Sunday morning rain is falling {ft Amara}

Sunday morning.

Sunday morning rain is falling
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You twist to fit the mold that I am in
But things just get so crazy living life gets hard to do.

C'est une odeur qui vient doucement te chatouiller les narines, qui te tire du sommeil. Pas Jenny. C'est la première chose que tu dois te dire alors que tu retrouves lentement tes esprits. Ça n'a jamais été son genre de préparer le petit déjeuner de toute façon. Jenny elle était speed dès le matin. Sur le pied de guerre dès six heures pour faire couler du café noir et disparaître dans la foulée quand c'était jour de travail. Jamais le temps de prendre un petit déjeuner. C'est toi qui, une demie heure plus tard, te levais pour préparer ça et t'occuper de votre fille. Vous aviez votre rythme bien à vous. Vous retrouvant à midi pour déjeuner ensemble et le soir en famille tous les trois. Le week-end, la tâche du petit-déjeuner te revenait de droit en milieu de matinée. Que vous dévoriez tous ensemble dans le grand lit conjugal. Une tradition que tu t'es bien gardé de reprendre. L'absence est tout bonnement insoutenable quand tu vis les choses que vous aviez l'habitude de faire ensemble. T'essaies de créer d'autres habitudes avec tes enfants. Mais là aussi, c'est difficilement supportable. Créer des souvenirs sans qu'elle ne soit présente sur le tableau, ça te coûte.

Du coup, tu devines assez facilement qui se trouve dans la cuisine. Amara est la seule autre personne à avoir les clés de ton appartement. Parce qu'elle a vécut quelques mois avec vous, qu'aujourd'hui elle a un appartement tout près et parce que ça reste plus pratique. Peu à peu tu reprends pieds dans la réalité. Tu prends conscience du poids qui pèse sur ton torse. Et celui contre ton flan, sur ton bras où la circulation de ton sang est certainement mise à mal. Tu relèves la tête pour voir le crâne brun de ton fils et à côté, les cheveux trop longs de ta fille. Avec autant de douceur que possible pour éviter de les réveiller, tu te lèves. Lily remue un peu mais ne se réveille pas. Ton fils ne bronche même pas lorsque tu le fais passer de ton torse aux coussins du canapé. Une fois certain que tu ne les as pas réveillé, tu t'étires pour faire craquer ton corps mis à mal par la position compliquée sur le canapé trop étroit pour un adulte de ton gabarit et deux enfants. T'as le cou autant en vrac que ton dos. T'es d'ailleurs en train de te le masser quand t'arrives dans la cuisine, un oeil à moitié fermé encore et les sourcils froncés pour affronter le soleil qui entre à flot dans cette pièce.

Hey ... Que tu souffles un ton trop bas, la voix rauque de sommeil encore. Ça fait longtemps que t'es là ? Que tu demandes ensuite en attrapant une tasse dans le placard. Une autre que tu lèves pour lui demander si elle en souhaite une aussi. Après quoi tu te concentres sur la cafetière pour faire couler du café. Bien noir, histoire de te réveiller. T'aimes plus les dimanches. C'est quand t'as rien à faire que tu ressens plus cruellement que jamais l'absence. Là que tu ne sais plus comment t'occuper pour ne pas trop penser. Alors la présence de Amara t'arrange un peu. Même si tu ne le lui diras pas. Y'a beaucoup de choses que tu gardes sous silence depuis beaucoup trop longtemps. Et surtout, t'as pas envie qu'elle se sente obligée de se pointer tous les dimanches pour t'aider. Elle en a déjà bien assez fait cette dernière année.

Sunday morning.

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Le dimanche est le jour des familles. Le jour des brunch, des sorties dans le parc et des projets de la semaine à venir. Tout ça est parti en fumée l'année dernière à la mort de Jenny. La famille que j'ai failli construire en me mariant avec Jack ? Terminée. Maintenant, le dimanche est soit monotone, un jour comme un autre, soit le partage de quelques bons moments avec mon neveu et ma nièce, pour décharger un peu leur papa. En débarquant dans leur appartement ce matin, je m'attendais à entendre des cris d'enfants en train de jouer. Mais rien. Le silence absolu. Je me suis baladée dans l'entrée, puis dans le salon, les sourcils froncés. Suile m'aurait prévenu s'ils étaient partis quelque part. Bon je n'avais pas non plus annoncé ma venue si matinale mais comme je n'arrivais plus à dormir, je trouvais l'idée de petit déjeuner seule un peu triste. Je me fige soudain face à la vision devant moi. Les trois membres de la famille, collés les uns aux autres sur le canapé du salon. Un sourire attendri sur les lèvres, je les observe quelques instants pour graver cette image joyeuse dans ma mémoire.

