unillusion (nana)

march 2019 journée qui s'faisait, ponctuée de rendez-vous, de réunions et de coups d'fil en tout genre. finalisant des réceptions, en entamant d'autres et peaufinant des détails à importance variable ici et là. t'étais l'homme de la situation kemen. celui dont on venait constamment s'assurer le soutien et l'approbation, celui dont l'avis comptait. t'étais surtout l'homme qui donnait sa chance. celui qui tendait la main à ceux que tout autre employeur aurait recalé. t'étais porteur d'espoir, toujours prêt à offrir une échappatoire. et c'était cette casquette-là qu'tu chérissais plus ardemment. journée qui touchait à sa fin, quand tu voyais tes collaborateurs s'éclipser à tour de rôle de vos bureaux. bientôt, ne resterait plus qu'ta carcasse athlétique pour débuter la nuit.
messages après messages, t'avais bombardé. ta patience mise à rude épreuve. tes nerfs en rogne passés sous silence, grâce à ton self-control. t'avais bombardé pour n'obtenir qu'un rien, parfois un presque rien. et la responsable de tes humeurs n'était autre que nana. la jeune femme qui t'avait destitué d'tes ailes d'ange gardien. pas la moindre nouvelle n'avait filtré depuis des jours. et c'est parce que tu la savais instable, majoritairement entre deux humeurs et une dizaine de sentiments, qu'tu t'inquiétais autant. impliqué par choix dans les déboires qui avaient jalonné son parcours et dont tu t'étais fait l'confident discret. le contrat qui traînait à l'angle d'une table, tu l'remets à plus tard. tes priorités étant déjà ailleurs. à dix bornes d'ici, dans l'ombre d'sa vie. t'es pas du genre à t'imposer kemen, encore moins à forcer. tu t'retireras si c'était ce qu'elle avait décidé. tu voulais juste t'assurer qu'elle allait bien. où qu'elle soit et quoiqu'elle fasse. t'avais besoin d'voir qu'elle continuait d'exister quelque part, même si elle boudait ta présence. même si t'étais persona non grata dans l'chaos d'son existence.
la distance vous séparant est avalée vitesse grand v. la route est taillée, l'esprit embrouillé. et quand tu freines en bas d'chez elle, grimpant les escaliers jusqu'à son étage, tu pourrais presque trembler. à l'idée de n'pas la trouver, à l'idée d'être rejeté. pourtant, tu gardes ton calme. celui que l'on te connaît. tu mises sur ta capacité à contrôler c'qui t'secouait les entrailles sans qu'personne n'puisse jamais l'deviner. et tu toques. un coup, puis deux. te promettant que si elle se révélait fantôme, tu t'servirais d'un d'ses voisins en guise de pigeon voyageur. le battant grince et s'efface pour dévoiler la silhouette d'la poupée. t'es presque trop heureux d'la savoir en sécurité. beaucoup moins d'la voir s'isoler. parce qu'elle était là l'unique raison qui la forçait à négliger tes mains tendues. tu répondais pas. et quand tu l'faisais, c'était comme si tu l'faisais pas. le reproche est banni d'tes mots, y préférant la justification d'ta présence sur son territoire. tu veux pas empiéter sur ce qu'elle se donne tant de mal à camoufler, tu veux lui prouver que t'es là, comme tu l'avais toujours été. et que si ce n'était pas ce soir, demain tu l'attendrais encore. tu m'laisses entrer ? tu m'laisses pénétrer ton cercle si fermé ? tu m'laisses envahir ton espace pour y parsemer les notes de ma sollicitude et de mon attention ? tu veux être à côté d'elle kemen. qu'elle pleure, qu'elle crie, qu'elle se débatte ou qu'elle se taise. t'épongeras tout ce, qu'avec toi, elle voudra partager.

