Sunday morning rain is falling {ft Amara}

Sunday morning.

Sunday morning rain is falling
Steal some covers share some skin
Clouds are shrouding us in moments unforgettable
You twist to fit the mold that I am in
But things just get so crazy living life gets hard to do.

T'as pas hâte que ta fille s'amuse à ça avec toi. A faire tout et n'importe quoi de tes cheveux, pour tester de nouvelles choses. Mais tu sais que c'est bien partie pour que ça arrive. Après tout, tu t'es déguisé en reine des neiges pour l'un de ses anniversaires. Et Amara garde un précieux souvenir de cette journée que t'as trouvé infernale. Mais pour Lily, t'es vraiment prêt à tout. Pour Lucas aussi d'ailleurs. Mais il n'est pas encore en âge de te faire des demandes toutes plus loufoques les unes que les autres, contrairement à sa grande soeur. Et puis tu perds le fil de la conversation alors que vous discutez tatouages. C'est dangereux de parler de plus en plus de Jenny comme ça. T'en es conscient. Tu sens la chose qui monte. Mais tu ne l'arrêtes pas. Amara continue. Jusqu'à imiter le ton de sa soeur. Presque trop précisément pour que ça ne te ramène pas des mois en arrière, quand elle était encore là. Avant sa disparition beaucoup trop brutale, du jour au lendemain.

Tu réalises pas que tout de suite que t'es en train de te perdre. Quand t'en prends conscience, t'es déjà en train de peiner à respirer. Le poids sur ton torse te coupe le souffle autant qu'il te fait mal. Quand ça te prend, t'as l'impression que tu pourrais crever. Ce qui est moins un problème quand t'es seul dans ta chambre. Mais qui en est un gros quand t'es là, dans un parc plein de gosses avec les tiens. Et Amara pour qui t'essaies aussi de garder bonne figure. Tu ne veux pas qu'elle réalises que t'es plus en souffrance que ce que tu veux bien lui montrer. Tu réalises pas la présence de sa main sur ton épaule. T'entends pas non plus le son de sa voix. Trop concentré que t'es sur ta propre lutte. Tu luttes pour repousser l'obscurité qui joue autour de toi. Qui menace de te submerger encore. Tu luttes pour calmer la douleur. Tu luttes pour retrouver ton souffle. Les mains sur ton visage te troublent vaguement. Tu commences à reprendre conscience du monde alentours. Tu te rappelles où t'es. Tu comprends que c'est Amara là, devant toi, qui tente de te reconnecter avec la réalité.

Tu comprends qu'à moitié les mots. Mais t'entends bien sa voix. Douce. Apaisante. Sa caresse sur tes joues. Son visage qui se dessine à nouveau dans ton champ de vision. Et tout de suite tu t'en veux. De n'avoir pas été assez fort pour te contrôler avant que ça n'arrive. Il aura suffit d'une fois pour qu'elle réalise que tu ne vas pas si bien que ça. D'une fois pour qu'elle prenne conscience que t'es peut-être pas l'homme fort et indestructible qu'elle pensait. Quoi ? T'as pas l'impression d'avoir sombré si fort. D'avoir eus le temps d'arriver à ce moment précis où tu commences à suffoquer. Pourtant elle te conseille de respirer profondément. Tu hoches la tête de haut en bas, le regard rivé sur son visage et te forces à prendre de profondes inspirations. Pourquoi ? Pourquoi être désolée ? Tu ne lui en veux pas. Pour rien. Tu portes une main à son visage pour essuyer les larmes de ton pouce. C'est moi qui suis désolé. De lui avoir fait peur. De l'avoir mise dans cet état aussi. Tu te retiens de te lever pour la prendre dans tes bras. Tu te contentes de caresser son visage en répétant que t'es désolé.

Sunday morning.

Sunday morning rain is falling
Steal some covers share some skin
Clouds are shrouding us in moments unforgettable
You twist to fit the mold that I am in
But things just get so crazy living life gets hard to do.