Je m'approche pour tirer un peu plus la couverture sur les corps encore frêles des enfants et me surprend à m'attarder pour observer le visage paisible de leur père, encore profondément endormi. Il ne mérite pas d'être malheureux, personne ne le mérite en fait. Mais lui, je serais prête à tout pour qu'il arrête de souffrir constamment. D'où la raison de ma présence. M'éloignant doucement du salon, j'entre dans la cuisine et sors les ingrédients nécessaires pour faire des pancakes. Je tente de faire le moins de bruit possible, mais au moment d'allumer la poêle, je suis bien obligée d'utiliser la hotte pour ne pas que l'odeur de nourriture ne se promène dans tout l'appartement. Bien que ça doit être agréable de se réveiller avec ce genre de parfum. Aucun de mes petits amis n'a fait ça pour moi. J'étais toujours la première levée, la première à préparer le repas dans le but de faire plaisir aux autres. Non pas que je m'en plaigne, ce n'est qu'un constat.

La moitié de la pâte était cuite quand Suileabhan fait son apparition dans la cuisine. "Salut" le saluai-je avec un sourire tout en continuant de surveiller la cuisson de la crêpe. J'acquiesce quand il me montre une tasse et le laisse s'occuper des boissons pendant que je poursuis ma besogne. "Une vingtaine de minutes à peu près. Je n'ai pas voulu vous réveiller. Vous étiez si mignons tous les trois." murmurai-je ensuite en mettant une nouvelle louche de pâte dans la poêle. Il vaut mieux ne pas parler trop fort pour ne pas réveiller les deux petits, au moins jusqu'à ce que le repas soit totalement prêt. "Lily t'a encore forcé à regarder la Reine des Neiges et ça vous a achevé ?" Sourire plus prononcé aux lèvres, je tourne la tête vers le tatoué, le souvenir d'une après-midi déguisement et maquillage pas si lointain que ça. Je garde d'ailleurs toujours la photo de Suile habillé d'une robe bleue comme la fameuse princesse, une perruque sur la tête et un maquillage façonné par sa fille en guide de touche finale. Il n'avait pas voulu pousser le vice jusqu'à se raser alors le résultat était encore plus marrant.

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T'es pas surpris pour un sou de trouver Amara dans ta cuisine, en train de préparer des pancakes. Ca fait bien longtemps qu'elle s'occupe trop de toi et de ta petite famille. Trop longtemps qu'elle s'est oubliée elle même. Allant jusqu'à foutre en l'air ses fiançailles. Tu peines à ne pas imaginer que t'es en partie responsable de ça d'ailleurs. A moins que son fiancé n'ait pas été à la hauteur. N'ait pas été en mesure de la sortir de cet océan de tristesse dans lequel le décès de sa soeur aînée a eut le don de la plonger. Ou elle a très vite passé trop de temps avec vous trois. C'est possible ça aussi. Elle a tout de suite pris très à coeur de vous aider au quotidien. Elle s'est oubliée dans la manoeuvre. T'as jamais eus le courage de le lui dire, parce que t'as pris tout ce qu'elle a pu t'offrir. Mais en abandonnant la maison au profit d'un appartement, t'as eus l'espoir qu'elle parvienne à remonter la pente de son côté. En se retrouvant avec elle même. Tu sais pas où elle en est de son deuil. Si elle a plus avancé que toi. En soit, ça n'aurait rien de compliqué. Toi même t'es bloqué depuis une éternité.