march 2019 il n’y a pas plus douloureuse prière que celle des jours sans fin. ces mêmes journées aux rythmes lents évoquant ces souvenirs d’antan. de manière cyclique, nana devient plus sauvage que jamais lorsqu’arrive cette date fatidique. le 16 du mois de mars, l’hiver semble s’éloigner alors que le froid veut rester, déchaîner un peu plus son dernier souffle pour l’emporter vers cette montagne de sentiments à gravir. l’air frais ne semble pas la réveiller, ni même le bruit extérieur de la ville en ébullition. a croire que tout le monde prépare déjà le printemps. comme chaque année, dès l’éclosion des premiers fleurs, son mal s’en ira pour donner place à la guérison-placebo. ses problèmes sont restés les mêmes malgré le temps passé, nana n’a plus dévoré la vie plus de 6 mois d’affilé, encore bloquée par des démons enfouis. aujourd’hui plus qu’un autre, sa réalité est plus sombre que jamais. ces souvenirs là font divaguer, espérer une vie parallèle dans laquelle rien ne se serait passé, le pardon en arme de pointe. a cette heure, l’avenir est encore incertain, bien loin de tout ce qu’elle avait imaginé plus jeune.
pas d’idées noires, juste l’indélicatesse de la solitude qu’elle envenime chaque jour où elle impose le silence à son entourage. et pour certains éléments humains gravitant autour d’elle, rien n’est plus normal que de la voir disparaître. ils ont appris, laissé faire l’étrange jeune femme aux coutumes d’un autre monde pour mieux, ils le savent, la voir revenir.
mais le doute subsiste pour certains. elle sent l’image que ce comportement renvoi et dans ce monde en perpétuel agissement, rien n’est plus déroutant qu’un vide soudain dans l’espace-temps et cette perte impact sans le vouloir un maillon de sa chaîne.
ce soir, elle n’ira pas travailler car elle en est bien incapable. préférant chercher du réconfort auprès du cocon minuscule dans lequel le peu d’affaires s’entassent aléatoirement. des bougies, de l’eau pour seul aliment et ce jeûne décidé trop rapidement pour être géré convenablement, elle a l’impression de retrouver corps avec elle-même. ces rituels étranges sont remixés, légendes urbaines dont ses ancêtres propageaient les bienfaits lors de ces soirées de doutes intenses.
dans ces moments, elle hésite à rentrer chez elle, se sachant la bienvenue à tout moment. mais l’impression d’échec opère en elle l’effet complexe de la trahison à venir, peut-être même une mort imminente pour celui pour qui elle tente de ne pas se noyer depuis toujours. de la, les idées s’amoncellent, débordent de son esprit fatigué sans qu’elle ne puisse trouver remède. ces longues minutes d’agonies lui font perdre cette réalité à laquelle les autres savent s’accrocher. nana respire, inspire profondément en fermant les yeux pour s’éloigner de cette douleur qui ne la quitte. quand soudain le bruit du bois résonne derrière sa porte d’entrée. quelques mètres et sa main ouvre celle-ci sans méfiance, naturellement éprise par d’autres pensées, la jeune femme se retrouve surprise par la présence d’un visage familier. kemen. sa carrure et sa volonté, devant les grilles du seul silence accordé par la belle.
est-elle étonnée ? oui. mais à bien y réfléchir, à force de lire entre les lignes, cette action chevaleresque lui sied à la perfection.
alors, nana finit par sourire en remettant lentement un pied sur terre métaphoriquement. encore déboussolée, ses mots tardent, elle se retourne dos à dos en retournant vers son canapé. la réponse est positive de ce fait étrange, tant qu’elle ne le pousse pas à sortir, puisse t’il considérer l’acte comme l’invitation cherchée.  j’étais un peu occupée. a rien vraisemblablement, tout est discutable. nana ne sait pas si des excuses sont de mises, complètement perdue face aux codes sociales adéquates, égoïstement obnubilée par ses propres regrets. tu t’ennuyais ? pour venir me voir, il n’y avait que cette raison. toi qui est toujours absorbé par de multiples taches, ne devaient pas crouler sous les demandes pour ainsi venir perdre ton temps dans le queens.

march 2019 dame inquiétude s'fait compagne forcée. celle qui t'enlace d'ses grands bras trop froids. dame inquiétude malmène tes tripes autant qu'tes pensées qui chavirent sous l'joug d'un trop plein d'émotions en pagaille. ta concentration est réduite à néant quand ton esprit est ailleurs. t'es là sans être là kemen. et ça fait quelques jours qu'ça dure, qu'tu vogues entre deux eaux troubles, à températures contrastées. déjà trop longtemps pour un homme aussi professionnel que toi. pour un homme à responsabilités qui savait ordinairement hiérarchiser ses priorités. tu t'détestes d'en faire pâtir ta boîte, tu t'détestes d'en faire pâtir tes collègues et d'faillir à tes engagements. mais cette grandeur d'âme avait toujours fait partie intégrante de toi. et on t'prenait avec tes qualités et tes défauts, ou bien on s'passait de toi. la place est vacante, d'sa présence. pour une raison qu'elle taisait, pour une raison qui t'échappait. et quand elle animait ses silences, ils étaient comme vides de sens. déconnectés, non-habités, un poil figés. t'aimes pas cette sensation d'être à des années lumière d'sa vie, t'aimes pas la savoir seule et perdue dans l'oubli. et là où elle occulte, toi tu t'souviens trop bien du chemin jusqu'à elle.
