i'm ready for the fight, and fate. (arthur)

traits de caractère / un loup solitaire, un cavalier noir. il se donne parfois des airs, arthur. parce qu’il n’est pas si méchant que ça. il a peur, surtout. peur qu’on s’attache à lui, peur de s’attacher à d’autres. il joue au gros dur - c’est un gros dur - mais il peut se montrer tendre quand on sait comment l’approcher. impulsif et colérique, il vaut mieux ne pas le provoquer. son réflexe ? les poings. il cogne trop facilement. pas forcément sur quelqu’un, mais au moins sur quelque chose. sanguin et pessimiste. pessimiste parce qu’il ne croit plus en rien. le monde est pourri jusqu’à la moelle. il y a la corruption, les gosses qui crèvent de faim, l’air qui devient irrespirable. il essaie d’agir en tant qu’éco-citoyen, en tout cas il fait ce qu’il peut avec ses propres moyens. arthur, il a beaucoup de respect pour les personnes âgées. il met également un point d’honneur sur les promesses. il ne promet rien qu’il ne peut pas tenir. l’honnêteté est une valeur qu’il défend depuis toujours. puis arthur, on ne le comprend pas toujours. il agit parfois comme personne n’aurait pu le prédire. il est imprévisible et lunatique.

Mamie est la seule famille que je n’ai jamais eue. Elle a été ma mère, mon père, mon frère et ma soeur. Mamie, c’était les doux réveils aux premières lueurs du soleil, les petits-déjeuner en écoutant de la variété à la radio, les tartes aux pommes le dimanche après-midi, les parties de nain-jaune avant de dormir. Mamie, elle aimait tricoter devant la télé les jours de pluie. « Regarde-moi la, la saleté », qu’elle disait devant son feuilleton. Mamie, elle a perdu ses parents quand elle était petite. Sa mère d’abord, son père ensuite. Sa vie n’a jamais été facile, elle a pris des années plus vite que les autres. Très tôt, elle a commencé à faire des ménages pour gagner sa croûte. Alors son dos s’est affaissé, ses genoux se sont usés. Mamie, elle était juive. Elle faisait le shabbat, un peu mais pas trop. Elle allumait des bougies le vendredi soir quand on mangeait le couscous, mais elle utilisait l’électricité le samedi matin. Mamie, elle me parlait tout le temps de sa famille, en Israël. Ses frères, ses soeurs, ses cousins. Ils se sont installés là-bas mais elle est restée ici, sans doute à cause de moi. J’aurais tant aimé lui offrir le voyage et pouvoir contempler la lueur dans ses pupilles quand elle aurait retrouvé les siens. Mamie, elle est tombée pour ne plus jamais se relever. Je l’ai emmenée à l’hôpital après sa chute, elle n’était pas contente. Elle voulait que je la sorte de là, et je lui ai promis de le faire. Elle allait un peu mieux, mais elle mangeait peu. « C’est dégueulasse », qu’elle disait. Pas étonnant, elle qui cuisinait si bien ne supportait pas de se nourrir de trucs aussi peu gustatifs. Alors elle a perdu des forces. Et elle est retombée, à l’hôpital. Tête la première, cette fois. On a dû lui faire des points de sutures au nez. Et ses joues se sont creusées. Ses paupières alourdies. Elle parlait de moins en moins. Et son coeur s’est arrêté. Brutalement. C’est arrivé trop vite, comme une claque en pleine gueule. Mamie est partie avant que je puisse la sortir de là. J’avais vingt-cinq ans, bientôt vingt-six. J’ai dû m’occuper seul de ses obsèques. Trouver un rabbin et un endroit où l’enterrer avec d’autres personnes de confession juive pour l’entourer. C’est ce qu’elle voulait. J’ai tout fait dans les règles. Des dames sont venues laver son corps avant de l’enrouler dans un lin blanc. Son cercueil était des plus basiques. Lors des obsèques, j’ai répété les mots du rabbin après la prière, il a déchiré ma chemise au niveau du coeur, symboliquement, comme ils le font habituellement. Il y a une seule règle que je n’ai pas pu respecter. J’ai déposé un baiser sur son front froid. Je n’ai pas pu me résigner, ne plus la toucher avant qu’ils me l’enlèvent à jamais. Mais je sais que malgré ça, elle repose en paix. Et toutes les semaines, je dépose un caillou sur sa tombe.

Thelma j’ai tout de suite su que ça serait irréversible. Que si je tombais amoureux d’elle, il n’y aurait pas d’échappatoire. Que ça serait à la vie, à la mort. Thelma, elle vivait dans le voisinage. Elle avait un visage de poupée et des pupilles aussi denses que l’univers. La première fois que je l’ai vue, elle lisait un bouquin sur les marches d’une maison qui n’était pas la sienne. Je l’ai vue se faire virer de là par la propriétaire. « C’est la maison de mes rêves », qu’elle m’a dit quand je l’ai approchée. « La vie est trop courte, faut saisir nos rêves quand ils se présentent à nous. » J’ai fini par comprendre qu’elle s’installait là tous les soirs, et que tous les soirs, elle se faisait virer à coups de balai. Thelma, elle avait l’air fragile mais je n’ai jamais rencontré quelqu’un d’aussi fort. Ce n’est qu’au bout d’une année à la fréquenter que je me suis rendu compte qu’elle était malade. La mucoviscidose. Elle avait du mal à respirer, devait ingérer un traitement abominable, et malgré ça, je ne l’ai jamais entendue se plaindre. Elle souriait, elle dansait au milieu des rues, chantait dans le métro. Elle vivait comme elle en avait envie, sans se méfier du regard des autres. Parce qu’elle savait. Elle savait que sa vie était précieuse. Et moi, je suis tombé amoureux d’elle. Doucement, au fil de ses sourires. Thelma, elle devait s’en sortir. Elle devait s’en sortir parce qu’on avait prévu de vieillir ensemble. Puis on a appris qu’elle allait recevoir une greffe et je lui dit : « On se mariera toi et moi Thelma. » Mais sa greffe est arrivée deux jours trop tard. Thelma s’est épuisée, ses poumons ont lâché. J’ai essayé de capturer son dernier souffle au creux de mes mains pour le garder avec moi toute la vie. La vérité, c’est que je commence à oublier à quoi ressemblait son sourire.

Il y a une rose tatouée à l’intérieur de mon bras pour Thelma, et la date de naissance de mamie au niveau de mon poignet. Les deux femmes de ma vie, celles pour qui j’aurais tout donné. Deux promesses échouées. Il ne me reste plus grand chose depuis qu’elles sont parties. C’est la boxe qui me rappelle que je suis toujours en vie. Les coups dans la gueule, le sang qui coule sur mes lèvres, et mes poings qui s’écrasent contre des visages. Y’avait personne pour fêter mes trente ans cette année, de toute façon, y’a plus grand chose à fêter. Je passe ma vie à ouvrir la porte à des gens qui ne me voient pas, des gens qui ne remarquent pas mon existence. Mais je suis pas en train de me plaindre, j’aime la transparence. Ça me laisse tout le loisir de l’observer. Elle, la fille du patron. Elle, Loreleï. Je le sais, elle est comme toutes les autres. Toutes ces gosses de riches, pourries gâtées. Mais son visage est si doux. Quand elle passe à côté de moi, quand je lui tiens la porte, le monde semble un peu plus beau.