(EVENT) / COLOЯROOMS - YELLOW.

Sans crier sa venue, ils avaient installé les pièces et, dans ces pièces des couleurs pour ravir les regards, pour posséder les esprits, pour engranger la joie ou les émotions, une panoplie de sensations pour ces spectateurs affamés de nouveautés ; elle s’avance, en retrait, son corps recouvert des masses informes de pulls superposés – elle a froid, toujours froid – un pantalon et une écharpe par ce temps clément où le soleil montre son museau amusé. L’on aperçoit la sainte se faufiler dans l’une des pièces, curieuse, sceptique, elle se dit déjà qu’elle n’éprouvera rien, têtue quant à sa connaissance d’elle-même, elle sait, qu’elle ne ressentira rien. Puisque rien de l’émeut, rien n’éveille son désir, rien ne s’accroche sur sa peau de marbre, sur sa peau gelée, sur sa peau morte. Messaline respire cependant, comme un besoin de se détendre et détendre l’appréhension qui l’envahit, les questionnements, cette expérience. Et le
 jaune retient ses pupilles grises, avale ses pensées noires.
 La porte s’est fermée, précipitamment, la voilà dans un soleil où la couleur de la lumière possède son être. D’abord c’est une fièvre, une sève qui s’écoule douloureusement dans les veines glacées, elle réveille les larmes, elle titille le refoulement incessant du je ne parlerai pas, j’encaisse, elle continue son périple, suit son chemin des flots rouges, jusqu’à arroser le cœur d’une soif inconnue depuis des années. Elle se voit, petite fille, dans cette maison de brique rouge installée dans un quartier des pauvres, un quartier où règne la misère et la violence par conséquence, elle se voit dans le salon, aidant sa mère à remplir les papiers, aucune aide attribuée pour les immigrés, elle se voit près de son père, dans le jardin muni de mauvaises herbes et d’un potager flamboyant, elle se voit le sourire à ses joues. Elle ferme les yeux, cette vision du bonheur, des souvenirs joyeux lui semble insupportable
 insurmontable.
 L’envie de fuir se présente, combat la sensation étrange qui s’empare de son corps, une impression d’apaisement longuement rêvée, longuement souhaitée. Il est bien vrai que les couleurs ont des effets thérapeutique alors, froncement de sourcils, défi de voir l’intelligible par ses petites orbes qui peinent à affronter le soleil qui radie par les aplats d’or, effacent les cloisons, offre l’univers de l’abstrait, oublie la réalité tangible et cruelle, oublie les cris, oublie les mains sales sur son corps, oublie les voisins, oublie les pressions quotidiennes, oublie la culpabilité, oublie la honte ; ici plongée dans un soleil artificiel fait de peinture et de matière, la petite marchande d’allumette commence à pleurer, dignement, une pudeur de son caractère, une unique larme s’échouant sur le sol lui aussi gobé par la couleur. Il est donc possible de se sentir bien dans une journée, un moment éphémère mais inépuisable de ressource. Elle respire, doucement, se concentre sur le ventre haï, sur les souffles qui retentissent. Fusionner avec la couleur pour ne devenir qu’un esprit, c’est ce qu’elle aimerait, un esprit loin des terribles obligeances de l’insécurité. Elle retient cette fusée, cette pensée, jamais encore n’avait-elle pris conscience du noyau de son autodestruction, elle est l’une des conséquences de son non repenti, elle ne s’est pas encore rhabillée par peur de manquer, par peur de se fracasser encore plus bas.