Tu doutes qu'elle se soit sortie la tête de l'eau. Elle est tout le temps fourrée avec vous en fin de compte. Tu ne vas pas t'en plaindre. Sa présence est agréable. Et tu sais que tes enfants aussi sont heureux à chaque fois qu'elle est là. Rien que pour leurs sourires immenses et leurs rires innocents, tu ne peux pas demander à Amara de s'éloigner pour se retrouver, pour se relever, pour avancer ensuite. T'affiches une petite et brève grimace quand elle mentionne le fait que vous étiez mignons tous les trois. Ca fait bien longtemps que tu n'essaies plus de donner le change et de donner l'impression que t'as aucune fragilité, que t'es un mec costaud capable de se relever de tout. Alors t'es plus à ça près. T'as un peu pitié ta fierté depuis le temps. Surtout devant Amara. Tu n'as certes jamais pleuré devant elle. Mais tu ne peux pas faire semblant de ne rien ressentir au quotidien. Or, ton quotidien, elle l'a vécut avec toi pendant des mois. Elle a été là.

Même pas. C'était zootopie, tu vois. Que tu lui réponds, sur un ton qui se veut amusé. Qui se veut seulement. Tu peines à retrouver le goût à la plaisanterie. Tu parviens à te lever tous les matins déjà, on te pardonnera le reste. Toi qui étais incapable de sortir de ton lit le premier mois. Je crois avoir perdu sa peluche de Nick Wilde. Alors en guise de punition j'ai eus droit à deux visionnages coup sur coup. Que t'avoues en lui tendant sa tasse de café. La tienne entre les mains, tu t'approches de la fenêtre que t'ouvres en grand, pour t'installer contre son rebord. Visionnages qui se sont terminés extrêmement tard, puisque t'as passé une partie de la nuit au pub à bosser. Tes enfants ont pris la mauvaise habitude de vivre de la même façon décalée que toi. T'es pas sûr que ça fasse de toi un très bon père ça. Mais en même temps ça t'arrange. Y'a que comme ça que vous pouvez passer du temps ensemble. Et en les ayant dans le pub en journée quand il n'y a pas trop de monde. T'imagines pas ta vie sans tes enfants à tes côtés aussi souvent et longtemps que possible.

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L'envie de passer du temps avec mon beau frère et ses enfants n'est pas nouveau. J'ai toujours été proche de ma famille, ma soeur était ma meilleure amie. Il ne se passait pas un jour sans que l'on s'écrive ou s'appelle. Aux dernières nouvelles, elle avait été heureuse que je me fiance, bien que très surprise de mon choix de compagnon. Que dirait-elle maintenant ? Que tout ce qu'elle avait connu avant sa mort se casse doucement la figure ? Je ne sais pas si mon pseudo mariage avec Jack aurait marché. Je l'aimais bien, il était sympa, prévenant et son fils était adorable. Mais il n'était pas Suile. Personne ne l'égalerait. Jamais. C'est pénible de constamment comparer les hommes à cet idéal que je ne pouvais pas avoir. Encore plus maintenant que Jenny n'est plus des nôtres. Arrivait-elle à lire dans les pensées de là où elle se trouvait ? Que penserait-elle de mes sentiments enfouis pour son mari ? Pour sûr qu'elle me détesterait pour ça, tout comme elle comprendrait, vu qu'elle avait elle-même succombé à ses charmes des années plus tôt.

Passer du temps près de lui est difficile et agréable en même temps. Difficile parce que sa tristesse est le reflet de ma propre détresse émotionnelle. Agréable parce que je me sens guérir jour après jour à son contact. Lui, en revanche, a du mal à reprendre une vie "normale". Je tente à chaque occasion de plaisanter, le faire ne serait-ce que sourire pour qu'il n'oublie pas comment on fait. Heureusement, Lily et Lucas sont là pour qu'il n'oublie pas non plus ce qu'aimer veut dire. Aucun doute là dessus, il les aime ses enfants. Plus que tout. Je sors trois assiettes des placards que je pose sur le plan de travail pour y déposer le repas une fois prêt. "Tu veux une omelette avec ? Du bacon ?" Cuisiner est apaisant, surtout quand c'est pour nourrir plusieurs personnes. Seule chez moi, je me contente bien souvent de plats à emporter ou déjà cuisinés. Alors que chez les O'Brien, je prends plaisir à créer de bonnes odeurs dans la cuisine.

