rouge vif (freddie)

insatiable. freddie, d'aussi loin qu'il s'en souvienne, il en a toujours voulu plus. gosse, il voulait toujours plus de réponses à ses questions. il voulait toujours courir plus vite que les autres gamins, sauter plus haut que les autres gamins. vivre plus vite, plus fort. freddie, il a jamais su s'arrêter d'en vouloir plus. il a jamais su s'arrêter tout court. toujours en mouvement, toujours à manigancer le coup suivant. il fallait que ce soit toujours plus grand et plus fort que le précédent. il a fini par lasser ses profs, inquiéter ses parents et alarmer les professionnels de santé. hyperactivité impulsive qu'on lui a décelé. on lui a administré un traitement qui a agi, un temps. jusqu'à ce qu'il arrête de le prendre et que ses parents arrêtent de se battre pour qu'il s'y plie. freddie, c'est la fureur de vivre qui l'anime. rouge vif freddie, il lui arrive de voir rouge. et quand il voit rouge, toutes les autres couleurs disparaissent au profit de ces teintes assassines et meurtrières qui dansent devant ses yeux. ça arrive vite et ça repart vite. ça le prend aux tripes et le laisse fébrile. ça laisse des traces. sur les autres, sur ses phalanges. sur sa belle gueule de gendre modèle. ça lui vaut un paquet de problèmes. depuis longtemps et sans doute pour très longtemps encore. c'est pas comme s'il cherchait à gérer les débordements, à réguler sa colère. non, il la laisse jaillir quand elle le souhaite. il laisse ses entrailles gronder, son esprit se vider, ses muscles se tendre. le silence se fait, juste avant le néant. le chaos prend ses droits et étend son règne l'espace d'un instant de félicité. puis le venin se déverse, de son rictus à ses poings. médiocrité sa famille, la tragédie de sa vie. si seulement il pouvait se targuer d'une enfance difficile, de géniteurs absents ou violents. mais non, rien de tout ça. son enfance a été terriblement banale. on se demande comment une famille de la classe moyenne a pu faire naître un tel monstre d'arrogance et d'envie. ses parents ont toujours essayé de répondre à ses besoins, se soumettant à ses caprices, l'échine ployée sous les assauts acides de freddie. chacun réagissant à son caractère, ses crises et sa cruauté à sa façon. son père, renfermé derrière ses soupirs, sa mère et ses yeux embués par la tristesse. freddie ne savait pas comment les aimer sans les respecter. aucune envie ne trahissait leur quotidien, des automates vides d'ambition et de passion, vivant la vie comme on attend un train. sur le quai. freddie est dur en amour, intransigeant. il ne comprend pas qu'on puisse rester sur le bas côté alors que tout va si vite pour le reste du monde. alors ses parents ont abandonné. ils ont eu deux autres enfants, moins compliqués, bien plus doux. deux filles dont les yeux clairs ne cachaient pas de nuage, dont la violence n'habitait pas le sourire. et l'ironie amère est que freddie donnerait sa vie pour ses deux paires d'opale. murs. un débordement de trop qui l'a envoyé en centre pour mineurs. une mise au vert qu'ils ont dit, l'occasion de faire le point, de prendre du recul. pourtant, enfermé entre quatre murs, la colère n'a pas cessé de gronder. l'envie n'a pas cessé de faire croître son nid. elles ont juste appris à mieux se cacher. derrière des sourires de façade, derrière une voix suave et des intonations doucereuses. la lueur dans ses yeux s'est faite sage pour l'administration, les paroles se sont faites éloquentes. quelle leçon de vie pour freddie, la meilleure sans doute. il a appris à dire ce que les autres voulaient entendre, à montrer ce qu'ils voulaient voir. son venin se fit miel, ses victimes l'avalant goulument, se délectant de son nectar insidieux. le vice était né, longue vie au vice ! pirate. freddie flynn, pirate en informations. receleurs de secrets. monnayeur de bons plans. ça a commencé par des échanges de services, de tuyaux. et aujourd'hui, rien ne se passe dans le queens sans qu'il ne soit au courant, sans que sa patte ne traîne dans les parages. ses services sont offerts à tous, l'offre ne semblant pas connaître de limites. de la maison close au cambriolage, des transactions du quartier aux expéditions de substances, des fétiches des chefs d'entreprise à la corruption des politiques. tout se vend, moyennant le bon prix et le bon acheteur. son influence se déploie, tentaculaire, dans une ville aussi insatiable que lui. et il en veut plus. il veut qu'on le confonde avec les grands de ce monde. freddie veut s'extirper des ombres, prendre sa juste place dans la lumière. quitte à se brûler les ailes, quitte à être trop gourmand. les yeux plus gros que le ventre de new-york. vice versa. l'ivresse de pouvoir, voilà ce qui le fait tripper jusqu'à l'excès. savoir qu'il peut. des délires de grandeur qui lui font perdre la tête, qui lui font presque perdre pied avec la réalité. il a trop peur de l'ennui, du silence et de l'entre-deux freddie. il ne sait pas s'arrêter, il n'est heureux que dans la frénésie de la vie. le silence réveille le monstre dans ses entrailles, le forçant à se mordre la langue jusqu'au sang pour ne pas s'enfoncer. il se transforme sous les assauts de son envie, de la rage qui anime ses désirs. le minois s'assombrit et freddie se transforme. tel un prédateur flairant une piste de sang, il traque sans relâche. les sens aiguisés, concentré. impitoyable. ombre. il flirte avec l'illégalité freddie, en équilibre instable sur les zones d'ombres. la ligne rouge est son chemin de vie. il s'assure pourtant de ne pas laisser de traces derrière lui, s'assure de ne jamais trop se salir les mains. avec le temps il est devenu fort pour évaluer le risque utile, pour éviter les dangers et sacrifier certains pions, lorsqu'il le faut, à sa muse.  lumière. il vit dans l'ombre et rêve de lumière. rêve de trouver un jour sa place, que celle-ci lui fasse oublier le creux dans son estomac, celui qui lui dit qu'il n'est toujours pas satisfait, que son insignifiance est risible. existe-t'elle cette place ? rien n'est moins sûr. il l'appelle dans son sommeil parfois, imagine un halo qui les réchaufferait, lui et son intérieur plein d'ombres. il se demande si ça ne sera pas trop tard lorsqu'il l'aura trouvé. s'il restera quelque chose de lui ou s'il aura disparu derrière la noirceur de ses pensées. forteresse. barricadé dans un monde de sa création, dans un quotidien de toutes pièces fabriquées, freddie se complait dans sa solitude. façade avenante et charmante, coulisses sombres et inhospitalières. peu de personnes trouvent leur place dans ces régions viciées. faut dire qu'il exigeant freddie. il attend beaucoup du monde, et encore plus des gens qui l'entoure. il ne supporte pas l'apathie, ne tolèrent pas les phrases qui sonnent creux. il est capable de supporter l'absurdité pour assouvir son ambition, mais celle-ci n'a pas de place dans son intimité. il attend beaucoup freddie, et rend peu. ses expectatives sont tyranniques, dictant d'une poigne de fer ses relations. il jette freddie. les personnes jugées médiocres, les abandonne sans autre expression qu'un rictus de dégoût sur les lèvres. pourtant, sa loyauté, elle, est indéfectible. comme un sceau incandescent brûlé sur le socle de ses amitiés. liberté il ne sait pas à quoi elle ressemble la liberté, freddie. prisonnier de ses ambitions et de ses envies. esclave de la faim cruelle qui l'anime, pantin de ses désirs. freddie, c'est son propre ennemi. l'usure le guette, le risque de trop aussi.