sa porte, dernier rempart vous séparant encore, cède plus vite qu'tu ne l'aurais imaginé. fondant sous l'assaut d'ton poing signifiant ta présence. redessiner avec tant d'précision les contours d'son visage te rassure plus que d'raison. légère illusion quand tu captes finalement qu'tu n'as pas lu c'que t'aurais dû y déceler. t'es là maintenant kemen, pourtant t'attends qu'elle expie son accord, qu'elle t'autorise à chambouler son décor. y'a qu'son sourire qui t'percutes. étirement des lippes qu'tu mimes. revigoré d'une si mince marque d'affection, d'un semblant d'émotion papillon. et tu la regardes retourner s'cloîtrer dans son antre. tu prends possession des lieux à ton tour, avant d'refermer sur ton passage. et d'avec elle te terrer. j'étais un peu occupée. elle fuit nana, élude à la perfection dans un ton qui tromperait tout l'monde sauf toi. j'savais pas qu'ton appart te prenait autant d'temps. il ne s'agissait que d'ça, pas vrai nana ? ta main à couper qu'elle n'avait pas bougé d'là. entre ses murs où il n'y avait rien à voir, rien à espérer d'autre que stagner dans un passé qui l'anéantissait. tu t'ennuyais ? il m'manquait une employée. qu'tu filtres dans un haussement d'épaules. la distance qu'tu mets délibérément, pour mesurer l'état des coeurs amochés sur l'champ de bataille. puis bêtise faîte, tu t'avances jusqu'à son canapé où tu prends tes quartiers. d'elle tu t'es approchée, pour forcer l'contact. sur ton visage aux airs radoucis, en guise d'excuses aux premiers mots prononcés. avant qu'tu demandes, j'ai pas soif. c'est ta main qui l’attrape pour l'attirer près d'toi. pour l'avoir à côté d'toi et lui passer l'envie d'à nouveau, filer à l'anglaise. et tu la fixes la poupée, tu la sondes. tu refuses qu'ses émois t'échappent encore une fois. tu vas m'dire ce qui va pas maintenant. la vraie raison. tu t'sens obligé d'préciser. d'lui rappeler qu'avec toi, elle n'pouvait pas tricher.

march 2019en qui crois-tu kemen ?
comprendrais-tu seulement que nos esprits ne se sont jamais trouvés au même endroit ?
chez moi, l’étendu est trop vaste pour ne pas chavirer au moindre impact.
tes épaules sont solides kemen, droites et fiers de ton allure hédoniste, tes pieds bien ancrés au sol et la tête dans la réalité du jour. penses-tu pouvoir entendre les maux intérieurs sans rendre tout cela trop réel ?
donner la vie. la perdre en retour. mais dans le tourment qu’est le destin, y’a t-il un chemin plus rapide vers la résurrection ? vivre avec des regrets toute sa vie, regarder le temps passer à vitesse accéléré. voir flou.imaginer, rêver. et laisser filer les jours avec pour seul but d’apaiser le passé. nana, forte par l’attitude et pourtant si fragile en son sein, ce soir, ne montre que la partie désarmée face à son antithèse. il est déterminé, ses yeux ont l’audace des soirs romanesques, ces soirs ou la vérité recherchée ne sera que l’unique excuse. c’est pour cette raison qu’elle n’opère aucune résistance à cette entrée. son antre ainsi dévoilée, reflet parfait du bordel inspiré par ses songes, est un livre ouvert pour son invité et malgré quelques phrases maladroites lancées sans concordances, nana respire. un des nuages noirs traversant son esprit s’évapore sous l’intelligente réponse de l’autre. j'savais pas qu'ton appart te prenait autant d’temps. est-ce que l’orage gronde dans ses mots ? nana se retourne, jauge sur le visage de kemen des signaux négatifs. serait-elle finalement prise dans un piège mécanique avec menace à la clef ? ce n’est pas pour le moment l’impression qu’il renvoie, mais ses sens restent en alerte. après tout, son droit est légitime. il m'manquait une employée. touché.
