tw : meurtre, vengeance.
-- Saint-Pétersbourg, october 2000 --
from blood and ash
we shall rise, father
bambin au visage ravagé qui se dénote dans cet amas de personnes aux traits tirés. silence morbide qui sied à la scène, à cette mise en scène pour dire adieu à cette femme.
sa mère. et seul son sanglot vient rompre le calme imposé par l’homme de caractère se tenant droit à ses côtés. émotivité commune aux enfants, Inessa n’arrive pas à ravaler ses émotions comme les autres têtes présentes à cette veillée mortuaire et ne comprend pas pourquoi elle est la seule à pleurer la douceur qui leur a été arraché de force. fleur qui a fini par faner dans les mains de l’ennemi, dommage collatéral d’un empire bâti par le sang et la cendre. ce dernier au revoir en compagnie du cercle restreint des Chernenko n’est pourtant qu’une réunion déguisée pour commencer l’élaboration d’une vengeance. et dans la foule de regards trahissant cette soif de représailles, un seul regard transmet la douleur de cette perte. «
-- Inessa » le chef parle enfin, brise le silence. prénom soufflé comme réprimande, traduisant son irritabilité. roi qui s’incline, laisse son genou fléchir pour faire face à sa princesse. «
-- you can feel whatever you want here » doigt qui transperce presque le thorax enfantin, pointant vulgairement le myocarde fracturé. «
-- but here… » le doigt accusateur se déplace pour désigner son visage déformé par les larmes «
-- you can’t show anything. it will give people weapons against you. they must not read what you feel. understood ? so put on a brave face and be as cold as a russian winter » et la gamine boit ses paroles comme si un évangile venait de les prononcer. «
-- yes father. i'll make you proud. » déclic, interrupteur qui s’éteint, peine remplacée par
l’indifférence.
that day, she turned into the russian snow;
beautiful to look at
but too cold to touch. -- Saint-Pétersbourg, december 2005 –
delay in vengeance
gives a heavier blow
«
-- I have a birthday gift for you, princess » sol qui se dérobe presque face à la vitesse à laquelle elle se relève, le rictus amusé prend d’assaut les lèvres meurtries par le vent pétulant d’une Russie austère. « --
is it the new Dior bag I wanted ? if not, i don’t want it. » dédain secouant les traits changeants d’Inessa, l’enfance a laissé place à l’adolescence, alternant le visage enfantin pour laisser place à un profil plus létal. beauté qui ne demande qu’à éclore afin de devenir une arme de destruction, un piège funeste. «
-- even better. come, follow me » contact qui n’est pas coutume, main qui se glisse maladroitement dans la sienne, geste qui provoque un mutisme inattendu. confiance pourtant aveugle, vie confiée à cet homme aux morales questionnées. elle le suit, devient son ombre, se fond dans la noirceur de son âme. les escaliers sont dévalés, passage étriqué menant au sous-sol qui lui a toujours été interdit. secrets de l’empire familial enfermés dans cet endroit mystifié au fil des années. la question lui brûlant la gorge se perd dans un tourbillon de pensées lorsqu’un gémissement douloureux émane au loin. à mesure qu’ils approchent, l’excitation de son père augmente. la porte est ouverte à la volée, l’odeur métallique s’infiltre dans ses narines. vision cauchemardesque ; semblant d’homme prisonnier des chaînes lacérant ses poignets, le corps latent flottant vulgairement dans les airs, le visage tuméfié le rendant méconnaissable. «
say hello to Ivan, princess. your mother’s killer » une fureur inconnue mais dévastatrice vient alors faire trembler le corps de la gamine de 14 ans, spasmes qu’elle tente de brider. «
are you sure it’s him ? » le ton dénué d’émotions, froideur marquant à présent son faciès. jeu de regards, céruléennes qui se posent sur le visage approbateur du paternel avant de se glisser sur la table recouverte des objets de tortures déjà usés. fêlure de l’âme qui pousse la folie à sortir, à souiller le dernier fragment enfantin résidant en elle. violence dont elle a souvent été spectatrice, la voilà qui devient actrice dans ce royaume qui lui a toujours été destiné. «
you killed my mother » langue venimeuse qui claque, l’ouragan menace alors que les doigts glissent sur la table en fer, saisissant le poignard. innocence qui s’envole totalement, héritière qui embrase son destin et succombe aux pulsions transmises par le sang maudit. le premier coup s’abat, en plein dans le cœur. un cri déchire l’air. c’est le sien. elle se perd dans sa tourmente, laisse de côté son humanité pour nourrir sa soif de sang. deux coups, puis le troisième. ça ne finit plus. liquide carmin qui coule sur ses mains, marque ses vêtements. «
