damnée

traits de caractère / EXISTENCE BIBLIQUE une chambre sanctuaire, crucifix qui orne les murs et versets sur le chevet. L’enfant risée sous l’emprise de Dieu, elle a daigné vivre, être femme. Une vulve qui la condamne comme Eve jadis, piètre rejeton qui a volé les desseins phalliques de ses parents. Louison, gosse de piété que l’on arrache aux péchés. LUXURE collégienne à l’appétit aiguisé réclame ses premières aumônes sexuelles. Elle est une armure d’hérésie. Genoux à terre, sa langue éclairée glisse sur la verge bétonnée de l'art de la manipulation, sa poitrine frémissante caresse l'imprudence d'une offense au Prophète. LE CLOÎTRE le déshonneur et la honte qui ébranle ses géniteurs ; la gamine se déprave, l’établissement entier a croisé ses ébats houleux entre élève et professeur. On la tiendra enfermée, des années durant, sans jamais qu’elle ne voit le jour. Parce qu’on la pense capable de détourner le soleil de sa mission, de séduire ses rayons et faire que le monde bascule dans l’ombre. DÉMENCE SUICIDAIRE un virus consume les lauriers, Louison apprend qu’ils se meurent et les larmes mouillent la moquette de sa chambre. Du crucifix, elle entaille sa peau. Le vermeil mouille la moquette de sa chambre, la macule pour toujours. LIBERTÉ un arsenal de chair exquise et enjôleuse supplante son vieux corps informe d'enfant, puis se dresse parmi ses semblables. Elle a fui, s’est volatilisée de la chambre tâchée, crucifiée. Le soleil l’observe désormais arpenter les rues miséreuses de la liberté, le corps creusé par la famine car la rue, si elle n’a pas honte de vous, ne vous nourrie pas. RÉDEMPTION Louison joue sa comédie dans un théâtre, s’abandonne au public extatique. Un labeur qui lui permet de vivre, d’éprouver l’extase des liens déliés.

Des épis de blé balancés vers l’arrière alors que la môme vide un flacon entre ses lèvres. Liquide amer qu’elle avale, et ses azurs qui se redressent sur le présent, divaguent sur les événements. Louison sue d’effervescence, brûle du dernier acte qui s’apprête à poindre. La lumière des projecteurs qui filtre à travers l’embrasure des rideaux, une partie de son portrait éclairé alors qu’elle se tient dans l’ombre. Des applaudissements qui transcendent son sourire, c’est à Phèdre de rendre son ultime monologue. Des écluses qui se referment, un souffle prolongé qu’elle exulte hors de ses poumons, Louison s’insinue sur une scène obscure. Le faisceau éclatant irrigue le théâtre, Thésée attend les aveux de la crinière dorée.

« Les moments me sont chers, écoutez-moi, Thésée,
C’est moi qui sur ce fils chaste et respectueux
Osai jeter un oeil profane, incestueux.
Le ciel mit dans mon sein une flamme funeste;
La détestable Oenone a conduit tout le reste.
Elle a craint qu’Hippolyte, instruit de ma fureur,
Ne découvrît un feu qui lui faisait horreur.
La perfide, abusant de ma faiblesse extrême,
S’est hâtée à vos yeux de l’accuser lui-même.
Elle s’en est punie, et fuyant mon courroux,
A cherché dans les flots un supplice trop doux.
Le fer aurait déjà tranché ma destinée;
Mais je me laissais gémir la vertu soupçonnée.
J’ai voulu, devant vous exposant mes remords,
Par un chemin plus lent descendre chez les morts.
J’ai pris, j’ai fait couler dans mes brûlantes veines
Un poison que Médée apporta dans Athènes.
Déjà jusqu’à mon coeur le venin parvenu
Dans ce coeur expirant jette un froid inconnu,
Déjà je ne vois plus qu’à travers un nuage
Et le ciel et l’époux que ma présence outrage;
Et la mort, à mes yeux dérobant la clarté,
Rend au jour qu’ils souillaient toute sa pureté. »

La tirade haletante, ravagée s’exténuait comme le corps enfiévré de la Phèdre. Elle était mourante. Quand sa carcasse fut parfaitement allongée sur le bois de la scène, un public ému entonna une symphonie de clapotis, saluant le cadavre sur lequel se refermait les grands rideaux rouges. Derrière, le macchabée resté immobile convulsait, des spasmes violents à en entrainer l’effroi.

Louison s’était empoisonnée, prête à rendre à Phèdre sa funeste réalité.