my youth is yours — Keziah

traits de caractère / spontané / irréfléchi / assuré / téméraire / épicurien / expressif / passionné / excessif / drôle / charmeur / opportuniste / faussement insensible / romantique qui s'ignore / mélancolique.

Il avait le goût de la vanille sur les lèvres, l'odeur du gel douche à la pomme dans le cou. Il avait la douceur de la pêche sur la peau et des larmes d'envie au coin des yeux. Et il était beau. Plus beau que ce qu'il y a de plus beau sur terre. Son sourire le faisait fondre. Son rire, palpiter. Ses soupirs, frissonner. Ses murmures, vibrer. C'était la première fois qu'ils se retrouvaient ainsi, dans ce genre de situation. N'étaient ils pas qu'amis quelques instants plus tôt encore ? Keziah l'avait toujours cru, bien qu'il le regrettait depuis quelques semaines. Car depuis quelques semaines déjà il le regardait différemment. Depuis quelques semaines déjà il avait réalisé. Réalisé combien il l'appréciait. Combien il l'adorait. Combien il l'aimait. Combien il voulait baiser sa bouche, enlacer son corps, posséder son être tout entier. Mais il avait cru longtemps ses espoirs vains, ses désirs non-réciproques. Pourtant, en cette chaude après midi, alors qu'ils avaient chercher la fraîcheur salvatrice d'un cône glacé, tout avait dérapé lorsque Keziah avait, par inattention, par absence d'esprit momentanée, recueilli la crème vanillée au coin des lèvres de son ami de ses propres lippes. Et alors qu'il pensait, réalisant son geste, qu'il allait devoir se confondre en excuse, la tournure des événements avait été en sa faveur. A présent, le soleil n'était plus le seul responsable de leur peau halitueuses. Oh, jamais Keziah n'avait ressenti pareil bonheur. Pareille plénitude. C'était si beau et si bon… parfait. Parce que c'était lui, Yejun. Personne d'autre ne comptait plus dans son cœur adolescent qui avait éclos de mille passions. Yejun en était le seul déclencheur. Enivré par toutes ces sensations, il n'avait pas entendu dans l'escalier les pas lourds de la source de leurs maux. Le père Hansen.

Il avait le goût de la vanille, le jour où il l'avait embrassé. Le jour où il avait baisé ses lèvres, son cou, son corps… mais il n'avait jamais plus eu le droit de goûter à autre chose sur sa peau. Car son père était entré, les avait séparés. Il avait hurlé, avait chassé Keziah de la chambre, de la maison. En caleçon ou non, il s'en était foutu royalement. Plus Keziah aurait honte et mieux ce serait. Mais il n'avait éprouvé aucune gêne. À présent il n'avait que de la peur au creux du ventre. Pas vis à vis de ses propres actes mais plutôt en rapport avec les conséquences de ces derniers. Leurs caresses si douces, sulfureuses aussi, amoureuses surtout, allaient causer du tort à la seule personne qu'il aurait jamais voulu blesser. Et il se trouvait démuni, incapable de trouver une solution pour sauver leur romance naissante. Et puis les jours passèrent et Yejun le laissa, le lâcha petit à petit, augmentant encore et toujours plus la distance entre eux. Bientôt il n'y eut plus rien. Pas même des sourires polis. Pas même des regards rapides. Plus rien. Et son cœur fleuri se mit à faner sans qu'il n'y puisse rien faire.

Il a le goût de la bière, l'odeur du tabac, la peau rêche comme du papier de verre. Il n'est pas très beau et trop bruyant mais il fera l'affaire pour quelques heures, cet inconnu dont il ignore l'identité complète sinon un bête surnom vaguement saisi. Et lorsque leurs ébats prendront fin, il partira, se glissant hors de ses bras et de ses draps pour en rejoindre d'autres, plus froids. Cette semaine, les Jordans sont en vacances. Ils n'ont ni poisson rouge à nourrir, ni plante à arroser. Alors avec son passe-partout bricolé il entrera sans craindre de tomber sur quelqu'un. Il pourra se faire couler un bon bain dans leur baignoire, manger ce qu'il reste dans leurs placards, dormira dans leur lit bien fait. Et dans quelques jours, à leur retour il devra trouver un autre endroit où passer la nuit, repérer un autre travailleur nocturne, infirmier ou gardien, trouver son adresse et crocheter sa serrure à son départ certain pour le travail. Et là encore il dormira dans les draps et se nourrira des victuailles de quelqu'un d'autre. Il n'a rien à lui. Ni logement, ni argent sinon quelques maigres pièces gagnées contre un portrait. Alors pour survivre, il jongle entre les effractions et les vols, petits larcins nécessaires, mais profitant malgré tout de la vie décalée d'honnêtes travailleurs dont il videra le frigidaire. Pas de soutien financier de sa famille dont il a voulu s'émanciper lorsque ses choix de vie ont été discutés. Artiste n'est pas un vrai métier. Avocat, notaire ou même boucher auraient été préférable à leurs yeux et esprit étriqués. Mais il n'a rien écouté. L'art était sa voie. Il l'a suivi. Cependant rares sont ceux qui reconnaissent son talent. Parfois il doute, se demande s'il en a seulement. Par fierté, il s'en persuade et garde la tête haute tout en vivant au crochet des autres.