you killed her » répété comme un cantique, une prière. deux bras s’enroulent autour d’elle pour la forcer à se calmer, à apaiser le feu faisant ravage. «
he’s gone princess. »
monster in the making-- Moscou, july 2012 --
dealing in her own way
with Gucci boots and Prada shoes
«
leave the bags over there » nombre ridicule de sacs qui s’amoncellent dans le coin de la pièce, révélant aux spectateurs son côté matérialiste exagéré. shopping therapy, l’argent dépense sans compter mais qui inflige à peine une brèche à son compte en banque. opulence excessive et abusive. héritière tombée dans les stéréotypes, devenue cette gamine dépensière pour endormir le feu lui brûlant les entrailles, pour effacer les envies sanguines la consumant. semblant de vie normal trouvé dans ses escapades shopping, elle se voile la face derrière ses nouvelles lunettes Chanel. tentation d’éviter l’inévitable, de fuir le monstre qu’elle est destinée à devenir. superficialité mise en jeu, masque mis en place pour tromper chaque homme posant son regard sur elle. paradigme de la trophy wife par excellence, convaincue qu’elle finira par parader au bras d’un mari lui offrant monts et merveilles. «
we need to talk, Inessa » voix mortel qui s’élève à ses côtés, présence étouffante qui se fait sentir. un père qui s’est éloigné au gré du temps, qui a contribué à cet engourdissement du palpitant fêlé. «
father » froideur offerte, visage qui se ferme pour ne rien laisser transparaître, comme il lui a si bien appris. «
I’m putting an end to all this. You’re going to New York to work with Zdravko. Go earn your own money, I froze your accounts. Learn from him, become someone I can be proud off because one day, my empire will be yours. and I need to make sure you’ll be worthy of it. » confession qui laisse planer un silence étouffant, colère qui commence à s’élever dans les airs. mais la princesse ne montre rien, plisse simplement les yeux pour comprendre sa tirade. le nom familier de l’ami paternel qui tourne en boucle dans sa tête, faciès qui se dessine sous ses paupières. habitude que de lui refourguer son enfant, apparemment. partie de son enfance passée à ses côtés tandis que son père traquait désespérément le tueur de sa mère. visite qui ne sera pas de courtoisie cette fois-ci. «
you’ll regret this » seule parole prononcée par l’aphrodite énervée. talons qui claquent, dos qu’elle lui offre comme signe de mécontentement. et pourtant, elle obéit, préparant la valise qui la mènera à l’opposé du globe pour rejoindre celui qui devra la former.
the regret never came
she must admit
it was the best decision ever -- New York, today --
for her king
she’s capable of anything
le bruit des talons résonne comme une sentence irrévocable, l’asphalte s’écrase sous le poids de sa détermination. l’odeur du sel marin vient se mélanger à celle âcre de la pisse, signe de la terreur répandue dans l’endroit. hangar abandonné, utilisé comme couverture de crimes, Inessa s’y mouve agilement, connaissant chaque recoin. sa place, son domaine. elle ne rechigne par au côté plus sale du boulot, cela permet d’assouvir l’monstre affamé en elle. «
well, well, Mr. Leitz, you’ve been a naughty boy » voix tranchante qui condamne l’homme prisonnier de la chaise en fer. le corps est souillé par ses propres déjections, la vue est pitoyable mais c’est le signe d’un sage qui connaît à présent sa destinée. «
please. it was one mistake » excuses désespérés pour ne pas rencontrer le spectre de la mort. rire assassin qui échappe ses lèvres carminées. la raison n’est plus, la folie prend le dessus. femme qui se transforme quand ça le concerne
lui. son roi, son maître, son salut. celui qui s’est glissé en elle pour la marquer au fer rouge, emprise qui fait ressortir les pulsions sanguines. «
you should know that no one can cross Zdravko Mandadzhiev without paying the price » promesse silencieuse de la torture à venir. il y a cette envie, ce besoin de venger cet homme mystifié qui la possède tout entière, de lui prouver encore une fois qu’elle est capable du pire pour l’honorer. lionne aux griffes acérées, elle succombe à la frénésie meurtrière comme à chaque fois qu’il est concerné. obsession destructrice, il la mènera à sa perte. «
but don’t worry, I feel generous today so it won’t be long » coup de tête en direction d’un de ses hommes, le poignard qu’on dépose dans la paume de sa main. arme de prédilection, elle laisse la lame glisser le long du visage déformé par la peur, savourant le liquide métallique coulant sur ses mains. et tout ce qu’elle image tandis que la vie quitte le corps du traîte, ce sont ses caresses sur sa peau, ses lèvres qui s’activent avec les siennes ; récompense pour cet honneur sauvé.
blood on her hand,
the sign of love.