tu deviendras roi / israel

01. depuis ta naissance destiné aux enfers. parce que ton père avait l'habitude de se défouler sur ta mère, puis sur toi. tu te souviens du son des pas lourds, annonciateurs d'haleine teintée d'éthanol. de la morsure de la ceinture. des hématomes que tu cachais, parce que t'as toujours voulu renvoyer cette image de gosse fort, de lion, de champion. et les larmes de ta mère en guise de pansement, elle qui pourtant n'a jamais fait preuve de courage. son seul acte se révélant des somnifères dans le whisky de ton père, pour qu'il vous laisse, un peu, en paix. sauf qu'elle n'a pas hésiter à se barrer, quand il a chuté de la grue ou il bossait. sans doute bourré encore. elle, elle s'est tirée à l'autre bout du pays, chez l'un de ses amants. enfin tu crois. parce que le jour où vous deviez partir tous les trois, t'as attrapé ton sac et t'as rejoins la rue. ta seule maison. 02. depuis gosse, t'es un vrai débrouillard. alors une fois à la rue, t'es pas resté à attendre qu'on te donne quelques pièces pour ton beau visage. t'avais quatorze ans à l'époque, bien trop jeune selon beaucoup, assez âgé selon toi. t'avais plein de potes en galère comme toi, et cette ville, tu la connais comme ta poche. tu sais où dormir quand il fait froid, où squatter quand t'avais besoin de compagnie. et pour le reste, t'as profité de quelques foyers, de quelques refuges, pour les gens comme toi. sans jamais te plaindre. en adoptant toutefois la dure loi de la rue, la loi de la jungle, la loi des plus forts. sans t'en rendre compte, t'as fait ton deuil en plongeant dans la violence. ton échappatoire, ta manière de ne plus penser à ton père, à ta mère, à ton enfance pourtant inachevée. 03. la délinquance comme seule voie pour toi. les vols à l'arrachée, les courses pour fuiter les flics. quelques nuits (ou plutôt beaucoup de nuits) passées en cellule, ton quotidien. insouciant, t'as enchaîné les petits jobs merdiques pour réussir à finalement te payer un loyer, un petit appartement merdique, mais à toi. serveur, livreur pour uber eats, tu comptes plus le nombre d'employeurs différents. jusqu'à que les ferreira ne croisent ton chemin. trejan pour être exact. la rue comme terrain de jeu, il a vu en toi un parfait revendeur pour ses petites poudres, ses cachets magiques et ses herbes exotiques. tu gagnes pas beaucoup d'argent, faut pas te voir comme un escobar, mais assez pour t'acheter quelques fringues, payer tes factures pas trop en retard. et étonamment, ça te plait, ce job. sa noirceur, l'excitation du danger, l'adrénaline quotidienne. 04. le matin, t'as ton duo sacré - douche et café. impossible pour toi de bien débuter une journée sans ces deux rituels, peu importe l'heure à laquelle tu te lèveras. le problème c'est quand tu ne dors pas chez toi, et qu'il faut filer en douce, sans faire de bruit. l'histoire de ton adolescence, en gros. 05. t'es ambitieux, mais pas stupide. tu sais que tu n'auras jamais une belle maison, avec une femme, des enfants, un chien qui va chercher le journal. vive les stéréotypes. mais t'espères grimper suffisamment dans l'organisation pour un jour pouvoir déménager dans un vrai appartement, spacieux, avec un balcon, de la lumière. mais peut-être que t'es pas encore prêt à te poser, à calmer ta vie, à oublier l'adrénaline des bagarres, les plaisirs de la nuit, de la chair. de la vie, tout simplement.