Show me the worldTenby, Pays de Galles, le ciel est noir et le tintement des sonnettes font écho. Ce soir, c'est Halloween, la chasse aux bonbons est ouverte. Pour tous ? Non. C'est en cette soirée que Francesca Rose Grugwyn décida de voir le jour deux petits mois avant la date prévu. Enfant certes chétive, bien que grande, ses grands yeux d'un bleu purs embellissaient ce petit poupon qui venait tout juste de voir le jour. Madame Grugwyn une infirmière de métier et Monsieur Grugwyn PDG d'une grande d'entreprise fluviale étaient heureux, heureux de ce cadeau fait par la vie. Rose, comme tous préféraient au fond l'appeler. Grandit dans un cadre plutôt prospère, une famille stable, aimant avec ses hauts et ses bas certes, mais qui tenait toujours debout et soudée. L'argent ? Ce n'était pas un problème, pas vraiment, quelques années furent un peu compliquées, mais rien de bien grave. L'amour ? Présent, toujours, malgré une absence parfois remarquée de sa mère, elle savait que son travail était prenant.
Enfant douce mais exubérante, de l'énergie à revendre, elle en avait et en a toujours. Curieuse, Francesca adorait s’intéresser à tous, connaitre tout, c'était son ambition alors qu'elle n'était qu'une enfant. Mais l'âge lui apprit que tout connaitre allait être compliqué, car tout n'était pas connu. Puisqu’il lui faudrait plusieurs vies pour apprendre tout ce qu'il était possible de savoir. La musique fut un temps un échappatoire et une activité plus divertissante que les livres qu'elles dévoraient. Ses doigts courants sur le piano familial, elle avait toujours admirée sa mère en jouer, un jour, c'est elle qui prit la place. Bonne écolière, sociable, elle savait être entourée et se faire remarquer, mais être aussi discrète et muette quand il le fallait.
Adolescente rebelle, sa curiosité et ses quelques mauvaises fréquentations l'avaient amené à faire des choix discutables. À tester des produits illégaux et agir de façon non respectueuse envers ses parents qui l'avaient toujours choyés et aimés. Rose pourtant jamais ne fut accro ou une drogué chronique, non, même si lors de ses nombreuses sorties nocturnes, elles aimait consommer. Elle s'en passait sans soucis la journée, et même plusieurs jours d'affiler. Mais tout cela ne fut qu'une mauvaise passe, qu'elle garde comme une leçon de la vie dans son esprit qui se veut positif. Bien qu'elle ne regrette rien, non. Après tout chacun forge son chemin avec ses propres expériences.
Let me run awayPoussée par ses parents et par son envie d'apprendre Rose suit des études supérieures. Mais sans réelle idée sur son avenir, voulant simplement voir le monde et ses merveilles. Elle entama donc des études de langues afin de perfectionner son français, qu'elle parle aujourd'hui couramment. Choisissant également de travailler l'espagnole, l'italien et le Chinois. Mais pour ses trois dernières elle comprend mieux qu'elle ne parle, il faut bien l'avouer. Lors de ses études à l'université de Cardiff elle fit la rencontre de l'homme qui changera sa vie à tout jamais alors. Dylan, c'est ainsi qu'il s'appelait, cet homme qu'elle aima passionnément si bien qu'elle l'épousa quelques mois à peine après leur rencontre. Un amour qui semblait partager, un amour qui semblait brillant et sans embuche pour un avenir merveilleux et pourtant. Après un an de mariage, la première gifle érafla son visage pâle. La raison ? Aucune dans son souvenir. Mais elle avait cru le contraire, elle s'en souvient de ça. Puis quelques mois plus tard une seconde, puis une troisième et bientôt ce fut leurs ébats, brutaux, il lui faisait mal. Elle ne devenait qu'un corps à sa disposition et à la merci de ses sautes d'humeur.
