ready for tonight. (morgan)

des heures qu'elle a pris possession du closer. des heures qu'elle s'acharne sur quelques pas de danse pour le spectacle de ce soir. des heures qu'elle s'entraîne d'arrache-pied pour être au top le soir-même. piper est comme ça, elle aime se surpasser et donner le meilleur d'elle-même pour un public venu nombreux. elle ne veut pas décevoir ou ne pas être à la hauteur de ses compétences, de son talent. elle aime entendre les applaudissements des personnes face à elle, elle aime les voir l'ovationner. c'est sa récompense, leur façon de la féliciter pour le magnifique travail qu'elle a fait. parce qu'elle a beau être une adulte, piper, elle aime quand on lui fait des compliments sur son travail. parce que oui, être strip-teaseuse est un travail comme un autre.
pour elle, le strip-tease, ce n'est pas qu'un boulot ou une histoire de se déshabiller pour dévoiler son corps nu à des hommes qui n'attendent que ça. c'est bien plus encore. c'est un art. le corps de la femme est un art qu'elle ne se lassera jamais d'admirer. chaque corps a ses atouts et ses failles. chaque corps a son histoire qu'il dévoile à sa manière. chaque corps est différent. et c'est ce qui les rend beaux, sensuels et attirants à ses yeux.
malgré cette concurrence enfantine entre ses collègues et elle, piper ne peut s'empêcher de regarder leurs performances chaque soir. ce n'est pas le métier le plus simple, elles peuvent bien s’entraider et se soutenir les unes et les autres. puis ça lui plaît de voir comment elles s'en sortent et à quoi s'attendre. peu de jalousies même si ça arrive, parfois.
elle continue d'enchaîner les pas, une dernière fois pour être sûre d'être au point. il ne reste plus que quelques heures avant que cet endroit s'ouvre au monde extérieur, aux habitués. piper a besoin de se reposer pour être en forme et ne pas s'endormir après chaque seconde. elle ne peut pas se le permettre. alors sur le rythme de la musique qu'elle a choisi au préalable, elle reprend une dernière fois. retirant un à un chacun des tissus qu'elle porte. cachant à peine son corps.
une porte s'ouvre, une silhouette apparaît dans la pièce. elle pensait ne voir personne pendant ses répétitions, il faut croire que c'est raté pour aujourd'hui. elle continue jusqu'à reconnaître ce visage, à présent éclairé par la lumière.
elle s'arrête.
à moitié nue.
le regard à présent fuyant.
cherchant son peignoir pour le mettre sur son dos et couvrir son corps.
elle décrète avoir terminé, ne pouvant rester seule en présence de morgan. bonjour. depuis l'irréparable, il y a ce froid permanent entre eux. ils se fuient et s'adressent à peine quelques mots par jour. un contraste qui saute aux yeux alors qu'avant, ils étaient proches -et pas que physiquement- et partageaient plus qu'un lit durant la nuit. mais ça ne l'empêche pas d'être polie et de le saluer.
tout a changé, tout a été chamboulé par un acte que piper a du mal à accepter et pardonner. encore aujourd'hui, ça la hante chaque nuit. elle revoit ses images dans sa tête, au moment de fermer les yeux. elle n'en parle à personne, pas même ses plus proches amis. elle préfère se taire et garder toute cette histoire pour elle. la brune en a un peu honte et se sent un peu idiote aussi. deuxième fois qu'un homme est violent envers elle. à croire qu'elle attire ce genre d'homme.
elle coupe la musique et rassemble les affaires qu'elle a envoyé valser à travers la pièce. je suis prête pour ce soir. elle l'informe sans vraiment savoir pourquoi elle lui annonce ça. peut-être pour le rassurer ou ne pas lui montrer qu'il la dérange.
ça fait des heures qu'elle est ici, pas besoin d'y rester une demi-heure de plus. elle est au point et va, encore une fois, enflammer la scène.

— And she will always hate me
No matter what I say
And there is no mistaking
[ piper & morgan ] @james blunt