nana tourne la tête, croise les bras contre sa poitrine tel l’enfant sauvage au mode de défense instantané. et avant qu’elle ne puisse se retourner et replonger son corps lasse sur le canapé, nana sent cette force contraire attraper son bras. translation inverse, quelques pas forcés et son parfum évoque déjà l’ivresse. d’instinct, ses sourcils se froncent dans l’insoumission. elle a confiance en lui, mais dans ces moments d’introspections, les marques d’attention lui sont sommaires. pourtant, nana lâche prise et inspire profondément. tu vas m'dire ce qui va pas maintenant. la vraie raison. il sait ce qu’il veut kemen alors qu’elle se déconcentre d’un rien. n’allait pas même penser à lui proposer un verre quand la politesse serait de mise. cette situation inopinée la préoccupe, à se demander quelle est la meilleure réponse à lui apporter. elle qui ne supporte pas le mensonge, se laisse traverser l’esprit par des ritournelles, mais la détermination de l’homme est bien plus imposante que cette supercherie qu’il verrait à dix kilomètres. ma faille est là kemen, devant tes yeux et ta curiosité déjà bien amènent de voir ces démons toujours trop présents. souffle-t-elle. as-tu si faim pour vouloir entendre l’histoire à nouveau ? ça lui crèverait le coeur de réexpliquer ses maux et dans sa gorge gronde la douleur jamais dérobée. je ne veux pas être secourue. et c’est pour cette raison que le silence lui paraissait être la meilleure des solutions. parfois, mon âme est ailleurs, bien loin d’ici, de toi. c’est tout. sans reproche, ses explications tanguent douloureusement vers l’espace hors-temps qu’elle s’est créée au fil des années. un endroit calme et ressourçant, bien loin du tumulte new yorkais qu’elle s’impose chaque jour.

march 2019 l'esprit détraqué, t'as débarqué sur son perron. et si t'es là kemen, c'est que t'en avais envie. qu'à cet instant précis, tu n'te voudrais nulle part ailleurs qu'à l'orée d'sa vie. peu importait l'ampleur des dégâts et l'agonie retentissante. t'en savais des bribes, t'en ignorais d'autres. spectateur aux mains liées au milieu des débris. t'étais pas loin d'être son pantin. celui qu'elle choisissait d'inclure ou d'repousser au gré d'ses humeurs. dépendant d'son instabilité chronique, instrument s'calquant sur sa propre rythmique. si bonne comédienne dans ses meilleurs jours, ce soir elle voyait filer sous son regard lointain, l'oscar d'sa vérité altérée. à bas les excuses bidonnées, t'es à l'affût d'sa seule sincérité. quand tu l'observes, t'as peur pour elle. âpre sensation d'pouvoir la comparer à une poupée d'chiffon. tant qu'si tu la lâchais du regard, tu la verrais s'désagréger sans l'ombre d'un espoir d'la sortir d'son trou noir. engloutie par les ténèbres qui s'faisaient viles tentatrices. y'a pas d'effet miroir entre vous deux, qu'deux âmes face à face qui s'enchaînent et s'déchaînent au prix d'grandes désillusions et d'trop petites victoires. l'élan démissionnaire a pris l'pas sur la forte tête qu'elle se forçait à être. tu tâtes le terrain à l'aide d'fausses excuses. la reléguant à un rang qui n'lui convient pas, la réduisant à un rôle si minime qu'il ne lui allait pas. tu mets les pieds dans l'plat, pourvu qu'ça fasse naître un éclat.