Trois ans, trois ans pour comprendre, comprendre qu'il n'était pas pour elle. Qu'il n'était pas un homme bien et qu'elle devait partir. Loin, très loin. Alors un jour elle plia bagage, un simple sac de sport, un peu d'argent en poche et elle partie, quittant l'appartement où elle vivait. Sans un mot, à lui, à sa famille, à ses amis. Londres fut sa première étape, celle où enfin après plusieurs jours elle appela ses parents pour leur dire. Leur dire qu'elle voyageait, sans retour pour le moment. Leur dire aussi qu'elle divorçait, sans donner plus de raisons, les laissant dans l'ignorance de ses souffrances. Ce fut alors le début de la liberté, de ses deux années où elle vécue pour elle seule, sans rien et sans besoin de rien. Se débrouillant sur place et le moment venu pour vivre.
Il y eu cet homme, ce cuisinier d'exception, français. Elle l'avait connu il y a maintenant douze ans. Douze ans, c'était si loin dans le temps et si proche dans son esprit et son cœur. En quittant Dylan, elle avait rapidement quitté le Royaume-uni et avait laissé sa carcasse atterrir à Paris. Sans plus un sou, à la recherche d'un petit boulot pour survivre. Elle avait vite fait la plonge, quelques heures par semaine, dans un bouiboui lamentable. Ce qui lui avait permis de se nourrir un peu, mais elle n'avait pas de quoi se payer un hôtel tous les jours, alors elle avait vécu un temps dans la rue. Avec comme seul bagage, son sac de sport remplit de deux-trois tenus de rechanges, d'un peigne, d'un plaide acheter à Paris et de quelques sachets de nourriture et d'eau. Voilà ce qui avait durant un temps fait sa vie. Hipolyte, c'était son prénom, était arrivé peu après dans sa vie. Dormant dans un petit parc non loin de son école de cuisine, elle avait souvent croisé son visage le matin et le soir. Et un jour, il s'était arrêté. Elle ne se souvenait plus vraiment pourquoi. Peut-être parce qu'il avait fait froid, ou plut, ou simplement qu'on était venu l'embêter, une habitude. Elle ne se souvient plus de ce détail. Mais il avait pris le temps de discuter quelques minutes, elle lui avait vaguement dit avoir fui une vie pour s'en construire une nouvelle, meilleure. Son visage encore tuméfié peut-être avait touché son cœur, en partie du moins. Il l'avait invité pour la nuit, pour se reposer comme il se doit, chez lui. Il avait ouvert sa porte, elle avait refusé la première fois, ne voulant pas empiéter dans la vie d'un inconnu. Ne pas être un fardeau pour un noble homme. Il était revenu quelques jours plus tard, elle avait accepté cette fois-ci, usée jusqu'à la moelle. Elle avait fini par accepter sa charité. Se disant qu'une nuit, une simple nuit avec un toit au-dessus de la tête, au chaud, avec un semblant de vie, lui redonnerait l'énergie nécessaire pour repartir. Oubliant presque un instant ses cauchemars, qui chaque fois la réveillaient en sursaut, et en sueur. Mais cette fameuse nuit-là, elle ne s'était pas réveillée seule au milieu du petit parc en France. Non cette nuit-là l'homme l'avait réveillé, il lui avait alors dit que tout allait bien. La vision de son visage compatissant, rassurant. Voilà que depuis son départ, c'était la première fois qu'elle s'était de nouveau sentie en sécurité. La face à lui, la main de Hipolyte dans la sienne, ses yeux clair dans les siens. Rose se souvenait alors qu'un vague instant, elle avait cessé de respirer, cesser de fuir, cesser d'être forte. Elle avait laissé une larme, la première depuis bien longtemps, couler sur sa joue. Dans son souvenir, il l'avait alors d'une douce caresse essuyé de sa main. Lui avait souri et il était resté alors près d'elle le temps qu'elle se rendorme. Ils n'ont jamais été ensemble, ne vous trompez pas. Hipolyte était homosexuel. Mais il avait été tant pour la femme qu'elle deviendra.