Tout dérape tellement vite ! En un instant, mes paroles que je pensais joyeuses, des souvenirs d'une époque passée, ont entrainé Suile en plein cauchemar. Je m'en veux terriblement d'être la cause de ce revirement. Encore une fois, je me suis laissée emporter par le moment et je n'ai pas réfléchi avant de parler. Je ne pensais pas qu'il allait faire une crise comme ça. Je n'imaginais pas qu'il en était encore à ce point là. J'ai bien vu sa tristesse, elle est évidente. Mais sa détresse ? Il l'a bien caché ses derniers mois. Et moi qui plaisante en utilisant les mêmes expressions que Jenny ! Quelle empotée ! J'aimerais pouvoir revenir en arrière et me taire, qu'il ne subisse pas cette flambée d'émotions malsaines à cause de moi. Je culpabilise tellement que j'en ai mal au ventre. J'ai peur pour lui parce que je ne sais pas comment le rassurer. Je fais ce que je peux, je le touche, je lui parle. J'utilise la douceur de ma voix pour le ramener parmi nous. Que les pensées, les images, ou que sais-je exactement qui lui traversent l'esprit,disparaissent.

Je pleurs de le voir dans cet état. Ça me fait mal, ça me blesse. J'aimerais pouvoir le rassurer et le réconforter. Faire disparaître cette douleur si familière. Je veux remplacer son visage sans expression par un sourire franc. Que ce deuil se termine enfin bon sang ! Je sens qu'il revient doucement à la conscience. Il croise mon regard voilé de larmes mais je m'en moque. C'est de lui dont il est question. Il m'a déjà vu pleurer, je ne suis pas à une humiliation près. Ce que j'espère, c'est qu'il ne m'en voudra pas trop. Qu'il ne décidera pas d'arrêter nos rencontres de peur de reproduire ce désastre. Dans la panique, je me mets à imaginer des choses ridicules. Et s'il décidait de couper les ponts ? et s'il décrétait que j'étais néfaste pour lui ? Pour les enfants ? Que deviendrais-je s'il m'interdisait de les revoir ? Que deviendrais-je sans lui ?

Je sens à mon tour ses mains sur mes joues, il retire les larmes qui ont coulé. Il s'excuse à son tour et cette fois c'est moi qui dit "Quoi ?" J'apprécie vraiment ses caresses, elle me réconforte mais ce n'est pas à moi qu'il doit penser. "C'est ma faute ! J'aurais dû me taire.. je suis vraiment désolée. Je ne pensais pas que ça provoquerait ça.. " Je me lève et essuie le reste de larmes, en espérant que les autres parents ne profitent pas de notre peine pour jouer au curieux. Je n'ai pas du tout la force de regarder autour si on est le centre de l'attention. En fait je m'en moque carrément. Tout ce qui m'importe c'est Suile. Je me tourne vers lui. "Je me suis laissée emporter.. je ne voulais pas.. je ne pensais pas.." je soupire en n'arrivant pas à trouver mes mots. Je me rassois sur le banc et lève la tête vers le ciel en fermant les yeux, le temps de reprendre mes esprits. Je sens les battements de mon coeur qui se calment doucement. Je l'avais senti s'agiter dès que Suile a commencé à respirer de façon bizarre. La peur est même allée jusqu'à faire trembler mes mains. Je les serre l'une contre l'autre pour me calmer et ne pas qu'il le voit. Est-ce que ce sera comme ça désormais ? Jenny deviendra un sujet tabou ? De peur que l'un de nous s'effondre à son souvenir ?

Sunday morning.

Sunday morning rain is falling
Steal some covers share some skin
Clouds are shrouding us in moments unforgettable
You twist to fit the mold that I am in
But things just get so crazy living life gets hard to do.

Tout de suite après l'obscurité, la panique et la douleur qui te semble insurmontable, t'es pris de remords. Alors que ton regard retrouve celui de ta belle soeur. Que tu réalises sa panique à elle aussi. Sa peur de te voir dans cet état. Sa peine. Son regret de t'avoir fait tomber. Parce qu'elle sait pas elle, que ça t'arrive encore régulièrement. Que t'es pas aussi fort que ce que t'as envie de faire croire. Seul, tu serais resté enfermé dans cette spirale infernale durant des heures. Pour te retrouver épuisé et sans force une fois sorti de cette transe. Mais y'a Amara. Qui te rappelle à elle. Qui use de sa douceur pour te rappeler que t'es pas seul, d'une certaine façon. Qu'elle est là. Et qu'elle aussi, elle a mal. C'est pour ça que t'évites de craquer de la sorte devant elle. Elle a bien assez à gérer avec sa propre peine. T'as pas le droit de lui infliger la tienne. Alors oui tu t'en veux. Tu regrettes d'avoir été incapable de te maîtriser. Tout ça parce que vous parliez trop librement de Jenny. C'est sa façon à elle d'aller de l'avant sans doute. T'as pas le droit de la ralentir.

