forgotten ghosts (viktor)

Famille. Aux intellectuels. Mère, auteur et poète. À ces rumeurs qui racontent son lien étroit avec la lignée des Pouchkine, figure incontournable de cet art, tout aussi aisée et prestigieuse, que peut se montrer Irina. Le mystère plane et elle n'a jamais donné plus d'explications à cette fantasmagorie qui l'enveloppe. Père, enfant de la guerre, au paternel servant le pays au prix de sa vie. Dès son plus jeune âge, Miron repère les dysfonctionnements du système et oeuvre pour une politique plus libre et démocrate malgré des fondamentaux profondément ancrés. Son éducation religieuse l'influence également, provoquant parfois une personnalité contradictoire. éducation. À baigner dans les livres. Ouvrages interdits qui font grandir l’esprit. Ouvrent les frontières et détachent du cadre strict du pays. Secrets familiaux où les cerveaux se nourrissent de littérature, d'art, de poésie, de philosophie. L’importance d’être indépendant de sa pensée et de ne pas se laisser prendre au jeu du système. Être à la fois à l’intérieur et à l’extérieur. Dans cette liberté, un goût d’austère qui tranche à cette autonomie qu’ils cultivent. Valeurs orthodoxe sous l’ongle. Celles qui offrent des visages de marbre mais qui leur permettent de survivre. Survivre dans leur pays qu’il aime tant mais qu’ils voient lentement se perdre vers tout ce qu'ils combattent. Liberté de l’être et rigidité de la religion. Education qui se dédouble parfois en franche contradiction, mais qui fait toute la richesse de cette famille. danse. Viktor va suivre un contre-courant et une tradition, il a à peine dix ans. À l’image de cette dualité qui le façonne, il rejoint la prestigieuse école Vaganova. Dans l’unique but de devenir une nouvelle icône de la danse russe, un danseur étoile référencé dans ce milieu de beauté et d’impitoyable. Mikhaïl Baryshnikov est son idole, son modèle à l’instar des autres enfants. Tout comme le danseur professionnel, il recherche infatigablement la perfection et face à son père qui ne le soutient pas, la rage se naît en lui et le pousse à s’accrocher pour lui montrer son tord. Le cursus dure huit ans. Il sera forcé d’abandonner à l’aube de la fin. Lui laissant un goût d’inachevé et une rancune tenace face à un père qui a choisi l’exil quelques années plus tard. mariage. Adolescence, premiers émois. Ballerine délicate aux cheveux d’or. Il vibre sous les mouvements doux de la danseuse qui partage le même âge que lui. Ensemble, ils vivent le quotidien de l’école. Intense. Viktor ne lui parle pas mais les regards partagés lui vaut d’être remarqué en plus de son talent. À leur dix huit années communes, ils décident de se marier. Comme on se lie à se double qui vous complète et vous accompagne dans les moments difficiles. Trop jeunes. Trop enfermés dans leur bulle. Le mariage se prononce mais la rencontre des deux familles est un véritable choc. Miron et Irina, sous les années avancées, délient de plus en plus leurs langues sur cette société qui avance à l’envers. Interlocuteurs excessivement nationalistes, le devoir est de les dénoncer. À l’entente de la menace, Miron décide de quitter le pays et de rejoindre les États Unis afin d’éviter des répercussions désastreuses. exil. Le cycle des huit ans à l'académie Vaganova presque achevé. La hâte au ventre d’obtenir son diplôme et de vivre le bal de clôture, ce rêve est arraché par ce père qui prétend les sauvé d’un plus grand mal. Viktor n’y voit là qu’une tentative de sabotage. Il apprend la même année que Valentina, son épouse, a porté le divorce au tribunal. Sentiment de trahison double. Sa confiance s’émiette. Il garde pourtant un lien étroit avec sa mère. Sensible également, elle semble le comprendre plus qu'aucun autre dans ce monde désastreux. carrière. Tout recommencer. Aucun diplôme en poche. Aucune preuve de son éducation prestigieuse. Juste un corps capable d’exécuter. Il commence les auditions et les concours. S’appuie sur le parcours de son idole pour calquer sur ses pas américains. Il gagne de nombreux prix, commence en bas de l’échelle avec de petits évènements. Facilité par son installation en en périphérie de New York, il se fait rapidement remarqué par son physique très grand et fin, mais également par la justesse de ses gestes. Samuil dont il a naturalisé le prénom par Samuel en arrivant sur le territoire américain. Ukrainien d’origine, il décide de prendre sous son aile l’adolescent talentueux et d’en faire une étoile. Gloire et dépression. Plus de quinze ans de carrière. À parcourir le monde. À cueillir les récompenses et les louanges. À la fierté de sa mère et de son mentor. Dans le silence assourdissant de son père. Décédé. Rongé par le cancer, ne leur permettant pas de régler leurs différents. Laissant l’amer sur leur palais. Relation en suspend, dévastée par des ressentiments jamais mis en lumière. Pourtant, Viktor porte la gloire. Celle que tout le monde cherche avec envie et ardeur. Mais il ne tient plus le rythme. Il commence à se faire trop vieux. Trop vieux pour le milieu. Il le sent mais il force. Le corps se plie en deux et se fracasse. Il ne lui répond plus. Plus comme avant. Le mental lâche et tombe dans les ténèbres. Alors il décroche. Complètement. S’enfermant dans son chez lui. Sa cage dorée. Avant de s’enfuir. Prenant le nom de Thomas. Identité nouvelle dans l’envie de changer de vie. De s’oublier. D’un nouveau départ. La Rencontre. Dans un bar. Là où personne n’a le coeur de se rendre. Deux hommes. Liés par leur origine. Force la discussion à se créer sous cet accent au goût de chez soi. L’un parle de cette femme que l’autre n’a pas eu le temps d’avoir pendant que l’autre écoute. Se fait simplement consultant. S’amuse des similitudes et des différences. S’amuse de ce caractère. L’alcool rend le moment plus chaleureux, plus savoureux. Une amitié se naît. À présent indissociable. Viktor rejoint un monde nouveau et en action. Mafia. Bras-droit de Grisha. Comptable des Romashka. Hypersensible qui camoufle cette qualité et ce talon d’Achille. Il est amené à s’occuper des affaires délicates mais également à donner des cours de danse et de grâce aux filles. Rendre ces corps plus désirables et délicats. Créer l’illusion de poupées parfaites. Viktor ne baigne pas dans la violence crue du milieu. Du moins, il essaye d’en garder un certain recul pour ne pas s’affecter et se voit comme l’artiste qui confectionne les profils féminins pour les sublimer.