le macadam humide et brûlant à la fois se déroule sous les roues de sa bagnole, dans les vastes rues du queens. ses yeux divaguent entre les immeubles sordides, d'autres plus majestueux puis sur les âmes qui s'agitent dans sur les pavés fracassés. le téléphone souvent entre les doigts, plaqué contre leurs oreilles sourdes de tout ce qui les entourent. les mains ancrées sur le volant en cuir, la musique en fond sonore, il conduit sans réel but, se laisse happer par les envies qui tiraillent son échine. un coup à droite, un coup à gauche. il conduit juste pour se briser l'esprit, juste pour éviter de penser au pire. la fenêtre entrouverte et la cancéreuse au bout des lippes. il fume trop. l'une après l'autre sans le moindre répit. comme s'il essayait de s'enfumer de la vie. le goût amer en bouche, les intentions mise au placard et les ambitions qui dégueulent d'une carcasse trop endolorie pour survivre à cette journée vivace. la matinée, il l'a passé à sillonner la ville, à boire du café pour rester éveiller. des jours entiers, sans trouver le sommeil salvateur dont il a cruellement besoin. ça se lit sur son visage qu'il a pas dormi. les cernes perlent ses traits, entament de le consumer. il serait prêt à tomber s'il n'avait pas encore les obsessions discrètes et secrètes des nuits passées. des cauchemars qui marquent sa mémoire, l'empêche de rejoindre les bras de morphée.
des rêves utopiques,
brisés par le sang et les démarches non idylliques.
la route sinueuse qu'il prend. celle qu'il connait sur le bout des doigts pour l'avoir longtemps, et toujours, emprunter. la place de parking l'attend sagement et il s'y gare sans réellement en avoir envie. le closer lui ouvre les bras et il est partant pour rejoindre ses draps froissés. une sieste improvisée sur cette journée bien entamée avant que la soirée ne s'empare de son existence malmenée. il a besoin de sommeil. inévitable. surement qu'il se prendra un somnifère accompagné de sa liqueur préférée. le déchet de la société que t'es. épuisant. enivrant. ça dégueule des corps en décomposition dans le coin. de ceux qui n'ont déjà plus de toit depuis des décennies. la ruelle sombre, les flaques d'eau qui pourrissent sous ses pieds et la porte arrière du closer non loin. il jette le mégot fumant un peu plus loin, passe une main lasse dans sa tignasse à peine coiffée et fourre les deux dans les poches de son jean délavé. c'est avec les baskets usée qu'il pénètre l'antre malfamée, éteinte de tous les mépris qu'elle s'apprête bientôt à déverser. ça sent encore la nicotine, l'alcool et les libidos affamées. c'est lors de ces instants de silence qu'il apprécie le lieu. plus qu'à l'accoutumer. alors qu'il le déteste. de cet endroit que t'as jamais voulu. épine dans le pied. épine que ton frère t'a légué. le parquet, il le foule sans grande ambition, ne remarque pas la silhouette dénudée d'un amour passé. déchue par ses gestes viscérales d'une attention qu'il aurait aimer ne pas contempler. morgan relève les rétines lorsqu'il sent sa présence, stoppe ses pas tandis que sa bouche reste entrouverte sur une scène qu'il a contemplé mille fois. mais là, ce n'est pas pareil. il s'en sent presque gêné. des semaines, voir des mois, à s'éviter pour mieux s'oublier. le deal silencieux qu'ils ont signé. il se racle le fond de la gorge, détourne aussitôt les pupilles, la laissant revêtir le peignoir. elle cache son cuir et il n'arrive pas à lui en vouloir. comme s'il n'était plus qu'un inconnu de plus à son étendoir. salut. c'est vague et anodin. comme s'ils s'étaient jamais connus. alors que quelques brides d'instants plus tôt, ils se sont retrouvés de nombreuses fois dévêtus dans le même pieu, les mêmes draps froissés de leurs ébats passés.
ça te fiche un mal de ventre insupportable,
l'âme en naufrage.
morgan n'a même pas remarqué la musique en fond sonore, s'en est envié lorsqu'elle l'a coupé sans attendre. il a mit fin à ses intentions, a mit fin à tout ce qui les relié. ta faute. tu vois bien que tu fais le mal partout où tu passe. tu brise tout ce que tu touche sans état d'âme. les paroles sont décousues et n'ont pas vraiment de sens. des banalités qu'ils se sont mit maintenant à échanger, comme si rien n'avait compté. il ne peut pas lui en vouloir. il aurait surement fait la même chose si les rôles avaient été inverser. bien. sa voix s'évapore dans l'atmosphère. elle n'est plus qu'un murmure à peine inaudible. elle l'impressionne et ça lui semble stupide. un gamin devant une connerie qu'il peine à dissimuler. elle fait partit des filles biens. de celles qu'on se doit de protéger et de garder entre ses mains. d'empêcher que le monde n'heurte, ne brise son âme. garder les chimères éprises d'une intention douteuse. des gens comme toi. y a ses rétines qui cherchent un point d'accroche, évitant les siennes. ces deux billes pleines de jugement. morgan n'est pas prêt à lui faire face. ils se sont évités pour pas se blesser. et le destin joue encore de ses cartes pour les malmenés. ça va toi ? depuis la dernière fois. depuis que j'ai serré mes doigts contre toi. il ne sait pas par où commencer. aimerai juste que les choses redeviennent plus limpides. il a déjà tellement de mal à survivre. ses pupilles glissent des murs immaculés de mille et une tâche jusqu'aux yeux de piper, se pince les lèvres et n'ose même pas bouger. la distance qui les incombe. elle en a besoin. il ne bougera pas. tu sais, j'te force pas à rester ici si t'en as plus envie. après ce qu'il s'est passé, j'peux comprendre. et c'est la première qu'il l'évoque. comme un secret qu'il espérait bien garder mais qui le tue à petit feu. acculé et désorganisé.