L'oreille attentive, je l'écoute m'énoncer le film visionné et la raison de cette "punition". "Elle ne t'a pas encore supplié d'adopter un animal à la place ?" La petite Lily est adorable mais comme tous les enfants de son âge, dès qu'elle voit quelque chose qui lui plaît, elle réclame la même chose. Je ne la vois pas pour autant avec un renard en guide d'animal de compagnie, mais c'est un détail. Je bois moi aussi un peu de café. Ce n'est pas mon premier et ce ne sera certainement pas mon dernier. C'est devenu une drogue depuis quelques mois. Un remède pour m'empêcher de dormir et succomber aux cauchemars qui revenaient régulièrement. Comme ça, quand je m'endors, c'est en général d'épuisement. Je préfère ça plutôt que de me shooter aux somnifères et ne plus pouvoir réfléchir clairement le lendemain. Je lève la tête de ma poêle pour observer Suile qui est perdu dans ses pensées, le regard fixé sur l'extérieur. Je soupire à cette vision, triste de ne pas pouvoir le réveiller de sa transe endeuillée. "Tu avais prévu un truc aujourd'hui ? Je peux m'occuper des petits si tu as besoin de faire quelque chose..." Bien que je préfèrerai passer du temps avec lui aussi. Surtout un jour comme celui-là. Personne ne devrait travailler un dimanche. Surtout pas un veuf en manque de distraction pour oublier sa peine.

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Tu la regardes prendre le temps de préparer ce petit déjeuner pour toute la petite famille et pour elle. Et sortir de quoi dresser la table. T'es parfois bien soulagé qu'elle soit si différente de sa soeur, Amara. Soulagé qu'elle n'ait pas les mêmes réflexes et habitudes. Ce n'est pas pour autant que tu ne penses moins à ta femme. Mais t'es pas frustré de la voir évoluer dans ton appartement. Ce matin tu ne t'attendais pas à voir Jenny sous prétexte que de la cuisine s'échappait une délicieuse odeur de pancakes. Ouais je veux bien ... Mais je peux m'en occuper si tu veux. Tu ne tiens pas à ce qu'elle en fasse trop pour toi. T'es loin d'être le macho de base qui s'imagine que la place des femmes est dans la cuisine. Ça ne se passait d'ailleurs pas comme ça du tout avec Jenny. Et si t'avais eus le culot d'émettre cette idée, elle t'aurais ris au nez avant de t'ordonner de préparer le repas. Elle avait un sacré caractère Jenny.

Tu grognes dans ta barbe quand elle parle d'un animal. Bien sûr qu'elle s'est chargée de te demander ça ta gamine. Quelle question ! Bien sûr que si. Un chiot roux ou marron avec des poils longs. C'est sa description. Que tu réponds en levant les yeux au ciel pour appuyer ton désespoir à ce niveau là. T'as pas l'intention d'adopter un chien. C'est trop contraignant. T'as pas assez de temps pour gérer ça, en plus de tes deux enfants. Dont un petit garçon qui commence à toucher à tout, à courir de partout et même, à vider sa couche n'importe où. Tu galères parfois. Y'a des soirs où t'aimerais bien juste te barrer quelques heures pour évacuer la boule de nerfs qui se loge en toi tout au long de la journée. Mais tu ne peux pas. Et très vite, tu regrettes ses pensées, tu t'en veux et tu te dis que t'es vraiment un sale type doublé d'un mauvais père. Tout ça, Amara ne le sait pas. T'as pas envie de charger plus encore ses épaules déjà bien assez fragiles comme ça.

Evidemment, elle émet l'idée que tu prennes ta journée pour toi pendant qu'elle s'occupera de tes petits. Se doutant sans doute que tu vas refuser. T'es incapable de les laisser aussi longtemps. Et de toute façon, t'irais faire quoi toi ? Un tour en moto comme t'en faisais beaucoup par le passé ? Ta bécane est bien au frais dans ton garage depuis pas mal de mois maintenant. Revoir des amis que t'as perdu de vue suite à la disparition de Jenny ? Ils ont fini par se lasser de t'attendre, t'es pas sûr d'être bien accueillis. Non ... Je vais juste rester là avec eux. Tu peux rester si tu veux. Il devrait pas faire trop chaud, on pourrait même sortir un peu. Que tu lui proposes tout naturellement. Si elle émet l'idée de les garder, c'est bien qu'elle non plus n'a rien de prévu. Distraitement, tu tapotes les poches de ton jean pour en sortir le paquet de clopes et le briquet qui y traînent depuis la veille. T'as arrêté quand Lily est née. T'as repris quand Jenny est partie. T'abandonnes les deux sur le frigo pour les garder hors de portée de tes enfants. Tu ne fumes pas chez vous. T'évites surtout de le faire en leur présence, pour des raisons évidentes. T'as pas même envie qu'ils te voient faire. Comme s'il s'agissait d'un vice impardonnable.

