/tw/ vertigo

01. l’a pas eu de quoi aboyer ou courir après le facteur. pas de roi modèle. pas de figure semblable à détester entre deux récitations apprises par cœur pour faire plaisir à la maîtresse. chien modèle. l’a pas eu de père à leçons profitables. pas de père à tartes dans la gueule. pas eu de père fantôme. bouffon. tartuffe. y a rien eu. un vide. des passages épisodiques de gentillesse cancre pour faire écarter les cuisses de sa mère. de promesses. de vacances loin de harlem. l’genre de cracks qui mènent à planter la voiture prêtée de bonne grâce contre le premier poteau. salle gosse, franchement chéri. fils à maman. maman qui se tape le ménage ici, ici, ici, et la lessive, et le repassage, qui s’improvise chenil après juillet et nounou pendant les vacances. maman qui pourrait s’tatouer sur le bras. sa mère qu’on osera jamais vraiment critiquer d’vant. sa mère qu’a fait ce qu’elle a pu. sa mère qui laisse faire, qu’a plus le courage de lui refuser de l’argent pour une dose. maman qu’a peur d’le retrouver endormi. qui le réveille pour un rien. 02. voulait être cool peter; voulait être plus que le bon gars; voulait être plus que le cancre du fond d’la classe qu’on traite de bouffon. voulait être plus que celui qu’on dégage du cours au moindre bruit de bouche. voulait être plus fort que tout le monde. il y a eu la drogue bien sûr. des maigres mélanges de cannabis entassés dans un filtre. la cocaïne sur la cuvette des toilettes entre deux cours. il s’est fait virer peter. une fois, cinq fois. l’est resté sur le trottoir, les yeux comme deux billes de verre. l’avait sa petite clique peter. l’avait les mauvais contacts. les mauvais potes. les rendez-vous honteux dans le bureau du proviseur, les expulsions à s’faire prendre une gueulante dans la voiture. les heures suspendues jusqu’à se la prendre, la claque. y a eu la désintox à vingt ans. la récidive. les billets grattés dans le portefeuille à quatre heures du mat. il y a eu l’ecsta à en pleurer. l’ecsta entre deux grosses barres de shit. l’insomnie diverse; les sauts d’humeur et de repas. puis il y a eu la piquouze dans l’bras. deux fois. peut-être bien trois. et la désintox. et encore. l’a fait six désintox peter, et il a su arrêter que l’héroïne. 03. il y a eu la course dans tout brooklyn d’abord. puis dans tout harlem ensuite. il y a eu les appels désespérés. des enveloppes rendues, de mains tremblantes; il y a eu les câlins sur le parking- des « ça ira » qui ne voulaient plus rien dire. il s’est fait recaler peter, de trop d’établissements. l’a pas eu le temps de finir sa scolarité- l’a juste bouffé en redoublements et réorientations de réorientations. l’avait les nerfs. l’a décidé qu’il deviendrait une putain de coqueluche, de celles qu’on trouve profondément stupides à la télé et qu’en attendant, il aurait qu’à vendre des régimes minceurs aux petites grosses et des filles hongroises aux puceaux. l’est pas beaucoup cultivé peter, l’a pas la logique demandé sans formule mathématiques. le dénouement attendu à la fin d’un livre dont il peine à lire la couverture. il lit encore syllabe par syllabe peter, on s’est foutu de sa gueule, il a plus jamais recommencé. 04. l’a le sommeil qui tombe trop vite trop fort. l’a le réveil express qui le tire comme une peluche à un marmot. s’plaint pas suffisamment pour s’éclipser dans un coin plus tranquille. l’a oublié les slogans à bouffer les haricots verts de la cantine, le sport trop lâche après un sprint de vingt mètres. c’est qu’il tous ces excitants pour le tenir debout. le redbull qui va jamais sans. les raviolis qu’il oublie parfois deux jours dans le micro-ondes mais qu’il finit par manger. fait pas vraiment gaffe aux dates de péremption, aux rendez-vous, aux lignes qui sont écrites en trop petites. il y a le retour qui se fait sans conscience, en tickets de caisse, en corps nus, en langues pendues à son oreille. en ongles plantés dans la nuit. 05. l’a pas vraiment choisi d’emplois à la longue. voulait pas devenir retourneur de steaks végétales (à mort les vegans) ou porteur de bagages sans ascenseur. et tous ces autres jobs de con. l’a pu se décider entre superstar et vedette. l’a juste décrété qu’il se tuerait pas à la tâche à nettoyer la merde de chipie. et tous ces autres chihuahuas entassés dans des sacs à mains. l’a quitté un boulot d’con où il nettoyait des vitres de buildings qu’il rêvait de voir s’effondrer. et puis il a menti. bien sûr. pour des contrats claqués et des chèques encaissés le temps de faire l’aller-retour à la banque. dix minutes tout au plus. l’a profité de tous ces oiseaux migratoires venus à new-york peter. du faux pour du faux. des photos à ses compétences en tant que vidéaste supposé professionnel mais dont le prix défie toute concurrence.