Non non ... Que t'affirmes, la voix encore loin de là. Le ton doux. A peine audible. Ta main toujours sur son visage à effacer les larmes qui ne te font que plus de peine encore. Parce que tu te sens responsable. T'as de la peine quand elle pleure pour sa soeur. Mais cette fois c'est différent. T'as l'impression que c'est de ta faute. Elle remue devant toi. Tu lances un coup d'oeil à ton fils qui dort à poings fermés. Bien inconscient de l'état dans lequel vous venez de vous mettre tous les deux. Amara retrouve sa place sur le banc à côté de toi. Ton regard tout de suite attiré par ses mains que t'as le temps de voir trembler. T'y poses l'une des tiennes. Avec douceur, tu les recouvres. Geste qui se veut apaisant. Lui rappeler que si elle est là pour toi, t'es là pour elle en retour. Toujours. Même quand t'as l'air indisponible à cause de ta propre peine. T'as pas l'intention de la laisser tomber. T'as pas le droit de faire un truc pareil. Jamais. Pas seulement parce que c'est ta belle soeur, qu'elle est là pour tes gosses et là pour toi. Aussi et surtout parce que tu l'aimes beaucoup Amara. Depuis le temps qu'elle fait partie de ta vie, tu t'es forcément attaché à elle.

Tu pouvais pas savoir... Que tu souffles, toujours avec la même douceur. Je savais pas non plus ... Que t'ajoutes aussi. Parce que tu ne pouvais pas savoir qu'une simple conversation pourrait t'entraîner si vite vers ces profondeurs que tu tentes toujours d'éviter autant que possible. Mais j'veux pas que t'arrêtes de me parler Amara. Au contraire ... C'est pas si mal de parler de Jenny. Au contraire. Certaines fois ça fait juste moins mal. Et t'as envie de croire qu'un jour, parler d'elle ne fera plus mal du tout. Que vous pourrez le faire plus librement, sans hésitation et sans crainte. Y'a juste encore deux trois sujets compliqués. Comme les choses que t'ignorais encore à son sujet par exemple. Les projets qu'elle a pu mettre en place mais n'a pas eut le temps de réaliser, aussi. Comme cette histoire de tatouage qui a semblé sortir de nulle part. Oublie ça, d'accord ? Que tu demandes/proposes. Un peu désespéré. A l'idée de la voir se fermer.

Sunday morning.

Sunday morning rain is falling
Steal some covers share some skin
Clouds are shrouding us in moments unforgettable
You twist to fit the mold that I am in
But things just get so crazy living life gets hard to do.

C'est difficile de ne pas m'en vouloir après ce qui vient de se passer. Tout est allé si vite ! En un instant Suile est parti dans son monde et je ne pouvais rien faire pour le ramener. A part lui parler et lui rappeler ma présence à ses côtés. C'est le genre de truc qu'on peut pas prévoir mais qui fait flipper. Et là j'ai vraiment eu peur. C'est la première fois que je le vois perdre pied comme ça. Il aurait pu s'évanouir ou se mettre à paniquer. Dans ce parc entouré d'enfants et d'adulte, il aurait provoquer la panique. Tout ça parce que pour une fois, j'ai été trop bavarde. Je sais bien qu'il mérite de savoir tout ce que ma soeur a partagé avec moi à son sujet. Mais après cette expérience, je réfléchirais à deux fois avant de me lancer. J'éviterai déjà de le faire dans un lieu public. Au moins, s'il refait une crise chez lui, il peut s'allonger et rester tranquille quelques instants sans avoir à se soucier des regards extérieurs.