t'as sans doute trop pratiqué la poupée, t'appropriant tous les codes capables d'la faire tiquer. tu retrouves l'uppercut d'vos iris et ses adorables manières d'gamines boudeuses. ça suffit à t'faire esquisser un sourire avant de l'attirer. elle est butée nana. s'veut dure et inatteignable, seule détentrice des blessures qu'elle souhaite égoïstement garder. et toi ça t'fait rire c'caractère à la con. alors t'attends qu'elle relâche la pression, qu'elle s'autorise enfin à coucher ses maux. ne serait-ce que pour s'délester du poids qui l'étouffe et qui répondrait à tes questions. tu la fixes sans t'lasser, la patience habilement armée. ma faille est là kemen, devant tes yeux et ta curiosité déjà bien amènent de voir ces démons toujours trop présents. et furtivement, elle t'apparaît en pièces détachées nana. comme de vieux bouts d'tissus qui auraient besoin d'être raccommodés. as-tu si faim pour vouloir entendre l'histoire à nouveau ? les regrets éternels nourrissant l'épisode cauchemar. si ça t'permettait d'arrêter d'couler à pic, je l'écouterais mille fois ton histoire. elle est pas belle, dramatiquement triste. mais ça fait partie d'elle et rien qu'pour ça, ça fera aussi partie d'toi. tu sens qu'elle s'ferme à mesure que les mots filtrent d'entre ses lèvres. tu sens qu'elle s'recroqueville dans sa douleur, au milieu des fantômes tapissant son passé. je ne veux pas être secourue. c'était pas une proposition. la solitude est la seule amie qu'elle recherche. mais de gré ou d'force, tu la laisseras pas s'isoler. son absence avait déjà trop duré. parfois, mon âme est ailleurs, bien loin d'ici, de toi. c'est tout. elle t'échappe quand tu donnerais tout pour la rattraper, pour la retenir. le semblant d'connexion qu'vous aviez partagé un millième de seconde est rompu. et là, t'es où ? tu veux pas la brusquer, ni l'arracher au fil d'ses pensées. et on fait comment si j'refuse de t'regarder t'battre toute seule ? qu'elle ait besoin d'toi ou pas, tu t'devais d'être là. au nom de c'que vous partagiez, au nom de l'importance qu'tu lui portais.

march 2019il est comme ailleurs, entêté et drastiquement frondeur dans sa manière d’évaluer les situations. le même package qui le fait survivre à la tête de son entreprise, combo gagnant dans un quotidien rempli de décisions à prendre, mais bien moins efficace lorsque les désillusions s’en mêlent. nana réfute son envie de sauver la veuf, prétextant un écart spirituel considérable entre eux. mais c’était sans compter sur sa dévotion sans faille pour les causes perdues. si ça t'permettait d'arrêter d'couler à pic, je l'écouterais mille fois ton histoire.
elle qui a remonté la pente plusieurs fois seule, se retrouve bloquée face à l’idée d’une quelconque aide extérieure. dans son esprit, kemen en sait déjà trop, des bribes lui ont été dévoilé dans des contextes moins solennels que celui-là ce qui lui avait permis de gérer à sa façon les passages révélés. mais ce soir n’a pas la gueule des autres nuits, il veut en finir avec le peu de lucidité évoquée par la maladresse d’une nana en peine. c'était pas une proposition. vexée que ses volontés ne soient pas respectées, elle garde l’écart face à lui. et on fait comment si j'refuse de t'regarder t'battre toute seule ? elle lève les yeux au ciel la poupée, soupire devant la vague d’audace qu’elle aurait dû voir venir. l’idée de le pousser dehors lui traverse l’esprit, un regard vers la porte dans son dos et le silence pourrait reprendre sa place. bousculée par l’armure imposante de kemen, elle sait pertinemment qu’un geste de sa part ne le fera que reculer d’un pas tout au plus.
il a jeté son dévolu sur ta détresse et malgré ses réticences, l’attention portée se dévoile toute entière à son regard embrumé par sa détresse. face à mon passé je le serais toujours. seule, face au doute et à ses envies, ses remords et regrets accoudés à son âme touchée par l’agonie. pourquoi te donner tant de mal ? je suis là où mon cœur a toujours été, prêt de ma famille et de ma fille qui ne connaîtra jamais la beauté du jour. à ses mots, elle pose une main contre celle de kemen, s’inspire de son geste protecteur dans l’espoir de le rassurer. la vie me relèvera. comme elle l’a toujours fait.
ne soit pas si impatient avec moi kemen, il y a bien d’autres moyens pour me prouver ta foi.
et toi, de quoi as-tu réellement besoin kemen ? puis-je te rendre le soutien que tu m’apportes au quotidien. un remerciement fragile, nana diffère enfin son attention vers l’autre, ressent bien plus ardemment sa prestance et la bienveillance mise à mal au départ de leur conversation. ce silence lui plait, il lui permet de plonger profondément dans l’abime de ses opales chercheuses de vérité.

