La crasse s'écrase sous la godasse cirée de tout soupçon,
on me croit d'albâtre ; et pourtant, y'a pas plus écarlate.Recommence. La voix casse son échine lorsqu'elle sait qu'elle va devoir répéter un geste qu'elle commence à exécrer. Quelques sanglots viennent briser le silence imposé dans le grand hall et ce sont ses pleurs qui se cognent sur les murs. Un écho qui tonne comme une insulte à mes oreilles ; ma main s'effondre sur sa joue pour que la douleur lui fasse oublier la tristesse.
Recommence. Mes doigts viennent saisir le second animal encore vivant ; tétanisé par la mort du premier. Un chaton noyé dans sa pisse et son sang gît en face de Coco.
Tue le lui aussi. Ses bras tremblent et le flingue avec. Ce qui commence à doucement m'enrager ; j'fini par jeter l'animal au sol assez fort pour entendre sa tête cogner le carrelage.
T'as intêret à tirer pour l'sauver. Parce que j'vais le frapper jusqu'à ce qu'il ne puisse plus bouger. Alors épargne lui ça. Et enlèves moi ce plaisir de pouvoir me défouler. Puis la détonation salvatrice qui remplit la salle d'un son cristallin.
Sourire narquois,
Sourire dégueulasse ;
la fierté de lui arracher le peu d'enfance qu'il lui restait.
Main réconfortante,
caresse habituelle sur le haut de son crâne.
Doux contact promptement interrompu par quelques mèches tirées pour lui faire mal et souffler.
La prochaine fois, si t'hésites quand j'te donne un ordre, j'te défonce la gueule Coco.Les années silencieuses passent et pourtant c'est un brouhaha dans mon crâne,
Clic le bruit de l'arme. Clic le bruit de l'âme. Clic les cadavres - remplir chaque être d'un peu de crasse.
Histoire de n'pas finir le seul la gueule dans le bourbier qu'est l'illégalité.
Je ne fais qu'engendrer d'autres carcasses.On est le soir et elle s'est cassée. La nuit est froide comme mon corps, mon coeur ; mes pensées. Les souvenirs de la veille baignent encore dans mes draps réchauffés par un semblant d'espoir - mais tout ça s'est évanoui lorsqu'elle est partie.
Il est 22h22 et j'songe à un tas de choses bien plus noires qu'habituellement,
mort corbeau,
suicide pétrole.
Mais y'a Sly qui m'appelle et j'réalise que j'n'ai pas encore tout raté. Sa voix cassée par les responsabilités donne à son ton un goût d'inachevé ; il a constamment besoin d'être conseillé. Rassuré.
Sly ne dirige pas,
Sly ne l'a jamais fait.
Il exécute en endossant seulement le rôle du leader.
Le duo libérateur ; les oppositions qui s'entremêlent délicatement jusqu'à devenir une amitié professionnelle. Deux cons qui n'ont jamais voulu s'attacher - qui se sont retrouvés ensemble uniquement pour collaborer. Mais qui ont fini par lier un pseudo lien,
complicité inavouée,
couleurs esquissées ; un peu de pastel sur le monochrome du marché. Trois le chiffre exécrable,
Trois pour trio,
Trois pour trois ans,
Trois fois que j'me dis que c'est pas toi,
c'est pas elle qui se tient aux côtés de Sly, le regard amusé. Le sourire griffé par ce plaisir d'me voir souffrir - ou du moins l'idée d'm'enrager. Mais rien n'y fait. J'essaie simplement de l'éloigner, d'la faire retrouver l'ennemi qu'elle a certainement bien dû sucer.
Boum fait le coeur Boum fait l'palpitant Boum le sang ne fait qu'un tour en la voyant ainsi. Mais j'peux pas,
je ne peux pas.
Je n'dois pas.
Elle ne fait que jouer, manipuler; répéter ce qui lui a été enseigné - et je ne peux me résigner à la laisser gagner. Alors j'me force à la détester ; histoire d'pouvoir raisonner Sly sans avoir l'air déboussolé.
Il n'faut pas la laisser rester ; elle va tous nous poignarder.
Et moi, tout c'que j'voudrais,
c'est l'envoyer chier,
ne plus la regarder.
Me concentrer à nouveau sur mon seul ami,
ne pas l'faire sombrer aussi.
Sauf que y'a encore ces
Clic dans ma tête et ces
Boum dans l'estomac. Palpitations du corps, déréliction du coeur et afflictions de l'esprit - mais qu'une seule idée en tête : ne pas la laisser tout saccager.
L'oublier à jamais.