Je m'en veux même s'il me dit que je ne dois pas. C'est quand même à cause de moi que c'est arrivé cette fois. Je sens sa main se poser sur les miennes, tremblantes. Je pousse un profond soupire pour tenter de calmer les rythmes de mon coeur, reprendre une respiration normale et apaisée. J'ai eu tellement peur que j'ai cru un instant faire moi même une crise d'angoisse à sa suite. On aurait franchement pas été aidés. "C'est pas la première fois...hein ?" j'ose demander d'une toute petite voix. Ça ne me rassure pas de le savoir, mais qu'il adepte à voix haute qu'il ne va pas bien serait un bon début. Au lieu de tout vouloir garder pour soi constamment, pour montrer à tous qu'il est fort et capable de gérer seul. Je ne vais pas lui dire d'aller consulter, j'imagine qu'il entend ça depuis trop longtemps. Mais il a clairement besoin d'aide. D'écoute surtout. Encore faut-il qu'il accepte de se confier.

"Je peux pas oublier ça Suile." je lève les yeux vers lui pour capter son regard. Il est moins flou qu'avant mais je sens encore l'ombre qui l'a emporté, les ténèbres se sont à peine éloignées. "Faut que t'arrête de prétendre que ça va." Il pense m'épargner en me cachant ce qu'il vit mais c'est tout le contraire. Maintenant que j'ai aperçu une partie du calvaire qu'il traverse, je n'ai pas l'intention de le laisser traverser ça seul. J'ai mon propre deuil à gérer c'est vrai, mais à part des cauchemars et des crises de larmes, je m'en sors relativement bien. A mon tour de faire un geste vers lui, je pose ma tête contre son épaule. Ce simple contact m'apaise et me réconforte. Bien plus que des mots pourraient le faire.

Sunday morning.

Sunday morning rain is falling
Steal some covers share some skin
Clouds are shrouding us in moments unforgettable
You twist to fit the mold that I am in
But things just get so crazy living life gets hard to do.

Tu regrettes d'avoir ainsi fait peur à Amara. Qui va maintenant s'en faire beaucoup trop pour toi. Tu culpabilises. Comment faire autrement ? T'as pas envie qu'elle y pense inlassablement et qu'elle passe son temps à se faire un sang d'encre. A chaque fois que tu seras seul avec tes enfants, chez toi, par exemple. Parfois tu te dis que t'as juste besoin de craquer une bonne fois pour toutes devant quelqu'un qui sera là pendant que tu sombreras. Qui veillera sur toi et qui t'écoutera sans te juger. Mais t'as pas envie de faire subir ça à qui que ce soit. Et t'as trop peur de te montrer fragile. C'est idiot et tu le sais. T'es rien qu'un être humain. Mais t'as aussi un putain d'ego qui te retient. Quand t'as perdu Jenny, t'es resté enfermé dans ta chambre pendant des jours. Tes proches ont du s'occuper de tes enfants pendant ton long silence. T'as refusé qu'on te dérange globalement. Et quand t'as quitté ta chambre, t'avais l'air presque serin. T'as refusé qu'on en reparle. T'en as d'ailleurs jamais reparlé de cette période là. Certains se sont imaginés que le deuil était bien parti.

Ça t'as bien arrangé que les gens s'imaginent que tu galérais plus. Non ... Que tu préfères lui avouer. T'as caché bien assez de choses comme ça. Tu veux pas lui mentir par dessus le marché.C'est juste ... Quand je baisse ma garde. Quand j'y suis le moins préparé. T'as pas envie de la faire flipper. Qu'elle s'imagine pire encore que la réalité déjà bien assez merdique comme ça. T'as pas envie qu'elle vive en craignant qu'il ne t'arrive un truc à toi aussi. C'est pas le genre d'épisode que t'as à subir quand t'es en train de conduire, par exemple. Tu baisses trop rarement ta garde pour que ça puisse te prendre n'importe où et n'importe quand. Dans ce parc avec tes enfants pas loin, c'est une grande première. Le genre que t'espères ne pas réitérer. Et t'es conscient que c'est bel et bien partie de l'histoire de Amara et de sa plaisanterie qui a voulu qu'elle imite sa soeur. Mais t'es incapable de lui en vouloir. Tu ne peux pas empêcher les gens de parler de Jenny. Et surtout pas sa petite soeur à qui elle manque terriblement.