march 2019 nana semble s'éloigner d'toi à mesure qu'les secondes défilent. là où tu fais un pas, tu la vois constamment qui s'en va. comme si elle t'en voulait d'être là, comme si elle t'maudissait d'avoir fait l'premier pas. et rien n'pouvait t'faire vriller davantage que d'prendre en pleine face les épines d'son rejet. cette sensation désagréable que, d'toi, elle n'voulait pas. parce que nana, tu n'saurais même plus dire à quel moment elle avait strié ton paysage, à quel moment elle avait fait sauter les barrages, ni à quel moment elle s'était infiltrée si profondément. au point que d'sa présence, tu manques douloureusement. au point qu'ses blessures, tu t'les appropries consciemment. et ce soir-là, tu sens un mur vous séparer, des incompréhensions vous diviser. tu perds l'mode l'emploi quand tu voudrais simplement la serrer dans tes bras et lui dire que quoi qu'elle vive et où qu'elle soit, elle pourra toujours compter sur toi. buté et discipliné, t'insistes pour qu'elle s'dévoile. égoïstement, tu voudrais tout entendre. sauf qu'tu mesures pas l'degré d'force psychologique qu'elle devrait invoquer pour t'contenter. tu t'fais autoritaire, tes vieilles habitudes professionnelles reprenant l'pas sur c'qui aurait dû rester personnel. tu fais tout à l'envers, parce qu'au milieu d'ses drames, toi aussi t'as l'impression d'te perdre. face à mon passé je le serais toujours. et tu sais combien elle a raison, c'est sûrement c'qui fait l'plus mal. de n'pas savoir la contredire, de n'pas pouvoir lui jurer d'panser les plaies qui resteront éternellement marqué. c'est ton impuissance qui t'fait monter en pression. pourquoi te donner tant de mal ? je suis là où mon cœur a toujours été, prêt de ma famille et de ma fille qui ne connaîtra jamais la beauté du jour. y'a personne d'autre qu'elle pour savoir t'faire taire. parce qu'elle met l'doigt sur des vérités contre lesquelles tu n'peux pas riposter, des vérités qu'tu n'peux pas nier. y'a l'contact d'sa main contre la tienne qui t'surprend. celle que t'attrape machinalement. à laquelle tu t'raccroches pour n'plus douter d'sa présence si fantomatique par instant. et ils seront toujours là, avec toi. mais d'autres personnes ont encore besoin de toi. ici, pas là-bas. la vie me relèvera. tu hoches la tête, peu convaincu. pour c'que t'y croyais à la bienveillance de celle-ci. elle t'avait déjà tout pris alors qu'tu n'étais qu'un gosse. et continuait d'malmener tes proches aujourd'hui. fausse amie, véritable ennemie.
tu décroches pas d'sa silhouette, d'la finesse d'ses traits, des rides qui semblaient s'former à la simple évocation d'son passé. et toi, de quoi as-tu réellement besoin kemen ? de toi parfois. tout l'temps. qu'elle soit là, qu'elle te voit. tout pour éviter qu'elle se noie. que tu m'regardes et que t'oublies l'monde autour. les douleurs, hier, les erreurs. fais comme si y'avait qu'moi, juste une fois. l'illusion d'une autre existence qu'tu veux qu'elle entrevoit à travers toi. parce que ça t'va pas d'être là, si elle ne l'est pas. finalement, l'silence vous correspond bien, là où les mots n'savent plus exprimer c'qui vous étreint.
et autant tu suppliais pour sa présence, autant t'es même plus sûr qu'ça avait un sens. quand elle est trop là, c'est toi qui perd le nord. dans l'intensité d'ses iris, tu t'laisserais couler sans opposer résistance. tu t'détestes d'avoir mendié son attention. parce que, d'vous deux, dans cette bataille, c'est sans doute toi qui seras l'premier à tomber.

march 2019
es-tu constitué de roche kemen ? d’une force taillée dans la pierre dont les fissures ne se voient qu’une fois démangée par les eaux ? tu sembles si proche de cette réalité qu’elle survole, parfois trop terre-à-terre lorsque qu’elle ne pense qu’à rêver.
le plus étrange, c’est qu’à force de ressentir sa présence acharnée, il déteint lentement sur cette ligne lunaire invoquée par la belle. le nuage de questions s’évapore un peu plus, avalé par les paroles du brun sans demi-mesure. sa sincérité n’a d’égal. ses yeux posés sur elle sondent chaque mouvement pour en décrire les défauts, trouver une faille dans l’équation et s’y faufiler par opportunisme.