Rose avait poursuivit son tour du monde en après être rester quelques mois chez Hipolyte. Qui l'avait aider à se ressaisir et à renaitre. Elle resta parfois seulement quelques jours, parfois des mois en un lieu. Le monde, elle l'a vu, en partie. Le monde s'est offert à elle comme on a besoin de respirer, comme on a besoin d'oublier. Voilà ce qu'elle fit oublier, mourir pour cet homme pour renaitre de ses propres cendres, tel un Phoenix.
New York, Etats-Unis, ce beau pays. Voilà où Franky décida de poser ses bagages. À 25 ans, l'esprit plus léger, son passé derrière elle. Cette ville l'attirait pour une raison obscure. Se laissant happé par cette envie de se poser et de vivre une vie plus "normale" alors. En quelques mois, elle fut bien intégrée à la société et à sa nouvelle vie. Elle enchaîna au départ quelques petits boulots, serveuse, caissière, ou manutentionnaire dans une usine ou deux. Mais il y huit ans, elle a trouvé le travail de ses rêves. Embauché dans une librairie dans le quartier commercial du Queens, elle y à fait ses preuves avec les années. Familières des rayonnages de bois durs et de l'ambiance cosy de ce vieux commerce. Tenue par un couple de septuagénaire, amoureux des livres, vieillissant. Ils ont laissé le travail d'une vie aux mains et bon soin de Rose il y a trois ans. Prenant leurs retraites bien méritées. Rose leur à racheter pour une bouchée de pain, il faut le dire, le commerce, une décision prise à trois. Le couple ayant confiance en la future Harrington. Ne voulant pas la ruiner, ils ont vendu à un prix qui leur permettait de profiter des quelques années qui leur restait sans se soucier de l'argent, en s'assurant de laisser quelques sous à leurs enfants.
And I fall appartLes années ont doucement passé, le temps à fait son chemin et la vie avec. Ici à New York, Franky a alors de nouveau commencée à vivre. Il y eut cet homme, il venait régulièrement à la librairie, tous les samedis. Se posant à la même heure, à la même table à chaque fois pour lire un peu. Rapidement, le contact se fit entre la libraire qui le conseillait parfois et le mystérieux inconnu. Une amitié naquit doucement au fil du temps et des mois passés. Discuter quelques minutes, parfois une heure quand le temps le permettait. Puis il y eut ses rendez-vous en dehors, au cinéma, au parc pour une balade ou deux, puis au restaurant et enfin l’invitation à monter dans son petit appartement du centre-ville. Son passé, il le connaissait, du moins, il avait appris que les choses ne s'étaient pas passé comme prévu. Que l'amour n'était plus fait pour elle, qu'elle avait peur de s'engager, refusant de nouveau d'être déçus et brisée. Mais avec lui Rose se sentait différente, au travers de son regard si doux, elle avait cette impression d'être la lune luminescente dans ce ciel noir. Sa carapace tomba un beau jour l'année de ses 30 ans et Leow entra alors dans sa vie, comme un battement de cœur indissociable des autres et pourtant différent. La vie, enfin, semblait sourire de nouveau à Franky, qui heureuse avec son Leow, cet homme qu'on lui enviait dans la rue du regard qu'il portait. Mais qui n'avait d'yeux que pour elle. Un an après leur relation, il la demanda en mariage le jour de la Saint-Valentin, et c'est l'année de ses 31 ans, en juin que Miss Grugwyn, qui avait repris son nom de jeune fille après son divorce, devenu Madame Harrington. Lors d'une cérémonie assez simple bien que magique et heureuse à l'image de leur couple.
