two ghosts (morgan)

Le cerveau qui tourne en boucle. Les pensées qui se répètent, comme un quotidien dont on se lasse, mais dont on ne peut pas se débarrasser. Ambre commence à en avoir l'habitude. Cela fait des années qu'elle vit avec des pensées obsédantes qu'elle n'arrive pas à faire taire, pas plus que ses espoirs, pas plus que ses cauchemars. Elle est hantée par des images que son cerveau ne cesse de ressasser, même quand elle dort. Surtout quand elle dort. Dans ses rêves, le mal a souvent prit de drôles de traits. Le diable, les monstres, des tueurs en série plus connus les uns que les autres. Il s'est même parfois dessinés sous des visages qu'elle connaissait vaguement. Des passants croisés dans la rue, des supposées connaissances, parfois même des amis. Pourtant, ces vagues images ne restent que des cauchemars. Or, c'est encore et toujours l'écho d'un seul nom qui l'obsède. Un nom qu'elle portait encore il fût un temps. Il l'obsède, mais plus par amour, plus par fierté. Même plus par haine. Ce sont les doutes qui la rongent. La peur d'avoir donné sa confiance, d'avoir donné son cœur, d'avoir donné son âme, est omniprésente. Parce que son âme, tout comme sa fille, Ambre ne la retrouvera peut-être jamais. Son enquête est longue. Sinueuse. Elle n'en finit jamais. Les espoirs s'amoindrissent, au point qu'ils pourraient carrément disparaître. Pourtant, la brune s'accroche. Il ne peut en être autrement. Parce que, qu'est ce qu'elle ferait bien si elle lâchait prise ? Sombrer ? Simplement abandonner ? Non. Elle ne pouvait décidément pas faire ça, surtout pas que maintenant, certaines des pistes qu'elle suivait semblaient possible. Même si ces pistes la menait tout droit dans la gueule du loup, tout droit chez les Mcgrath. Ça la rend folle, ça la débecte de se dire que quelqu'un qu'elle a pu croisé, quelqu'un qui a fréquenté, ou fréquente toujours Cahal y est pour quelque chose. Parfois, elle en vient même à se dire qu'il sait. Peut-être même qu'il l'a planifié. Mais cette pensée, elle démolit complètement Ambre, ou du moins, ce qu'il en reste. Parce que ça voudrait dire que toute sa vie, tout son passé, tout l'amour qu'elle lui portait, tout ça n'était en fait que du vent. Non, définitivement, elle ne peut pas s'y résoudre.

C'est pour ça qu'elle prend l'risque de sacrifier sa nuit, après tout, ses sacrifices s'comptent à présent en année. Sa visite à son ex-mari damné, n'a définitivement rien donné. La brune aurait dû savoir, que de sa bouche elle n'obtenait jamais la vérité, mais cette fois, elle s'était mise à espérer. A croire que, des années après la disparition de Sarah, les choses avaient changés. Bien évidemment, elle s'était trompée. Impossible d'arracher à un loup l'bout de viande qu'il est en train de mâcher. A c'loup là, elle n'arrachera jamais la vérité. Alors la voilà qui se rabat sur son plan B. Ce soir là, pas besoin de coquetterie, pas besoin d'un décolleté. Pas besoin d'faire semblant que, pour le mieux, tout peut aller. Et presque inconsciemment, Ambre s'en voit soulagée. Elle entre dans c'vieux bar, qu'elle n'a que très rarement fréquenté, parce qu'elle est presque sûre de l'y trouver : après tout, des bars, Morgan est un pilier. Faut dire qu'à ce jour, c'est encore l'un de seuls Mcgrath qu'elle peut apprécier. Même si, avec subtilité, elle va chercher des réponses, elle n'a pas à nier qu'ils sont deux vieilles âmes brisées. La brune s'assoit à côté d'celui que, presque immédiatement, elle reconnaît. La même chose que lui, elle demande au barman, avant de l'observer. Ambre aurait pu croire que ça faisait une éternité qu'elle n'avait pas croisé ces yeux bleus glacés. Ils ont tous le même regard de dépravés, dans cette fichue famille d'Irlandais. Ça fait un bail, elle lâche simplement. Cette fois, Ambre ne fonce pas directement dans l'tas. Elle sait que pour arriver à ses fins, il faut prendre des pincettes. Comment tu vas ? Une demande sincère. Parce qu'il fût un temps, malgré son ton bourru, où il fût l'seul des frères à l'aider à retrouver Sarah. P'têtre que ça aurait dû être lui, son père.