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Je sors une seconde poêle à la réponse de Suile et pose à côté tous les ingrédients dont il peut avoir besoin pour se faire une bonne omelette ou même se cuire du bacon. Sa réponse étant vague, je ne sais pas vraiment ce qui lui ferait plaisir. "Vas-y mais dépêche toi. Je pense que l'odeur va pas tarder à réveiller les deux endormis." je me permets d'ailleurs un rapide coup d'oeil vers le canapé où les deux silhouettes sont toujours allongés sous la couverture. Un sourire au visage, comme à chaque fois que je vois ces petits anges, je me remets à la tâche. Je pose de l'alu sur les pancakes cuits pour qu'ils restent chauds et je finis mon café avant de m'en resservir un deuxième que je laisse refroidir cette fois, pour le boire une fois à table.

Sans trop me surprendre, j'apprends que Lily souhaite un chien qui ressemble au héros de son dessin animé du moment. Un petit rire m'échappe à cette idée. Décidément, qu'est-ce qui ne fallait pas entendre ! "Et une nouvelle peluche en remplacement de l'ancienne ne suffirait pas tu crois ?" C'est qu'ils sont malins ces enfants. Ils captent facilement quand on essaye de les duper. Avec un nouveau doudou tout neuf alors que l'ancien ne ressemble plus à rien et est déchiré de partout. Ou une peluche égarée remplacée par sa version plus récente mais néanmoins identique. Ce genre de petits problèmes est le quotidien des parents. C'est un peu devenu le mien aussi depuis l'année écoulée. Ça ne me déplait pas, bien au contraire. Ma propre horloge biologique a décidé de faire son apparition quelques temps plus tôt et pouvoir la calmer en m'occupant de mon neveu et de ma nièce me va très bien. Puis j'aime qu'on m'appelle tatie, c'est tellement mignon, surtout dans la bouche d'un enfant qui a encore du mal à articuler.

Comme je m'y attendais, Suileabhan refuse de quitter ses enfants. Je le comprends et en même temps, ça me désole qu'il n'arrive pas à trouver du plaisir ailleurs qu'avec eux. Il n'en est pas au stade de les étouffer, son boulot lui prend bien trop de temps pour ça. Mais ça reste malsain. Je suis moi même mal placée pour lui faire une remarque. J'ai adapté mon propre boulot pour être plus disponible pour eux. "Très bien." Je n'insiste pas, n'y voyant aucun intérêt. Je l'observe déposer le paquet de cigarettes hors de portée de petites mains curieuses et reste silencieuse, bien consciente que la clope est devenue sa propre addiction à lui. Avec un peu de chance, il arrêtera quand il ira mieux. Parce qu'il ira mieux, un jour. Il le faut. Je me contente de sortir le jus d'oranges du frigo quand une tornade brune s'abat sur mes jambes en criant joyeusement "Tatie Amy !" Je souris en m'agenouillant devant elle et la prend dans mes bras pour lui faire un câlin ponctué d'un bisou sur la joue. "Ma princesse ! Tu tombes bien, aujourd'hui c'est pancakes !" "Oui !! Z'ai faim !" Ses dents de devant sont tombées au début de la semaine et maintenant elle zozote quand elle parle, c'est adorable. Je la relâche pour qu'elle rejoigne son père tout de même puis les laisse seuls pour réveiller le petit dernier. Une petite caresse sur la joue et des mots doux murmurés à l'oreille, jusqu'à ce que ses yeux s'ouvrent doucement.

