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 (soledad) mourir, chaque nuit

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Message Sujet: (soledad) mourir, chaque nuit   (soledad) mourir, chaque nuit Empty Dim 27 Déc - 9:50


mourir, chaque nuit
@soledad bello

la nuit qui envole ses sombres mélopées. viendras-tu, viendras-tu, petit agneau perdu, au sacrifice ? violence incarnée. viendras-tu, viendras-tu petit agneau paumé, pour donner de toi ce que l'on a jamais osé te réclamer ? la nuit qui broie les âmes silencées, petit agneau déchu, viendras-tu, viendras-tu ?

leurs deux regards s'affrontent, dans l'espace silencieux du bureau, ça n'est pas la première fois, mais c'est une période où james ne tolère plus que l'on renacle ou que l'on discute les ordres. alors il répète, lentement, avec cette froideur qui le caractérise. je t'ai demandé si elle s'appelait bien soledad. vega pince ses lèvres charnues. il faut dire qu'il l'aime bien la gamine, avec ses yeux sombres et le même sang hispanique que le sien. il a eu tendance à la couver depuis son arrivée, comme s'il distinguait dans sa façon de se tenir une vie qu'il faudrait préserver. chaque geste futur se grave dans un souvenir, celui de sa jeune soeur, partie bien trop tôt. elle avait la même lueur dans les prunelles. ouais. c'est comme ça qu'elle s'appelle. james a un léger pincement qui ne parvient pas à éroder toute la contrariété qui le navre depuis des jours. il sait qu'il en demande beaucoup, alors il cesse de taper sur son ordinateur et lui accorde toute son attention. tu sais que novak aime les filles comme elle. et elle est nouvelle, il ne se doutera de rien. vu qu'elle ne saura rien. ce qu'il oublie d'ajouter mais que vega comprend très bien, c'est que les filles comme elle disparaissent. combien sont-elles à tenter de se fondre dans le monde de la nuit pour finir par s'y perdre ? combien en a-t-il vues défiler, images passées, impossibles à lire désormais ? il aurait malgré tout préféré l’épargner… james le regarde un peu plus profondément avant de demander : est-ce qu’il y a un problème ? il secoue la tête, vega, il secoue la tête et cherche une détermination qui ne vient pas. il la trouvera peut-être en chemin.

il est 22h42 exactement lorsque le sous-chef de la sécurité fait irruption dans l’immense salon où les escorts du sinners se relayent, se reposent, se refont une beauté, où échangent des bons plans. elles troquent parfois les clients, s’arrangent avec ceux qu’elles préfèrent ou qui donnent le plus gros pourboire. au milieu des quelques ricanements, du bruissement des fringues et des conversations à bâtons rompus, l’apparition de vega passe presque inaperçue. il localise rapidement soledad au milieu du troupeau, joyau brut que l’on distingue au premier coup d’oeil, parce qu’elle a cette sorte de fausse confiance qui la fait apparaître ombrageuse. il la rejoint et échange avec elle à mots couverts après l’avoir chaleureusement saluée. alors tu vas bien, jolie fille ? tu te fais à ton environnement ? il lui demande ça comme s’il s’agissait d’un travail comme un autre, alors que d’évoluer dans les replis ténébreux du casino n’a rien à voir avec un emploi de bureau. certes les filles sont bien payées, mais elles sont chargées avant tout d’encourager les clients à jouer, voire à perdre, qu’importe les sourires, les gestes, ou encore les commentaires qu’elles doivent parfois essuyer. vega se gratte la nuque, très légèrement gêné avant de lui révéler la raison de sa venue. tu sais que tu as en charge novak ce soir ? j’ai pas trop de conseils à te donner pour lui, mais je veux juste que lorsqu’il décidera de partir, tu le raccompagnes dans le parking privé. c’est un privilège pour nos très bons clients, tu comprends ? son visage se fait solennel, quand il achève ce flot d’informations qu’il lui donne, vague impossible qu’il se sent très coupable d’abattre sur elle, sans pouvoir la prévenir. lame de fond, pour blesser la candeur, si jamais elle en est encore pourvue. c’est la règle de ne pas préparer la poupée à son sacrifice, afin que rien ne fuite, rien ne se pressente dans son attitude de ce soir. il esquisse un sourire mais qui n’est pas très convainquant avant d’ajouter, plus fort, pour que ses vis-à-vis l’entendent. t’oublies pas hein ? c’est monsieur marlowe qui te le demande. il lui tapote l’épaule, un geste fraternel qu’il n’achève pas, comme s’il était surpris de seulement l’avoir esquissé. les iris d’autres filles se tournent, et c’est comme si l’atmosphère se resserrait sur soledad, par le truchement des miroirs. mise en abîme qui trahit la tragédie d’un destin, comme point de fuite. pourtant, il n’y a plus d’échappatoire.

