après moi, le chaos. (soledad)

traits de caractère / la belle délicatesse effacée, parsemée de bonnes manières, du savoir-vivre au savoir-être. le parfait trésor d’un monde de luxe et d’or, elle n’est que poupée faire-valoir d’une vie imposée. enfermée dans ce château doré, l’ambiance aseptisée pour une reine apathique. fatiguée de cet univers, le même cinéma qui recommence, l’envie d’ailleurs, l’envie d’autre chose. de quelque chose de plus brutal, de quelque chose de plus vivant. vivante, elle ne l’est jamais vraiment, l’espagnole. comme vide de toute substance. comme éteinte. puis l’étincelle, un jour. puis l’étincelle, un soir. dans la mort, elle trouve le commencement. la soif de vie, de vivre pour elle, loin des chaines prédestinées. elle manie à la perfection l’art du mensonge, excelle de sa double personnalité. un jour l'élégance, la grâce, l'autre la folie et l'extase. les néons de l'excitation face à l’interdit, pour le danger dans lequel elle se plonge en toute impunité. l’explosion du cœur, l’épanouissement dans l’ombre, elle est le chaos, peut-être plus encore pour elle-même que pour les autres.

piovera, madrid, espagne.
le monde de lumières avec ses étincelles dorées, les fragments étoilés se sont délicatement posés sur son univers au premier battement de cils. soledad, fille de l’un des plus riches quartiers de madrid, fille d’un couple aux grandes ambitions politiques, elle débute sa vie dans ce qu’il y a de plus beau. dans cet univers mêlant luxe et pouvoir, dans cet univers dont possession est le maître mot. dans cet univers où toutes les portes lui sont ouvertes, celles des plus grandes écoles, celles des soirées de gala, celles dont toutes les petites filles rêves.

mais ce monde, ton monde, il est ponctué de silence, soledad. d’un silence infini, entre deux parents qui ne se parlent plus, qui oublient la vie de famille au profit des relations publiques. et ta vie, elle est préservée, mais elle n’est pas heureuse. et ta vie, elle est comme un bruit sourd, un bruit permanent qui n’évolue jamais.

studieuse, fille de bonne famille, de bonne réputation, une image préconstruite, imposée dans une vie qu’elle n’a pas eu la chance de choisir. soledad, elle est la fille bello, avant tout. soledad, elle est le faire-valoir, celle qui n’a pas droit à l’erreur, vouée à abdiquer devant les décisions imposées. elle suit, la princesse, elle suit pour ne pas décevoir mais la réalité la frappe rapidement. enfermée. elle est enfermée, enchaînée, l’impression d’étouffer sans pouvoir exister.  

jusqu’à l’explosion. l’explosion interne, parce que t’as autre chose en toi, soledad. parce que tu te surprends à vivre à travers les désirs les plus infâmes. à chavirer face aux avances des politiciens mariés, à traîner en secret avec les petits voyous des quartiers, à rêver d’être en cavale pour enfin trouver ta liberté.

et puis le mariage. la promesse des fiançailles. ils se connaissent à peine mais leurs pères sont en affaires. l’alliance idéale, pas pour les cœurs, mais pour le pouvoir. comme impuissante, elle accepte. elle accepte à vingt-deux ans, sans n’avoir jamais rien vécu. comme extérieure à son propre corps, comme si ces décisions n’étaient pas les siennes. elle accepte, alors qu’elle aimerait hurler. elle accepte, alors qu’elle aimerait voler.

c’est finalement le choix que t’as fait, sol, à quelques jours du mariage. à quelques jours du mariage, t’as décidé de t’envoler. des cachets, beaucoup. des cachets avalés, accompagnés de la chaleur d’un liquide ambrée. prête à partir, à défaut de pouvoir fuir. t’étais prête à aller au bout, dévoilant enfin ta nature détraquée. l’esprit s’échappait, jusqu’à ce qu’une employée vienne te sauver.

queens, new-york, états-unis.
le monde de l’ombre, le monde devenu sien, le monde qu’elle épouse enfin après des années passées à le désirer. c’est à destination new-york qu’elle s’est envolée après sa tentative de suicide ratée. comme un passage à vide, elle n’envisageait plus de se marier. et elle est devenue la honte. la honte aux yeux de ses parents, la honte aux yeux des bourgeois de madrid. la honte dans son sang, la honte sur sa peau, et elle s’est glissée dans celle de quelqu’un d’autre.

t'es devenue toi, soledad. à présent dans l’ombre, paradoxalement plus lumineuse que jamais. libérée de tes chaînes, livrée à toi-même. seul besoin, seule envie, vivre, te sentir en vie. intensément, tu t'es plongée dans la luxure, dans la démesure, l’argent claqué dans les plus belles fantaisies, le réconfort trouvé dans la solitude. elle n’a jamais été si belle, la solitude. parce que pour la première fois, tu la désires.

le queens, de nouvelles rencontres, une nouvelle manière de vivre, la décadence. soledad se comporte comme elle n’a jamais pu le faire. à coup d’ivresses, à coup de fêtes, de découvertes des endroits les plus malsains du coin. elle enchaîne les petits boulots lorsque l’argent commence à manquer, trouve refuge chez les amours d’une nuit, corps virevoltant dans les méandres de la nuit.

la liberté tant convoitée, celle de passer d’un homme à un autre, celle de passer ses nuits loin d’une tour d’ivoire. dénuée de responsabilités, tu te retrouves perdue dans ce monde inconnu. tu te sens hors d’atteinte. la sensation d’être invincible, de celle qui ne ressentait rien à celle dont le cœur commence enfin à vibrer.

octobre 2020, l’ancienne princesse espagnole devenue hôtesse dans un hôtel de new-york. à observer ceux dont elle était autrefois à la place, ils gesticulent, la regardent comme ce qu’elle est à présent, une inférieur. une employée. une employée approchée, remarquée, par une femme. une dénommée irène. elle semble avoir cette image d’elle, celle d’antan, l’élégance et la grâce d’une nobody venue d’ailleurs. la proposition alléchante s’est alors extirpée des lèvres de la quadragénaire, travailler au sinners, casino, contre une somme d’argent bien plus conséquente.

ce n’est qu’une fois là-bas, que t’as commencé à comprendre en quoi consistait réellement cette offre. escorting de luxe. ta belle gueule contre un éventail de billets. t’aurais pu prendre la fuite, t’aurais pu te tirer, mais tu t’es sentie plus forte que jamais. la sensation d’enfin contrôler, de devenir maîtresse de ta vie. doux paradoxe, c’est en te vendant que t’as trouvé ton salut.