Tu soupires quand elle te fait remarquer qu'elle ne peut pas simplement oublier ce petit épisode. Et tu lèves le regard pour croiser le sien qui te cherche. Mais qu'est-ce que ça changera ? D'avouer aller mal. D'avouer souffrir comme un crétin. D'avouer être incapable de juste pleurer un bon coup pour tenter de faire couler la colère et la peine avec les larmes. A moins que le dire ne suffise à te faire craquer une bonne fois pour toutes ? T'as toujours eus l'habitude de tout refouler. T'as eus du mal à te laisser aller à cette relation avec Jenny, à cause de tout ça. Et puis les choses ont fini par se faire et ça a vite été bien mieux. Je sais pas ce que je dois faire. Que t'avoues simplement. Personne ne sait comment gérer un deuil, soit. Mais tout le monde ne se ferme pas pour éviter d'étaler sa douleur. Toi t'es bloqué. Et tu ne te vois pas tout reposer sur les épaules de Amara qui souffre déjà bien assez elle même. Tu serais le pire des hommes si tu venais à faire un truc pareil, c'est évident. La pire des personnes, plus largement.

Sunday morning.

Sunday morning rain is falling
Steal some covers share some skin
Clouds are shrouding us in moments unforgettable
You twist to fit the mold that I am in
But things just get so crazy living life gets hard to do.

Il me confirme qu'il n'en est pas à sa première crise. C'est pas difficile à comprendre. Il ne laisse personne voir qu'il a mal ni qu'il est vulnérable, lui aussi. On a toujours tendance à trouver normal qu'une femme pleure mais un homme ? C'est presque gênant. Sauf que les émotions refoulées, une fois qu'elles trouvent une brèche pour revenir à la charge, elles font des dégâts. La preuve aujourd'hui. Il a cru naïvement que personne ne capterait jamais ses problèmes, qu'on le penserait fort et robuste. La perte de contrôle est la preuve même qu'il ne peut pas gérer tout ça seul. Qu'il a besoin d'aide. Si tant est qu'il l'accepte. "On se prépare jamais à un truc comme ça. Mais t'as le droit de craquer toi aussi." Je me dois de le rassurer sur ce point. Parce que depuis que la crise est passée, il s'évertue à me réconforter moi et la panique que j'ai ressenti en le voyant dans cet état. Mais ce n'est pas comme ça qu'il arrangera les choses pour lui. Une faiblesse n'est jamais facile à admettre, surtout pas pour un homme comme lui. Il a des responsabilités, il a deux enfants qui comptent sur lui. Il ne peut donc pas se permettre de se montrer faible.

Je regrette de ne pas avoir vu de signes de sa détresse plus tôt. Si j'avais ne serait-ce qu'imaginer ce qu'il vit au quotidien, je me serais abstenue de certaines remarques sur ma soeur. Pour le moment en tout cas. Parce qu'il finira bien par aller mieux. Sans aide, il risque juste de mettre plus de temps et d'avoir énormément de mal à redevenir l'homme qu'il était. La personne bienveillante, souriante et juste tellement géniale que c'est difficile de ne pas l'apprécier. Je ne suis pas une pro des thérapies, je n'en ai jamais eu besoin mais plus j'y pense et plus je me dis qu'il devrait y réfléchir. Mais difficile d'amener le sujet sans le braquer alors je réfléchis. Je cherche un moyen de lui faire comprendre qu'il doit arrêter de faire semblant. Je sens qu'il n'est pas convaincu, qu'il ne sait pas s'y prendre et c'est normal. Si c'était aussi simple de surmonter un décès, on ne parlerait pas de deuil. Chaque personne est différente et vit les choses à sa manière. Dans tous les cas, la solitude et le déni n'ont jamais prouvé leur efficacité. "Rien que de parler ça peut déjà soulager Suile, crois moi."

J'en ai passé des heures à me confier à ma mère sur Jenny. On a ressassé le passé, parler de souvenirs heureux comme douloureux. On a pleuré et crié même. Mais on a aussi ri et partager de belles choses. Après ça, on est crevé, totalement lessivé mais le moral est soudain meilleur. Il avoue ne pas savoir quoi faire et c'est un bon début. Au moins, il ne se voile pas la face, ne se braque pas non plus. Je relève la tête pour le regarder. Je libère une main de son emprise juste pour pouvoir la poser à mon tour au dessus de la sienne. "Il n'existe pas de mode d'emploi. Mais t'es pas seul." Il le sait ça bien sûr mais entre partager des moments agréables comme cette promenade au parc et parler de ses doutes, ses peurs et ses blessures, il y a un monde. Je ne veux pas le forcer à se confier à moi, je me contente de lui donner des pistes. A lui ensuite de faire son choix. "T'as pas besoin de m'en parler à moi si ça te gêne. Y a ton frère et ta soeur, tes amis.. puis y a toujours la solution du psy si tu veux parler à un total inconnu qui ne te jugera pas. Juste pour évacuer tout ton ressenti, tu vois ?"