il est pratiquement le seul à ce jour qui détient sa confiance. alors nana, elle s’laisse porter par l’émotion du moment, contraint sa tête à relâcher la pression malgré ses habitudes de défenses largement déployées à l’ouïe de son patron ami. depuis leur rencontre, il a su apporter une certaine stabilité à sa vie qu’elle ne saurait renier, éduquée inconsciemment à son rythme dont elle ne connaissait aucuns rouages. des horaires de travail définies, une ligne de conduite et cette manie imposante de tout régir jusqu’à la moindre émotion, il était évident qu’un jour, même par pur curiosité, il débarque chez elle pour demander des comptes. et il serait bien là dans son droit.
et ils seront toujours là, avec toi. mais d'autres personnes ont encore besoin de toi. des paroles sages pour son cœur en transe. cette main protectrice déposée délicatement contre sa paume finit par apaiser la base du typhon sur le point de l’engloutir. elle aimerait le remercier, élucider par sa dernière question le fond de sa présence ici, car sans être dupée par ses élans héroïques, nana sent la situation échapper à leurs principes. que tu m'regardes et que t'oublies l'monde autour. les douleurs, hier, les erreurs. fais comme si y'avait qu'moi, juste une fois. il n’est plus temps de noyer l’évidence. cette porte ouverte qu’il lui offre accède à d’autres paramètres, lui, comme si il était la solution à tous ses problèmes et peut-être le début d’une guérison.  
nana qui réfutait l’idée même d’être sauvée, commence doucement cette descente transversale vers l’illusion d’un meilleur temps, l’absolution des larmes pour un temps peut-être plus long. et dans son regard elle de perd à nouveau, absorbée par l’évocation d’un « et si » dans ce mélange d’émotions qui l’écueil au cœur à corps. elle s’approche, désinvolte. réduit l’espace à quelques centimètres en laissant ses yeux briller de l’importance qu’il lui porte. juste toi, pour moi ? ou est-ce simplement une tactique pour me rendre ce sourire que je n'ai plus ?
qui crois-tu absorber de tes mots kemen ? soupire.

march 2019 t'as balayé l'chemin des possibles. t'as balayé les principes jamais évoqué, et pourtant drastiquement respecté. tu t'es infiltré dans son antre à la recherche d'son approbation, en quête d'un signe qu'elle n'boudait pas ta présence. tu t'retrouves face à une nana en proie à ses démons. une âme en perdition, marionnette d'éléments à l'ambition plus forte qu'elle, la tenant en joug. et l'tableau offert, tu n'le digères pas. il t'débecte, t'mettrait presque hors de toi si tu n'savais pas si bien maîtriser tes failles. tu t'détestes de n'pas savoir comment gérer son passé, comment l'amener à oublier pour finalement avancer. sauf qu'il était des épisodes qui n'vous quittaient jamais. qui vous hantaient encore, toujours, peu importe l'temps qui passait, peu importe ce qu'on tentait. elle t'évoque ses évasions nana, ces instants où sa silhouette est bien présente mais son esprit ailleurs. là où reposaient ceux qu'elle réclamait, là où reposaient ceux qui, loin d'elle, avaient dérivé. tu veux deviner ce qu'elle tait, ce qu'elle garde secrètement à l'abri alors tes iris décortiquent chacune d'ses rides d'expression, chaque voile nuageux passant sur son visage. tu t'fais compréhensif, à l'écoute. l'oreille attentive dont elle avait sûrement besoin pour épancher ses maux. ceux qu'elle cachait sous la surface. et tu t'sens déjà privilégié d'en avoir écouté les plus dramatiques. d'avoir été celui qu'elle avait choisi pour s'délester d'un poids qui la comprimait depuis trop longtemps. t'essaies d'trouver les mots pour la rassurer. pour lui assurer qu'ses sentiments étaient fondés. sauf que t'es en train d'te perdre dans c'que t'es venu chercher kemen. ambivalente est l'atmosphère, autant que c'que tu ressens. t'as aucune idée du terrain sur lequel tu t'engages, sans doute qu'tu n'aurais même pas fait c'pas-là quelques jours plus tôt, ni même quelques heures plus tôt. mais à l'instant t, tu nages en eaux troubles et c'est la seule issue qu'ton instinct t'souffle. elle devrait pas t'faire cet effet-là nana. pas là, pas comme ça. juste toi, pour moi ? et à mesure qu'tu la devines s'rapprocher, tu sens vriller la corde sensible. tu sens tes émotions t'dépasser et venir flirter avec les limites à n'pas franchir. tu t'sens désarmé face à son mal, désarmé face à son charme. et tu sais déjà qu'elle fera trembler les derniers remparts jusqu'à ce qu'ils cèdent. parce que t'es intimement persuadé qu'dans votre temporalité, elle serait l'unique à t'faire vaciller. juste toi, et moi. et ce sont ses lèvres qui auront raison d'toi, quand tu viens y plaquer les tiennes. ça pulsait trop fort à l'intérieur, entremêlant les droits et les envies. t'as tout foutu par terre, par pure lubie d'étouffer c'que tu crevais d'faire. l'frisson dévale le long d'ton échine, ta main s'faisant étau pour la maintenir près d'toi. tu lui voleras son souffle, au rythme où tu perdras l'tien. tu mets vos vies sur pause, vous enfermant dans une bulle dont vous serez les uniques protagonistes. t'écrases l'manque d'elle et tu te l'appropries égoïstement. juste un instant.