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T'as le coin des lèvres qui tressaille quand elle "t'ordonne" de te dépêcher. Tu lui lances un regard relativement amusé. Le genre qui fait pétiller tes yeux clairs d'un semblant de vie. On en est à se donner des ordres maintenant ? Mais ça a surtout le don de t'amuser. Or, tu prends toutes les petites choses comme ça qui arrivent encore à te faire cet effet. Parce que ça te fait du bien, le temps que ça dure. Tu gères tranquillement la préparation des oeufs brouillés et du bacon, avant de les laisser sur la plaque de cuisson pour que ça refroidisse quelques minutes. Et lui faire croire que c'est la même ? T'as presque l'air catastrophé en posant cette question. Si tu fais un coup aussi tordu à ta fille, elle va bien te faire sentir qu'elle n'est pas contente. Elle n'est pas du genre à hurler au scandale, à pleurer et à taper du pied. Plutôt le genre qui s'assoit en tailleur au milieu de sa chambre, bras croisés, dans l'attente que tu répondes positivement à son dernier caprice. C'est dans ce genre de moment que t'as envie de prendre ton manteau, de monter sur ta moto et de te casser.

De toute façon elle était moche cette peluche. Ce truc ressemblait à un toxico en plein plane. Que tu grondes. T'en fais trop parfois, sur certains points. Tu vois un peu le mal partout et tu le sais. Réflexe d'ancien flic sur fond de papa poule. C'est plus fort que toi. T'en fais même trop en ce qui concerne la clope. Tu te comportes comme si c'était la pire des choses, refusant que tes enfants te vois avec ça au bec. Tu sais que Jenny non plus n'apprécierait pas de te savoir revenu à la cigarette. T'as eus tellement de mal à arrêter. Pas tout à fait du jour au lendemain. T'as dérapé bien trop de fois. Mais tu t'en es sorti. A la réponse de la blonde quant à ton programme de la journée, tu poses les yeux sur elle. Tu ne sais pas si ça signifie qu'elle va rester ou non. Peut-être espérait-elle un moment seule avec les enfants aussi. Quand ça lui arrive, ça ne dure jamais bien longtemps il faut dire. T'es constamment dans leurs pattes. Mais tu sais pas faire autrement. T'as plus qu'eux alors tu t'y accroches comme un nageur qui peine à ne pas se noyer. Ils sont la seule raison pour laquelle il parvient à garder la tête hors de l'eau. Ta petite brune débarque d'ailleurs dans un grand cri de joie pour sauter à la jambe de sa tante.

Tu les regardes toutes les deux. La présence de ta belle soeur dans vos vies, n'est pas bénéfique que pour toi. Tes enfants en sont fous. Elle file d'ailleurs pour aller récupérer Lucas. De ton côté, t'attrapes Lily dans tes bras et la soulèves de terre pour qu'elle dépose un baiser sur ta joue. Tout de suite derrière elle enroule ses bras autour de ton cou et te serre aussi fort qu'elle peu. C'est un jeu entre vous. Le but n'étant pas d'essayer de t'étouffer -pas que tu saches- mais bien de voir à quel point elle peut t'aimer. Tu fais quand même mine de t'étouffer pour l'embêter. Finalement tu l'installes à table puis t'occupes du biberon de Lucas en attendant que Amara revienne avec lui. Tu termines de préparer la table du petit-déjeuner. Et affiches un nouveau petit sourire à la vue de ton fils dans ses bras.

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Je lève les yeux en sentant une pointe de plaisanterie dans son ton, signe qu'il y a encore de l'espoir et que je dois m'y accrocher. C'est bon de le voir ainsi, même si ça ne dure que quelques secondes. Je hausse les épaules en restant concentrée sur mes gestes mais ne peut m'empêcher de sourire. "Ça marche, on dirait." Je plaisante, moi aussi et bon sang c'est agréable ! Notre conversation est basique mais tellement importante ! C'est seulement par ce genre de discussion qu'on se rapproche, qu'on devient complices et importants l'un l'autre. Puis faire à manger pour les enfants ensemble, c'est pas mal aussi. Ça amène une normalité appréciable, pourquoi pas une nouvelle tradition familiale ? Je me retiens d'éclater de rire mais c'est vraiment difficile. Dire que la peluche de Lily ressemble à un toxico est excessif, c'est certain. Même une peluche qui a vécu ne mérite pas un tel surnom. Je mets ma main sur le coeur en signe de choc, même si mon visage tout sauf sérieux ne me rend pas très crédible. "Je suis choquée. C'est ainsi que vous parlez des amis de votre fille, Monsieur O'Brien ?!" S'il est excessif, je peux l'être aussi. Ça détend l'atmosphère et ça met de bonne humeur.

