moonage daydream (sahel)

traits de caractère / les mots claquant de cet accent prononcé, il n’est encore qu’un gamin à l’avide ambition. elle le consume, lui brûle l’être à petit feu alors qu’il semble enfin avoir trouvé sa place, sa vocation. et malgré cet aspect discret et énigmatique, il ferait tout pour réussir. fougueux de cet âge encore candide et pourtant si aguerri. le mental est tout ce qui compte. c’est ce qui lui permet de vivre cette vie à l’allure fulgurante. il s’éparpille, scintille de son talent atypique et de cette passion parfois envahissante. la curiosité et la rêverie font de lui celui qu’il est à présent, cet homme aux milles facettes, prêt à vivre une existence hors du commun, pleine de rebondissements et de spontanéité. mais ce qui pays, c’est sa loyauté. fidèle à tous, son honnêteté n’est jamais remise en jeu. elle est bien difficile à gagner, à apprivoiser mais personne n’ose douter de lui par la suite. impliqué, dynamique et acharné, il ne s’arrête jamais. et malgré ça, il y a cette petite prétention qui se perd à travers ce caractère irréel : bien qu’il soit humble la plupart du temps, son travail le rend parfois plus orgueilleux, trop sûr de lui. mais sa patience détonne et impressionne. lunaire ou solaire, l’hésitation n’est pas rare.

for everything dies, so does memory
s’il y a un jour eu un modèle de famille parfaite, Sahel est incapable de s’en souvenir. sous tous ces souvenirs heureux que sa mère tentent de perpétuer se cache un départ inattendu. jour funeste qui a fait de leur vie cette misère ambulante. Hagaza n’était qu’un petit village. les emplois n’y étaient pas nombreux et il n’y avait que peu de modestie : lorsque les richesses commençaient à s’amasser, alors on déménageait à Luxor et lorsque le capital s’appauvrissait, alors on s’embourbait dans les vestiges du village, ne devenant que simple décor de cet héritage égyptien. aux allures d’artefact humain. alors il s’en est inspiré, de cet univers, de cette poésie authentique et fulgurante dont regorgeait le village. les matières premières sont devenues son monde, cette pièce manquante à ce trou béant qui ne cessait de s’agrandir au fil des années. les anciens lui ont beaucoup appris. en fait, ils lui ont tout appris : la manière de tenir ses outils, l’endroit où il devait taper afin d’obtenir le résultat escompté. tout se devait d’être calculé, d’être aussi précis que minutieux. le hasard n’avait pas sa place et c’est sûrement ça, qui lui a plus, après tout. le contrôle de la pierre. le fait de savoir que sans cette maîtrise extrême, alors rien ne survivrait. et puis le village s’est transformé. musée à ciel ouvert. entre les vestiges et les cultures du jeune Sahel, Hagaza est devenu cette galerie à l’authenticité implacable. une grisaille permanente devenue pure, aussi limpide que le Nil. et on a commencé à le reconnaitre de par ce talent naissant, grandissant au fil des jours. et malgré tout, la misère dans laquelle ils vivaient s’empara d’eux. une mère exténuée, au bord de la perdition, des abysses et quatre frères et soeurs qui ne demandaient qu’à être aimés. elle la cachait, cette détresse invisible. bien cachée au fond d’elle, la force et la détermination ne laissaient aucune place à cette vulnérabilité qui l’emporterait définitivement. et puis la révolution fit rage. alors que le pays se déchirait, accumulait les blessés tout autant que l’instabilité, on appela ça le printemps égyptien. un nom aux sonorités douces et chantantes pour une période sombre. elle s’engagea. pour elle. pour ses enfants. pour un avenir plus brillant, un peu plus scintillant, même. mais lorsqu’elle prit le chemin du Caire, capitale ravagée, elle ne retrouva plus le chemin vers Hagaza. emportée par ce gouvernement indigeste, par cet espoir qui ne cessait d’accroître en elle.