Puis il y eut cette soirée, au mois de mai dernier (2020), il ne faisait pas mauvais, au contraire. Il était tard et Francesca rentrait de chez une amie qu'elle n'avait pas vu depuis de longs mois. Qui désirait la voir avec son petit ventre tout rondouillet qui abritait le fruit de l'amour. Cette musique, joyeuse, du moins dans sa rythmique, le sourire aux lèvres après cette petite pause amicale. Cette lumière, éblouissante. Ce bruit, horrible. Ce trou noir, effrayant. Ce réveil, abominable, ses néons trop forts, qui vous empêchent de comprendre de suite où vous êtes. Ses voix qui s'élèvent, soulagées de vous savoir en vie. Ses regards lourds alors qui se posent sur vous. Cette main, qui vous sert. Ce regard qu'on connaît que trop, noyer dans un océan de larmes, qui tente maladroitement de dissimuler cette profonde tristesse et détresse soudaine. Leow, il est là avec elle, dans ce qui semble être un hôpital. Que s'est-il passé ? Que... L'enfant, leur enfant. Sa main se pose sur son ventre encore rond. Mais la main qui tient la sienne se fait plus pressante. Les larmes coulent alors de plus belles sur les joues creuses de son mari et se teint livide. Impossible, non... Impossible. Les larmes gagnent Rose qui voudrait mourir à cet instant, pourquoi ? Pourquoi, le sort s'acharne encore sur elle ? Comment une soirée si agréable peut-elle devenir un cauchemar en un instant ? Ses lèvres sèchent, qui ne font que confirmer un coma de quelques heures, peut-être jours, sa gorge qui la brûle. Elle ne peut parler alors, hurler encore moins, pourtant ses entrailles le font. Son visage pâle est soudain plus malade encore. Elle se détourne du regard effondré de son mari. S'excuser, c'est la première chose qu'elle fera. Quand elle en aura l’occasion. Il semble encore plus triste alors. Elle a perdu l'enfant qu'elle portait, sa faute ? Surement... En un sens avec cette foutue chienne de vie, ou ce destin qui s'acharne. Elle doit avoir fait quelque chose par le passé, peut-être dans une vie antérieure pour mériter tout ce malheur. Elle emporte avec elle l'homme qu'elle aime, lui qui brillait autrefois comme un soleil. Leur couple qui éblouissait de bonheur. Le voilà éteint, tel des flammes sur qui on venait de jeter un seau d'eau.
Aujourd'hui... La vie continue. Ce sourire a disparu, cette étoile dans ses yeux s'est éteinte. Ce bonheur partagé n'est plus. Faire face, comme toujours, elle a appris. Rose essaie chaque jour de faire mieux. Mais c'est dur, si dur de vivre alors qu'on ne sait même plus si on le veut vraiment. De voir les gens autour de soi heureux et de se dire que nous ne pouvons pas l'être, jamais. Car nous sommes maudit. Le temps apaise la douleur à ce qu'il paraît, alors laissons le temps au temps. De toute manière, elle n'a pas d'autre choix, la mort l'effraye et le peu de bonheur qui illumine encore son cœur, le maintien tel, un pantin, animé encore un peu dans ce monde qui lui semble aujourd'hui si sombre et ténébreux. Puis, il y a cette annonce, ce constat... Leow, il ne supporte plus ses pardons, il ne supporte plus de la voire éteinte. Elle ne se pardonne pas alors que lui le peu, en partie, peut-être. Quelque chose c'est brisé cette soirée de mai. Et il est nécessaire de mettre des mots dessus qu'elle se refuse à entendre, d'abord. Mais il a raison, ils ne peuvent plus continuer ainsi. Elle l'aime encore, son coeur le sais. Mais son âme ne peu plus le regarder en face. Alors il faut avancer, il faut continuer, encore et toujours. Ils se quittent en bons termes, car au fin fond de leur coeur réside encore une petite flamme, assez frétillante pour laisser survivre leur amitié d'antan. Alors elle en est là Rose, propriétaire d'une librairie qu'elle aime, amie avec l'homme qu'elle aime, remontant doucement une pente trop glissante. Mais peut-être qu'un jour, un jour, on viendra la chercher, lui tendre la main et la hisser en haut de cette pente.