viendras-tu ce soir, petit agneau déçu, pour te confronter à la nuit que tu ne connais pas ? que tu ne connais pas encore, et que tu appelles pourtant parfois, quand tu crois que personne ne te voit ? viendras-tu, viendras-tu ?
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Message Sujet: Re: (soledad) mourir, chaque nuit   (soledad) mourir, chaque nuit Empty Dim 27 Déc - 23:39


i'm a natural disaster but even after all that i do, it's you who's gonna be the death of me and none of this matters, it's you, it's you. -- @james marlowe

petite robe noire, bien ajustée sur sa taille de guêpe, talons aiguilles aux semelles rouges bien agencées, elle est femme. plus femme qu’elle ne l’a jamais été, et pourtant dépossédée de sa valeur. les billets secoués en échange d’une agréable compagnie pour les messieurs joueurs. ce qu’elle est devenue, un bel appât, l’aguicheuse du sinners. t’es plus qu’un objet aux mains des marlowe, un objet qu’ils peuvent façonner à leur guise, comme une poupée de cire en constante transformation. t’es plus qu’un objet, sole, mais malgré ça, tu te sens plus vivante que jamais. paradoxalement, t’as la sensation d’enfin avoir le choix. le choix de vendre son corps, si cela lui plait. le choix de minauder devant des hommes plus âgés, s’ils font battre son palpitant. de rires aux éclats ou d’hurler sa colère, sans avoir à craindre l’image qu’elle portera. elle est libre, définitivement libre. les ailes déployées, les ailes sombres, de plus en plus noircie par cet univers qui devient peu à peu sien. par ces soirées passées au casino, à parsemer les tables de jeux de son élégance madrilène, le sourire plus éclatant qu’il n’a jamais été alors qu’elle découvre peu à peu l’illégalité.
la mission est de taille, ce soir, parce que le client est important. d’après les dires de vega, mais les mots viennent directement des grands patrons. au fond, elle les connait tellement peu, les marlowe. elle ne sait rien, elle ne voit rien, malgré ces deux premiers mois passés ici. une énigme qui plane sur ton quotidien, l’avenir obscur de ta vie remise entre leurs mains. tu ne crains pas, pourtant. en roue libre dans ce lieu qui ne ressemble en rien à ton monde, à l’endroit d’où tu viens. elle écoute les ordres, comme la fille bien sage qu’elle était, mais la différence est énorme parce que cette fois, elle le désire. parce que cette fois, les ordres lui plaisent. parce qu’elle décide. pour la première fois elle décide.
les effluves alcoolisées émanent, les billets reviennent toujours vers leur maître, vers le sinners. mais la fin sonne, l’heure arrive, et comme convenu, elle s’apprête à raccompagner son client jusqu’à sa voiture. ce novak. à ses yeux encore vierges de toutes sensations fortes, de toutes sensations funestes, il n'a rien de particulier. rien de plus que le friqué qui pense que sa fortune lui ouvre toutes les portes. rien de plus. alors perséphone exécute, joue son rôle et guide son client en le cajolant. bien, nos routes se séparent. qu’elle lance, enchanteresse prête à mettre fin à ce moment, la surpuissance qu’elle ressent battre dans son cœur. en espérant avoir pu rendre votre soirée agréable. parce que la tienne l’a été, bien plus que toutes celles passées dans ta tour dorée, loin du ciel étoilé.