Sunday morning.

Sunday morning rain is falling
Steal some covers share some skin
Clouds are shrouding us in moments unforgettable
You twist to fit the mold that I am in
But things just get so crazy living life gets hard to do.

T'as été assez naïf pour penser qu'elle pourrait rapidement passer à autre chose. Oublier cette petite crise que tu viens d'avoir, pour se concentrer sur la peur qu'elle a elle même eut le temps de ressentir. Mais c'est complètement naïf de ta part, effectivement. Elle y revient, inlassablement. Tente de comprendre et de savoir si c'est récurent. Tu ne veux plus lui mentir alors tu lui réponds, alors même que tu préférerais la voir passer à autre chose. En vain, tu le vois et le sais bien. T'essaies quand même. Parce que tu culpabilises de lui avoir fait peur et de t'être ainsi laissé aller devant elle. Tu te sens un peu plus gêné alors qu'elle insiste. Quand bien même t'es conscient qu'elle le fait pour toi et uniquement pour toi. Tu le comprends et c'est pourquoi t'acceptes sans te fermer ni l'envoyer chier. Tu te refuses à réagir aussi stupidement. T'as beaucoup trop besoin de sa présence dans ta vie. Je sais pas ... C'est tout ce que tu trouves à répondre à ses incessantes tentatives.

T'as jamais été trop bavard. Exprimer tes sentiments, ce n'est définitivement pas ton fort. J'ai jamais été très doué pour ça ... Que tu te confies un peu. Sans préciser que ta relation avec sa soeur a été compliquée par ça à ses débuts. Tu te dis qu'elle lui en a sans doute déjà parlé. T'es forcé de te redresser un peu quand elle cherche ton regard du sien. Vos mains toujours refermées les unes sur les autres. Inconsciemment, tu caresses sa peau de ton pouce. Tu ne sais plus tellement si tu cherches à l'apaise ou à t'apaiser toi même. Tu sais juste que ce contact physique te fais du bien. Et que t'es incapable de ne pas en profiter un peu, le temps que ça dure. T'écoutes ses paroles alors même que ton cerveau te répète que non, tu ne feras rien de tout ça. Non, tu ne vas pas commencer à te confier à qui que ce soit. Ton esprit refuse le tout en bloc, même si tu hoches positivement la tête. Et que tes lèvres soufflent un : j'essaierai qui n'a pour but que de la rassurer. C'est ta seule façon de procéder. Tu sais pas faire autrement. T'as pas envie qu'elle s'inquiète.

Tu sais pas comment elle fait, elle. T'oses pas lui demander à qui elle en parle. Puisque quand elle le fait avec toi, apparemment ça fini mal parce que t'es faible au point de ne pas pouvoir l'affronter sans rechigner. Papa ? On peut rentrer à la maison ? Suis fatiguée ... Comme pris en faute, tu libères les mains de la blonde et pivotes pour planter ton regard dans celui de ta petite. Elle n'a pas l'air perturbée par ce rapprochement physique. Plutôt l'air inquiet sur le visage. Tu te doutes qu'elle a assisté à toute la scène. A cette idée, t'as le coeur qui se serre. Quand bien même tu lui offres un sourire. Bien sûr. Tu veux que je te porte ? Sans surprise, elle hoche positivement la tête et te tend déjà ses bras fins. Tu l'attrapes et la soulèves de terre en te relevant toi même. Tu lances un coup d'oeil à Amara qui, tu t'en doutes, se chargera sans doute de gérer la poussette. Tu regrettes d'avoir fait tourner court cette petite sortie "en famille" alors que Lily serre un peu plus fort ses bras autour de toi. Elle ne te voit jamais en pleine crise. Mais elle est toujours plus ou moins consciente de ta peine incessante.

Sunday morning.

