaient devant les femmes, et dénouaient doucement les soieries qui déguisaient leur nudité d’enfant, pour devenir des femmes dans l’étreinte du mariage. c’est une union bien différente qu’ils célèbreront ce soir, cela le navre et pourtant, le constat désuet et amer ne l’arrêtera pas. la présence diaphane, alors que lui est ancré dans une profonde minéralité, l’enchaîne à des sillages incertains, il s'habitue aux lieux avant d’y paraître, en face d’elle, choisissant de prendre place, et de boire une gorgée qui réchauffe sa gorge où les mots disparaissent. seuls les regards demeurent, alors que la question dénote, deux corps côte à côte dans une amitié factice, et ce plaisir qu’il paie, et qu’il viendra lui arracher. il dispose l’argent liquide sur la table, une liasse un peu brouillonne, tout comme sa personnalité qui ne saurait se limiter aux entraves communes. ce n’est pas pour l’humilier, c’est plutôt pour lui assurer qu’il n’est pas ici pour lui prendre plus qu’elle ne pourrait offrir. juste quelques temps abandonnés contre sa peau cela suffira. si vous doutiez de mes intentions… il a un sourire très fin, se rappelant de leur conversation et de cette peur qu’ont toutes les putes qu’il a rencontrées. qu’un jour un homme frappe à leur porte pour les tuer. il lui répond ensuite non, je ne sais pas ce que je veux. il semble répondre à bien plus que ce qu’elle croit demander, et il penche la tête pour la regarder. que vous demande-t-on d’ordinaire ? d’avoir l’air d’une gentille poupée qui gémit quand on la touche ?
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Message Sujet: Re: Seule une femme (Iskandar)   Seule une femme (Iskandar) Empty Jeu 18 Mar - 18:45


Seule une femme

     Offrir du thé pour les clients semble un besoin plus qu’une décoration, depuis des années Messaline fabrique des onces d’espoir afin de survivre à l’effondrement de sa psyché ; sa ferveur demande du courage, sa froideur demande de la volonté. Elle a tu sa personnalité, l’a caché dans les tréfonds de son apparence de jeune fille dénuée de force et de verve. Elle a appris à obéir à plus fort qu’elle, c’est ainsi, se dit-elle, qu’on s’adapte. Vendue pour des billets, elle sait qu’elle a accepté les contraintes et les exigence que le capitalisme impose : payer son loyer, ne pas mourir de faim, prétendre le bonheur… Cette dernière lui paraît impossible, elle garde dans ses orbes la méfiance des survivantes, la distance funèbre et, derrière le corps toujours tendu – un arc de blessure – la phobie sociale. On lui fait du mal en se servant d’elle, mais elle se vend consciente de ce cercle infernal dont elle ne peut sortir. Assise près de cet inconnu qu’elle n’a jamais rencontré auparavant elle éteint ses pensées puisqu’elle s’adaptera à ses volontés, mais parfois les désirs de rencontre s’opposent à cette situation clinique, s’allonger comme une femme et attendre que l’homme la possède, comme ils le font tous. Il y a des clients fidèles qui viennent plusieurs fois dans le mois afin d’écouter sa voix, de se poser sur le canapé, d’admirer sans toucher. Plus rare encore, quelques clients viennent afin de discuter et simplement discuter, pour déposer sur le pas de sa porte les angoisses et les terreurs car il est plus facile de partager sa profondeur à une étrangère. Ils désirent parfois une mère ou une sœur plus qu’une amante. Et, dans les catégories qu’elle a construit afin d’intellectualiser et de sortir la douleur, la pétrir, la modeler, il y a bien ceux qu’elle craint, les mains dominantes et l’ordre suintant, ceux-là la détruisent. Messaline pose lentement ses billes lavées de vie dans celles de cet être à la carrure magnétique, tentant de l’évaluer sous le prisme de ses classes afin de désacraliser la tension qu’elle pressent. Sa froideur se confronte à la sienne mais sa politesse percute ses émotions qu’elle désirait éteinte. Le voir tendre les billets, les lui donner, la rassurer, fracasse sa réticence, sa méfiance, elle y perçoit un geste de respect que les autres n’ont jamais eu. Néanmoins, les sourcils se froncent, la sauvagerie dans ses traits, une certaine violence de l’incompréhension ; il ne semble pas hargneux ni dominant, pourquoi ce sentiment de gêne, face à lui. La gratitude pourfend ses lèvres, un merci s’échappe, timide.  « Parfois. C’est le fantasme de la performance bien faite. Le fantasme pour un homme de se sentir viril et en pleine possession de ses moyens. » Nulle ironie ne jaillit, elle apprécie son grain de voix neutre, légèrement rauque.

Ses mains s’emparent des boutons de sa chemise, doucement, une certaine tendresse comme si elle ne savait se défaire de cette empathie et cette ouverture ; elle se préférerait fermée de tout, fermée de tous, ne sait comment faire. Elle les ressent, au fond, ces désirs inconscients, ces peines lugubres, ces mensonges dans les yeux quelques fois, et la honte aussi. Elle n’arrive cependant pas à cerner – et cela la dérange, la frustre – cet être chtonien ayant frapper dans ses textos comme une ombre frappe la lumière et l’engorge de ses étreinte. Elle le déshabille patiemment, lui retire son haut, se fige. Un temps. Une seconde. Une minute. Avec de défaire ses cheveux, ses boucles de bronze chutent sur ses épaules de gamine, une pluie de rousseur sur son visage préraphaélite. Elle n’a pas oublié ce pourquoi il l’a choisi, ces reflets dans sa chevelure de sirène qui séduit et captive, fait monter le désir.  « Je me permets car vous savez ce que vous recherchez. Et ce n’est pas que du sexe. Ce n’est pas non plus une conversation. » La provocation de Messaline frappe les murs de l’appartement silencieux, bruyant de la dangerosité qui se joue dans les gestes détachés, maîtrisés. Elle sait qu’il mangera sa chair comme ils la mangent tous d’une manière différente et propre, unique peut-être dans les requêtes. Iskandar reste un homme double fois plus âgé qu’elle. Elle lit bien de la glace dans sa posture cachant les tréfonds d’un ordre impérieux qu’il ne s’avoue pas, encore. Elle se recule d’un pas avant de contempler le corps de l’homme encore vêtu de son jean qu’elle n’a pas le courage de défaire. Et elle attend, comme elle attend toujours, puisque la femme doit trouver la mesure entre les initiatives et la soumission.

(c) corvidae
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