(c) calaveras.
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Message Sujet: Re: (soledad) mourir, chaque nuit   (soledad) mourir, chaque nuit Empty Lun 28 Déc - 18:43


mourir, chaque nuit
@soledad bello

infernales méandres, je m’y perds, je désespère. il y a sur ma bouche le goût de ces ailleurs proscrits, de ces outrages interdits. il y a sur ma peau le chant de la perdition, qui se grave dans l’oubli.

les atours les plus chers pour feuler le pouvoir, les élans de la vengeance se déploient dans le ventre. james a compté les heures, puis les minutes. les dernières secondes dans la cage de l’ascenseur privatif, où il poursuit un but devenu obscur. parjure. il s’apprête en ces lieux à violer ses propres règles, à faire couler le sang sur un territoire renommé pour sa neutralité. mais quel pouvoir a-t-il s’il ne peut trahir les préceptes édictés ? n’est plus roi celui qui s’empêche de céder. ou alors c’est un roi égaré, la couronne fêlée, la folie sertie autour de la jugulaire, qui bat, qui bat, l’affront et l’ironie de cette trahison tentaculaire. novak détient les comptes de certaines de leurs sociétés offshore, prête nom, âme condamnée par la volonté des marlowe, il veille sur leurs affaires depuis des quatre ans. mais il susurre, il murmure à l’oreille de l’ennemi, il donne des informations, dévoile des secrets, dévalue la confiance pour mieux la vendre, pour mieux la brader. le tintement des portes se répercute dans tout son corps. il est seul, il n’a pas besoin d’un sous-fifre pour accomplir cette basse besogne, même si vega s’est porté volontaire, aussitôt qu'il s’est agi d’utiliser la nouvelle pour piéger le délateur. sauf que james doute, le roi voit dans ses conseillers des horizons trompeurs, il ne reconnaît plus ses appuis, il croit que les chemins se dérobent, et dévient, pour mieux l’emmener dans des profondeurs qu’il lui faudra affronter seul pour imaginer y survivre.

des pas, les échos du fracas, une voix, que je ne connais pas. dans l’éther trop lourd, la résolution aux couleurs farouches de la fatalité, et ces sonorités qui viennent contrarier les plans soigneusement établis.

il s’était dit qu’elle serait déjà barrée, envolée. âme dévouée à la nuit, retournée au linceul. mais tant pis s’il faut que des yeux inconnus saisissent la fresque létale, tant pis s’il faut prendre deux vies au lieu de celle qui s’est fracturée à se donner à d’autres. cette fille après tout, elle est bien pareille, elle se donne contre du fric, le sien, le leur, elle n’appartient à aucune réalité tangible, si ce n’est celle du papier que l’on froisse, des parures qu’on délasse. elle ou une autre. c’est ce qu’il se dit. voir, être le témoin indiscret de la nature humaine, puis mourir. chaque nuit. c’est la douce ironie de son monde. il suit le chant, les pas, les mots. novak répond, ce sourire dans la voix, séduction de prédateur. vous pourriez la rendre encore plus délectable si vous le souhaitiez. rien d’inconvenant cependant, elles reçoivent un salaire mais sont libres des jouissances qu’elles arrachent aux clients. sauf ce soir…

sous les lueurs blafardes du parking privé, leurs deux silhouettes. hadès les toise, novak a à peine le temps de le reconnaître que james sort son flingue et lui lance : elle a fini son service, je crois. une balle dans le genou, pour donner le ton, l’autre s’écroule dans un hurlement. sur le visage, dans les chairs, une éclosion. la contradiction est abyssale : la mesure du geste, la cruauté implacable qui le trace, la froideur dans les yeux, la brûlure sous les doigts. il n’y aura pas de préliminaires ce soir, novak n’a pas heurté la sensibilité du frère, en s’attaquant à la soeur, pas comme paul. juste un indiscret, juste du fric détourné. du papier froissé, et du sang pour l’imbiber. il s’affaisse, il gémit, demande grâce, regarde la fille, lueur dans les ténèbres. abîmes de feu. soledad. il se souvient de son prénom, james, il ne sait pas pourquoi ça le traverse soudain, pourquoi ça accompagne si bien la mélodie diaphane qui fut le préambule du drame. il ne la regarde pas, mais il lui parle toutefois. tu vas rester là, ma belle, d’accord ? tu vas rester, pour regarder, pour voir. être le témoin de cette fatalité brisée, des ombres qu’elle exalte. sous la pâleur des néons, la nuit se referme tu sais, il fallait la rejoindre quand encore tu le pouvais.
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