Lily est la première réveillée et se fait entendre. Je la laisse avec son père pour rejoindre Lucas encore endormi. Il me tend les bras et je le saisis pour le porter jusqu'à la cuisine. Mais avant d'atteindre mon but, je me rends compte qu'il a la couche bien humide et je décide donc de le raffraichir avant qu'il ne mange, pour qu'il soit à l'aise avec nous. "Je le change et j'arrive." j'annonce à Suile avant qu'il ne se demande où je disparais d'un coup. "Ça va bonhomme ? Tu as fait un grand dodo avec papa et Lily" Je le pose sur le meuble pour le changer et me met à l'oeuvre. Ce n'est pas la première fois que je fais ça, je me suis fait la main à force et rapidement, le petit monstre est changé et prêt pour une nouvelle journée. Je le pose au sol pour le laisser vagabonder tout en surveillant où il va. "Viens, papa et ta soeur nous attendent pour manger." Ses petits pas résonnent sur le sol tandis qu'il arrive près de son père. "Un autre café ?" je demande avant de m'assoir sur un siège libre. Lucas est trop petit pour manger seul alors il faut lui préparer une assiette et ses petites mains gourmandes feront le reste. Lily est déjà en train de me raconter le dessin animé de la veille et je l'écoute attentivement m'expliquer avec ses mots les aventures des animaux. Là encore, je ne peux m'empêcher de sourire. Ces deux petits sont des rayons de soleil même quand leur trop plein d'énergie est fatigant.

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Tu ne peux que hausser les épaules quand elle te fait remarquer que "ça marche" sur toi de te donner des ordres. T'es quand même pas convaincu par la chose. Faut croire que tu me fais peur. Que tu prétends sans y croire. Si ça peut lui faire plaisir de le penser, qu'elle fasse donc. Toi tu te concentres tranquillement sur la préparation de ton petit-déjeuner. Parlant en même temps de cette fameuse peluche qui a disparu. Dans le fond, t'es pas mécontent de cette disparition. Y'a même de quoi se demander si t'as pas fait exprès de la perdre. Non mais t'as vu la tête de ce machin ? Il était déjà pas bien beau à voir avant de passer des heures dans sa bouche. A la fin c'était un vrai carnage ! Les bras ballants, les oreilles tombantes et trouées, la cravate à moitié déchirée ... T'avais honte de la laisser sortir avec. T'as du l'en empêcher à un moment. Quand t'as commencé à sentir les regards dégoûtés. Pour ne pas mentionner les regards choqués. Comment tu pouvais laisser ta môme avec un truc pareil ? Certainement plein de sales bactéries. Tout sauf hygiénique.

Heureusement que tu t'en fous du regard des gens. Pour tes enfants, t'as appris à mettre ta fierté de côté. La preuve le jour où t'as porté une perruque à la con et que ta fille a joué à la tête à maquiller sur ta face, pour que tu ressembles à Elsa. Ce que Amara ne s'est pas privée pour immortaliser, bien sûr. Bientôt, tu te retrouves seul avec ta fille qui vient de vous rejoindre dans la cuisine. Tu laisses ta belle soeur rejoindre ton fils et filer pour aller le changer dans la salle de bain. Toi même tu te concentres sur le biberon pour ton fils qui n'aura certainement pas le courage de manger un pancake entier. Même préalablement découpé en petits morceaux. Ce que tu fais également en attendant que le changement de couche soit terminé. Et quand Lucas arrive, t'es prêt à l'accueillir entre tes bras tatoués. Tu déposes un baiser sonore sur sa joue, sachant que ça le fait rire à tous les coups. Puis tu le places dans son siège haut avec son assiette et son biberon. Acceptant au passage la proposition de Amara pour un second café. Devant lequel tu peux enfin t'installer, en plus de ton assiette pleine.

T'écoutes distraitement leur conversation. Conscient qu'elle joue la comédie, fait mine de s'intéresser aux propos de la petite alors qu'elle lui a déjà raconté l'histoire de ce film. Et qu'elle l'a sans doute même déjà vu avec elle. Elle est patiente Amara. Tu ne sais pas comment elle fait. Où elle trouve cette force. Parce qu'il en faut, c'est certain. Toi même tu préfères te concentrer sur ton repas pour l'instant. T'es obligé de faire des efforts de sociabilité le matin pour tes enfants. Mais c'est pas ce qu'il y a de plus naturel venant de toi. Tu vides le contenu de ton assiette et de ta tasse, en silence. Parfois à te tourner vers Lucas pour l'empêcher de balancer ses morceaux de pancakes n'importe où et l'inciter à boire un peu plus le contenu de son biberon. Tu laisses les deux filles converser ensemble. Tu sais que Lily voue un culte sans limite à sa tante. C'était le cas avant. C'est plus vrai et plus intense encore depuis un an. T'en es trop conscient pour demander à Amara de s'éloigner un peu pour se retrouver avec elle même et reprendre son souffle, loin.