sun may shine
et puis ce fut à son tour. à son tour d’assurer cette figure parentale, à son tour d’assumer toute cette charge émotionnelle d’élever quatre enfants. ils étaient jeunes. tous. il n’aurait jamais dû avoir un tel rôle, jamais dû mettre sa vie de côté autant que son talent. mais celui-ci les sauvèrent. dans un quotidien à peine reconnaissable, il s’octroya ce simple plaisir qu’était la sculpture. la glaise sous ses doigts glissant et se structurant à chaque coup. la pierre tombant au ciel à chaque coup de marteau, dessinant un peu plus son Destin à mesure de son travail. il les vendu. une à une. pour sa famille. pour ses frères et soeurs. sur les marchés de Louxor, ses sculptures en vitrine, amassées les unes aux autres, marchandant le moindre centime. et puis il y resta un peu plus chaque jour. discutant avec ces passionnés d’art, apprenant de nouvelles techniques, lisant ces livres qu’on lui prêtait, découvrant tous ces artistes dont il n’avait encore jamais entendu parler. Michel Ange, Auguste Rodin, Louise Bourgeois, Alberto Giacometti. et Camille Claudel. ah Claudel. elle l’envouta. son âme tout entière lui fut dédié. elle se l’accapara, l’aspira même. et il reproduisit ses oeuvres, une à une, comme pour parfaire son talent, son génie. tout y était. chaque détail fut recopié. maîtresse d’une autre époque, d’une passion partagée. il ne pensait qu’à elle. et cela ne passa pas inaperçu. on dit souvent que le Destin ne fait pas les choses à moitié, que tout est voué à un sens, qu’il soit positif ou négatif. alors c’est là qu’il la rencontra. celle qu’on appelait Monet. rencontre hasardeuse ou non, elle lui fut fortuite. cette femme à la présence déconcertante mais qui a su l’apprivoiser, l’attirer dans ses filets. et son talent fut utilisé pour une cause qu’il n’aurait certainement jamais envisagé auparavant mais qui lui sembla primordiale. son talent allait enfin être reconnu et il pourrait aider les siens. le Dark Mist. ils ne les connaissaient pas et pourtant, ils devinrent une seconde famille. une famille qui apprit à le connaître, à découvrir toutes ces envies qui se dessinaient derrière cette humilité écrasante. sa douceur contrasta avec eux, avec l’activité illégale qu’il occupait à présent mais il avait la niaque. d’aider les siens, de les sortir de ce gouffre insoutenable mais surtout, de réussir. de pouvoir vivre de ce talent singulier. alors il les suivit. dans tous les projets, il s’exécutait comme si sa vie en dépendait. et puis vint ce jour où les affaires s’étendirent plus loin. en dehors de l’Egypte, plus loin que l’Europe où ses oeuvres étaient envoyées. toujours plus loin. les Etats-Unis. ce pays monstre, carrefour de tout trafic.


just right now it won't rise
devant lui s’ouvrait les portes d’une des plus grandes puissances au monde : les Etats-Unis. pays éveillant une avidité monstre, une ambition flamboyante et une détermination enragée. un pays dont il ne connaissait rien, ni la langue, ni la culture. c’était comme repartir à zéro ; ne connaître personne, ne pas comprendre. tout lui semblait su abrupt, artificiel. et pourtant, seul, il ne l’était plus. rester à Hagaza n’était en rien une perspective fiable. ses frères et soeurs avaient été confiés à une tante éloignée avec la promesse, d’un jour, les faire venir et de leur faire découvrir une autre partie du monde. c’est à New York, dans le Queens, qu’il déposa ses bagages, aussi maigres soient-ils. les membres du Dark Mist sont les seuls à savoir où il se trouve. prévoyant, sa famille ignore où il s’est envolé, pour leur bien, sûrement. bien que l’envie de s’évader, de pouvoir s’offrir une nouvelle vie accroît en lui comme un désir encore inassouvi. et même si l’illégalité résonne tout autour de lui, il ne s’est sans doute jamais senti aussi libre. sans papier et sans regret, son dévouement quand à sa deuxième famille est déconcertante. entre l’arabe et l’anglais, il manie aussi bien les langues que l’art de la glaise. c’est étonnant et pourtant, sa discrétion lui permet de ne pas éveiller les soupçons sur sa situation. pays des terres promises et des rêves, il se perd à force d’y croire, à imaginer la croissance de l’entreprise, à en oublier cette enfance trouble et misérable. il y voit cette lumière planer au dessus de leurs êtes, les guidant vers le succès. l’organisation lui permettant de s’approprier un peu plus les oeuvres classiques qu’il chérit tant, indispensable à leurs affaires. délicatesse d’être et tumultueux avenir n’espèrent que se confondre pour ne faire ressortir que le meilleur. prêt à faire briller son travail comme jamais avant, à vivre cette reconnaissance internationale. Sahel prince de l’argile et de la glaise.