Sunday morning rain is falling
Steal some covers share some skin
Clouds are shrouding us in moments unforgettable
You twist to fit the mold that I am in
But things just get so crazy living life gets hard to do.

Je me doute bien que je suis allée trop loin encore une fois. Il me parle à peine, ce qui n'est pas nouveau en soi. Mais là c'est différent. Je sens qu'il me répond juste pour me faire plaisir. Il ne met pas le coeur à la démarche et je ne peux que le comprendre. C'est de lui que ça doit venir, l'envie d'avancer. Personne ne peut le faire pour lui ni le forcer à en avoir envie. En tout cas, j'ai plus parler ces dernières minutes que je ne l'ai fait dernièrement. En partie pour réparer mon erreur mais aussi pour qu'il n'oublie pas que je suis là pour lui. Belle-soeur ou non, il fait partie de ma famille. Phrase que je me répète inlassablement pour ne pas trop m'emballer en sentant le contact de ses doigts contre les miens. Ses caresses sont apaisantes et elles ne doivent rien vouloir dire d'autre.

Lily interrompt ce moment gênant et je sens un vide se propager en moi quand Suile retire subitement ses doigts. Comme pris en flagrant délit... mais de quoi ? J'essuie mes yeux pour enlever les éventuels résidus de mascara qui auraient coulé avec mes larmes, histoire de ne pas faire peur à ma nièce. Je n'ai pas spécialement envie de lui expliquer pourquoi je fais cette triste mine tout à coup. Je me lève à la suite de Suile pour prendre les affaires. Il porte Lily jusqu'à la voiture tandis que je pousse Lucas encore bien endormi dans la poussette. Une fois bien installés dans la voiture, je m'assieds devant à côté de mon beau-frère. Le trajet jusqu'à son appartement se fait en silence. Ma nièce s'est endormie à peine installée dans son siège. Cette sortie les aura au moins bien fatigués, même si, connaissant Lily, elle sera de nouveau bien en forme dans l'après-midi.

Je me propose de prendre Lucas dans mes bras une fois arrivé. Il ne se réveille toujours pas, bien blotti contre moi. Je l'emmène dans sa chambre et le pose dans son lit en lui retirant ses chaussures. Je ne le couvre pas, il risquerait d'avoir trop chaud. Je dépose un baiser sur son front puis allume le babyphone pour que Suile puisse l'entendre à son réveil. Il sort plus ou moins au même moment de la chambre de Lily. Je passe une main dans mes cheveux, me sentant soudain de trop. "Je vais rentrer." J'en ai assez fait pour aujourd'hui, que j'ai envie d'ajouter. Je soupire puis sors un sourire que j'espère sincère en me tournant vers Suile. "N'hésite pas à m'appeler si t'as besoin." Une phrase bateau que je dis à chaque fois mais qui n'en reste pas moins vraie. Le silence dans l'appartement est étrange. Habituellement plein de vie par les deux petits, c'est presque vide quand ils dorment. "Profites-en pour te reposer toi aussi. Dans un vrai lit cette fois." J'essaye de plaisanter en lui rappelant la nuit qu'il vient de passer couché sur le canapé avec ses enfants. J'imagine que sa nuque a du en prendre un coup à force de rester dans la même position.

Je n'attends pas qu'il me retienne, il ne le fera pas et je ne me vois pas rester plus longtemps. La vague d'émotions qui nous a submergé a suffi à m'épuiser, moi aussi. Je cogite en rentrant. Je cherche qu'est-ce que j'aurais pu dire ou faire autrement pour ne pas provoquer ce drame. Forcément ça me fait pleurer d'y repenser. La culpabilité est toujours là et risque de rester un moment ancrée. Je me pose sur mon propre lit et j'observe le plafond. Je n'arrive pas à trouver le sommeil, je ne fais que penser. Encore et encore. Puis je finis par faire ce que je fais toujours dans ces cas là. Je me lève, je vais dans mon bureau et je me mets à dessiner. Ça m'apaise et me détend. Ça me fait coucher sur papier mes émotions, ça m'aide à penser à autre chose. A évacuer le stress. Jusqu'à ce que je capte que ce que je suis en train de dessiner c'est un portrait de Suile. Je soupire en me frottant le front. Je l'ai vraiment dans la peau ce mec.