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But things just get so crazy living life gets hard to do.

Peur moi ? Est-ce que j'ai le regard féroce ? Les dents acérées ? Un grognement animal ? Pas à ce que je sache et pourtant il insinue bien qu'il obéit parce que je lui fais peur. Cette idée est tout bonnement ridicule. A mon tour de lever les yeux au ciel. "Je suis la gentillesse incarnée, si je commence à te faire peur, on a un problème." Chacun à sa tâche, on aborde ensuite le sujet de la peluche disparue de Lily, motif à plaisanterie encore une fois. Je n'ai pas vu l'étendu des dégâts que Suile décrit mais j'arrive facilement à m'imaginer la dégaine du doudou avec sa description. "C'est le but tu sais. Qu'une peluche soit câlinée, mordillée.. si elle reste belle avec les années c'est que Lily n'en avait rien à faire." Je me rappelle mes propres peluches et surtout le gros ours en peluche qu'avait Jenny pour ses onze ans. Il était tout doux et j'aimais me glisser dans sa chambre quand elle était occupée pour me vautrer sur lui. Lui comme pas mal d'autres ont fini dans un vide grenier ou à des bonnes oeuvres pour les enfants pauvres. J'ai néanmoins gardé un souvenir de mon enfance, il trône d'ailleurs toujours sur mon lit. Et si un jour j'ai la chance d'être maman, il reviendra à mon enfant.

Pendant que Lily est entre de bonnes mains avec son père, je m'occupe de changer Lucas, encore un peu ensommeillé. Il n'est pas bavard mais après un bon petit déjeuner, ses petits cris excités vont résonner dans tout l'appartement. Il rejoint son père à son tour et je prends deux secondes pour observer la scène. La chaise que j'occupe devrait être pour Jenny, je le sais et je le ressens dans mon tout être mais que puis-je y faire ? Je ne suis pas capable de les laisser, ils sont devenus encore plus importants pour moi depuis un an. Suile garde le silence. Il observe son fils manger et surveille qu'il n'en mette pas partout. Moi, j'écoute Lily, elle est trop enthousiaste pour m'en laisser placer une. Et ça me fait sourire. Je finis ma propre assiette et mon café froid. Je grimace à la sensation mais le bois quand même. Quand tout le monde a terminé, je me lève pour débarrasser. "Je m'occupe de ranger, si tu veux prendre une douche.. habiller les enfants.." Je ne veux pas être trop envahissante, je sais où sont les limites. Je ne supporterai pas qu'il me demande de m'éloigner alors je reste prudente, pour qu'il ressente ma présence comme un soulagement plutôt qu'un fardeau.

On ne parle pas de nos sentiments ensemble, tout est suggéré. Je ne sais pas si ma présence le soulage vraiment mais ce qui est sûr, c'est qu'il ne s'en plaint pas. Quant à son humeur ? Je l'observe assez pour constater qu'il est morose, qu'il donne le change aux enfants mais une fois seul, je doute qu'il soit le même. Je ne suis pas douée pour parler, pour inciter les gens à se confier. Je préfère écouter et analyser. J'espère encore qu'un jour il vienne vers moi de lui même pour parler de Jenny. Pas parce que je l'aurais forcé mais parce qu'il en a vraiment envie et besoin. Je pense que ce n'est pas prêt d'arriver, pas tant qu'il n'aura pas trouver la sortie de son cauchemar tout seul. J'ai envie de l'aider, plus que ça même. Je ne peux juste pas le forcer à faire son deuil plus vite. Mon coeur est toujours en cours de guérison mais de m'occuper de ma famille, de poursuivre ma vie plus ou moins normalement en y incluant de temps en temps des clins d'oeil à ma soeur, m'aide à me sentir un peu mieux chaque jour.