But something's got me wrong inside.

traits de caractère / Westerday, c'est un vague-à-l'âme, un tortionnaire de crainte et un funambule en leurres.  

Ce garçon-là a la crainte au bout des doigts, la cruauté comme apparat. Il est fasciné par vos pleurs, s'enivre en trois goulées de vos malheurs. Il est ce masque moiré qui ne diffame d'aucune émotion, ce blanc cassé sur ses traits singuliers, lisses à en pleurer. Tout, tout, tout - tout est tromperie dans ses prunelles de peu de vie. Le mensonge est une peau qui jamais ne laisse respirer les parois poreuses de son âme saoule d'hystérie. Il est celui qui se réjouit de blesser, cette Sardonie crapuleuse qui se félicite des dégâts de la désillusion au fond de vos gorges rouge rubis. Ça lui plaît, de contempler la misère ; il a ce soupçon d'infamie qui révolte et passionne à la fois. Il est l'Humain Pourpre, la scarification de la Malice à l'état brut. Il a la brusquerie au ventre et la colère qui chahute, porte la rage en flambeau et fomente des frondes à son nom. Sarcastique créature qui montre les crocs pour un rien et s'anime de passion pour quelques mots prononcés avec rudesse, il est celui qui ne s'embarrasse pas de politesse et n'enrobe ses rimes que d'un tranchant savamment maudit.

Mais quand l’amour de l’or l’emporte, Avare aux entrailles garnies de duperie, c’est l’honnêteté qu’il fauche au profit de sourires à la douceur enjolivée. C’est toute une panoplie qu’il déploie, des serres aux crocs joliment serti. Il vous sert les sourires comme on découpe les plus délicieuses gâteries, se dore du parfum de la tromperie et vous étourdit de belles achronies. Il a le charme d’un conteur d’histoires, entre deux coupes de champagne et quelques pièces en cuivre pour vous faire oublier le taudis dans lequel il vit, c’est bien de ses mensonges qu’il admire le charme de votre méfiance endormie.

Mais Wes, t'es qu'un gamin, un gamin de Rien. Un gamin, c'est rien, c'est que dalle dans le flot des humains, des grandes personnes aux visages hautains. Il est fait de caprice et d'impatience, vocifère et hurle pour se faire entendre de ceux qu'ils dénigrent. Ce n'est qu'un charlatan qui s'habille comme un Prince et qui succombe trop vite aux vices.  

Mama, ooh didn't mean to make you cry.

Westerday a vu le jour dans les faubourgs d'Osaka, et ses cris ont accompagné la pluie diluvienne qui saignait sur la ville et ses misères. Était-ce un début de mois, une fin de semaine, quand ses poumons ont pour la première fois inspiré une pleine bouffée d'air ? Le gamin est né un jour où la suspension du temps vous paraît éphémère, un jour où l'on ne sait quelle est l'origine de la lumière. Il se souvient du visage de sa mère, comédienne de fortune répudiée, année après année. Ses yeux bruns penchés sur lui, et leur mélancolie le berçant jusqu'à ce que l'abandon le happe tout à fait. Il se rappelle sa voix dans son sommeil, ses larmes salées qui roulaient sur ses joues creuses, son parfum d'inconstance et de pauvreté que seule la tendresse de ses gestes désavouait. Il ne se souvient pas si le soleil brillait quand il a découvert son corps sans vie et amaigri, dévoré par la maladie à ses sept ans – peut-être neigeait-il ce jour-là. Il n'a pas beaucoup de souvenirs, cet enfant, seulement la lourdeur des gouttes d'eau qui ruisselaient sur son visage inerte lorsque son enfance a été emportée avec un douloureux fracas. Westerday, c’était le nom d’un Roi. Mais dans cette histoire-là, la gloire est trop vite remplacée par le trépas.

Il faisait partie de ces gamins délaissés, des orphelins du Queens valdinguant dans l'anonymat d'un quartier souiller, qui mendiaient dans les rues ravagées par les désirs des Grands insoucieux – une trâlée de gamins pourris gâtés. Il était solitaire, abandonné, malmené - avec pour seule compagnie d'autres gosses aux destins tout aussi fracassés. Ils étaient peut-être une vingtaine sur ce même radeau, à batailler et se chamailler pour quelques misérables denrées. Ils jouaient à de drôles de jeux, se répartissaient en quelques clans hasardeux et établissaient des gagnants et des perdants afin de définir qui s'en sortirait le mieux. Ils avaient la tête vide de rêve, l'esprit avide d'oubli – surtout le ventre creux. Mais Westerday et sa drôle de dégaine amaigrie se rappellent cette main tendue, qui l'a redressé et détaché de ce mur noirâtre contre lequel il s'était affaissé. Elle était brune, hâlée, une légère cicatrice blanchâtre barrait l'épiderme du majeur au poignet. La peau était rêche, tout le contraire de celle de sa mère - mais lorsqu'il avait enfoui sa toute petite menotte dans cette main, elle l'avait attrapée avec une puissance hors du commun pour le gamin ignorant qu'il était. Dans les vieux films que l’on voit à travers des écrans cassés, cet homme-là jouerait le rôle du parrain à la recherche d’une rédemption calomniée. Il récoltait des gamins aux fossettes bleutées, leur offrait un semblant d’avenir à troquer contre leur innocence d’orphelins. Pour le compte de ce dernier, le rejeton fit ce qu'il savait faire de mieux, et sans doute était-ce son unique talent d'enfant : chaparder. Au début, de maigres butins, quelques pièces de monnaie, pas encore de gros billets. De quoi survivre, parce que la vie était dure et soumise à de strictes lois. Au fil des années, ce talent d'agilité se mua en ruée vers l'or, jusqu'à ce que de menus vols ne soit qu'un crime parmi d'autres pour ce fils de Rien, né dans les ruelles où ne subsistent plus la Foi.

Au sein de la pègre, on lui apprit à mentir, à respecter ses aînés, à se battre comme un tigre enragé. On lui enseigna comment forger ses poings, démêler les méandres de sa fierté, se départir de la moindre culpabilité. Les hommes de tristes larcins ne font que survivre, à leur façon : de la plus terrible des manières. Ils ne font  que vivre, de la plus odieuse condamnation - damnation délétère. Il devait avoir quinze ou seize années quand il tua son premier condamné, et aujourd'hui il ne se rappelle plus des raisons – seulement la peur dans son geste, suspendu avant de l'égorger. Il se souvient de la couleur du sang, si vive, contrastant avec son âme trop pale, et le goût du fer qui avait maculé ses lèvres des mois après le meurtre sacralisé. En échange de son âme, on lui promettait une vie à mille carats.

Une dizaine d'années plus tard, et de nombreuses cavales oubliées, Westerday est devenu un voleur bien mal élevé. A rafler les diamants comme les mensonges échappés du bout des lèvres soigneusement maquillées, c’est sa vie qu’il joue aux dés. Une paire de pernicieuses prunelles pour tout apparat, un manteau d’indécence et le venin de l’arrogance au bord du cœur, c’est lui qui, dans la nuit, s’empare de vos malheurs et fait taire vos futiles bonheurs. Il a l’amour de l’Or et bien plus encore, comme si les coffres amassés pouvaient suffire à racheter son âme incendiée. S’il vous était donné le mode d’emploi, une voix sifflerait avec prudence qu’aux serpents élevés à la violence, les crochets chimériquement familiers ne servent qu’à vous duper.