sans doute qu'tu réfléchis pas aux conséquences. sans doute qu'tu mesures même pas si t'as fait l'bon choix. mais tu t'es laissé entraîner par ce qu'il y avait au fond d'toi. après tout, tu n'étais qu'un homme, coupable d'mille éclats.

march 2019
il y a dans ses yeux des milliards de questions. elle ressent ça nana, se manque d’information et l’incompréhension qu’elle créée intentionnellement. car chez elle, rien n’est plus caché que la part incendiaire qui ruine ses songes et agrémente ses vices. il devient par défaut, le réceptacle de ce vide imagé par son silence et la non réponse à ses questions.
lâche prise kemen, te noyer dans ses pensées ne servirait à rien.
et vous semblez plonger dans l’incertain, ce monde à part ou le monde extérieur importe peu ou plus du tout à vos yeux détraqués par l’insistance de l’autre. vous pourriez tenir toute la nuit tant vos pieds sont ancrés au sol et vos convictions s’étendent. rien n’est plus troublant que de voir la situation échapper à la vigilance d’une main tendue et rattrapée au vol. nana, elle a toujours demandé l’attention d’un autre, amplifiée par mégarde, l’intensité de ce trouble compulsif chez elle. et ce même si la solitude est une amie précieuse, jamais elle ne saurait renier l’importance qu’on lui porte. qu’il lui porte.
à force de le remercier pour l’aide apportée, c’est devenu naturel pour elle de se faire rattraper par les bras de kemen. toujours présent, jamais effrayé à l’idée de changer de programme car madame l’avait décidé. il aurait pu la défier ce soir, provoquer son insolence en la menaçant de la virer de son poste pourtant si précieux pour payer son loyer. non. il n’est pas comme ça.
et devant elle, sa force lui est soudainement valorisée au centuple, délayée dans chaque émotion provoquée par son insistance. de là, nana redevient maligne, intéressée par ces sensations confortables et pousse délibérément la limite qui lui paraissait infranchissable. juste toi, et moi. sa peau frissonne. ses sens en éveillent héritent d’une perte total de méfiance et entraine l’effondrement de ces barrières imaginaires érigées afin d’éviter une descente mortelle. si la peine restait bien tatouée contre son coeur, celui-ci se permettait encore de voguer vers d’autres âmes pour s’y lover le temps d’un rebondissement.
un baiser et ses forces l’abandonnent. béate face à la douceur de ses lèvres posées contre les siennes. un désir soudain qui n’a fait qu’accroitre depuis qu’elle a lancé la première vague de doute, quelques pas et les voilà capturés par l’instant, confondus par une envie qui n’existait pas auparavant. ou peut-être que si, mais maladroitement. nana se réconforte auprès de lui, sourit contre sa bouche tout en continuant d’apposer son empreinte invasive. la main de kemen est ferme contre sa taille, emprisonne un peu plus doucereusement ce moment dans l’espace-temps tout en absorbant les doutes qui la traversaient auparavant. belle diversion, agréable et valorisante. les mains de nana viennent entourer son cou ce qui entraine une avancée un peu plus poussée vers l’enveloppe de sa cage thoracique. là, appuyée contre lui, elle pourrait lui donner raison, avouer voir disparaître ses songes les plus sombres.
puis, elle finit par se détacher de lui lentement, glisse ses mains le long de son torse tout en gardant cette proximité jamais espérée, nana abdique. tu as gagné. cette apaisement depuis tout ce temps, m'est réel grâce à toi. elle qui ne sera jamais réellement guérie, s'éprend soudainement de nouvelles intentions. celles de toujours tenter l'impossible, plonger pour peut-être trouver un peu de lumière pour elle dans sa vie.