[tw] (nihjee) crawling in our skins

ootd - Il avait soupiré après l’appel. Nihjee. Ce n’était pas non-plus la première fois, c’était quand même exacerbant. Quand est-ce que cela cesserait ? Il lui avait répondu qu’il n’avait qu’à se débrouiller mais, à l’évidence, ses pas le menaient vers le commissariat où il était en cellule de dégrisement. C’était à une trentaine de minutes à pieds et il ne prendrait pas la peine d’appeler son chauffeur. Cela laisserait le temps à Nihjee de revoir ses états d’âme et de réfléchir à ses bêtises qui continuaient d’affluer grandement sur leurs vies… ou pas. S’il y aurait dû avoir un changement, il aurait déjà eu lieu. Cela l’épuisait d’avance de le retrouver alors qu’il avait l’habitude de ces situations embarrassantes. Nihjee n’irait pas embêter quelqu’un d’autre et serait à même de lui en vouloir s’il ne venait pas le chercher. Il l’avait fait, le résultat n’était pas probant. Il ne recommencerait que s’il en avait besoin et ce soir, ça ne se faisait pas ressentir. Il n’était pas seul quand il l’avait appelé, il avait malgré tout mis fin à cette soirée pour lui.
Ce n’était pas agréable de gérer une personne alcoolique. Pour personne. Lui prenait des substances illégales, ce n’était pas mieux car ça jouait autant sur ses nerfs à lui aussi. Ils étaient tous les deux plongés dans un cercle mauvais dont la pousse les gangrenait de l’intérieur. Ce n’était pas faute de communiquer, Nihjee avait été la première et l’unique personne vers qui il était allé quand la bombe avait explosé au centre de sa famille. Il ne lui avait pas tout dit, quelques mots et les larmes roulant grossièrement sur ses joues avaient suffi à exprimer sa douleur. Il ne s’était pas remis à pleurer après ça, peut-être l’avait-il refait sous l’effet de la drogue mais les souvenirs n’étaient plus présents dans sa tête. Ce n’était pas comme si cela avait eu une grande influence sur sa vie et ce n’était pas lui que ça avait le plus touché. Ce n’est pas grave, ce n’est pas important comparé à Nihjee. Parce qu’il oubliait au travers de son meilleur ami, préférait croire qu’en prenant soin de lui tout ne s’effacerait. Ou alors ne se sentirait-il bien qu’en le sachant heureux. Jeter les bouteilles ne suffisait pas et il n’irait pas l’enfermer alors que fallait-il faire ?
Devant le commissariat, il s’en grilla une, fit durer le moment avant d’entrer. Il réajusta son masque, sa casquette parce qu’il restait une personne célèbre et qu’il serait mal vu de le voir ici. Il signa les papiers, paya la caution et, un instant plus tard, le retrouva. Soulagé de voir que des bleus n’ornaient pas son visage, veine irritante qui battit à sa tempe de constater que l’alcool déformait continuellement ses traits. Dehors, il l’empêcha qu’il ne vienne vers lui et lui mit un coup sur la tête.

« Tu sais très bien que je ne viendrais pas te sortir tout le temps de là, lui dit-il, Aller, viens. Je n’ai pas prévu de passer la soirée ici. »

Il commença à se diriger vers une ruelle, il avait rendez-vous avec son dealeur et il était déjà en retard. Ce serait un peu plus cher, heureusement l’argent ne manquait pas. Il pourrait s’en passer pour cette fois-ci, manque de pot, ce détour imprévu l’avait agacé et une dose lui ferait du bien.

@nihjee wang

ootd - Il était tombé dans la drogue par hasard comme Nihjee avait plongé dans l’alcool par coïncidence. L’alcool, c’était bien aussi mais les effets étaient moins proactifs. Il préférait les substances illégales, celles qui vous plongeaient en état quasi-léthargique imaginaire et vous faisaient croire que la vie puisse être belle. Il n’avait pas tout essayé, il ne toucherait pas aux plus dangereuses car il n’avait pas envie de devenir accro. Il l’était peut-être, voire sûrement assez pour empirer son cas alors que sa situation ne justifiait pas qu’il puisse tomber dans la décadence. Pianiste reconnu à qui on s’arrachait le temps du haut de ses pauvres vingt ans. Enfin, vingt-et-un ans bientôt. On préparait les fêtes de fin d’année avec effervescence quand lui attendait que sonne l’heure de la sentence. Une année de plus à vivre dans ce fichu monde qui rendait plus malheureux quiconque l’approchait.
Il y avait songé plusieurs fois. Avant qu’il ne naisse, chaque existence dans sa famille semblait en proie au bonheur - dérisoire, il va de soir -, et les têtes pailletées d’étoiles. Puis, il était né et il avait fait explosé tout le système magnifiquement façonné par tous de leurs mains habiles. Boum. Même Nihjee avait vu sa vie se dégrader et pas un jour ne passait sans qu’il ne plonge plus dans l’alcool. Il aurait pu partir, le laisser derrière lui et n’espérer que sa vie ne devienne plus enjoliver sans lui jusqu’à ce baiser. Ce baiser envoûtant qui les avait pris tous les deux au dépourvu alors tant pis. Lâchons la bombe, il l’avait invité à venir avec lui et ne s’était plus détaché de sa présence. En fait, il n’avait pas besoin de drogue parce qu’il en avait une juste sous les yeux dont il s’abreuvait sans en prendre conscience.
Il faillit basculer en avant quand il se hissa sur son dos, n’en eut qu’un sourire en coin. Il le maintint et marcha dans la nuit juvénile.

« J’aurais beau me parfumer, tu empestes l’alcool alors il n’y a plus que cette odeur qui prime, lui répondit-il, mais c’est gentil. »

Il le chouchoutera, rien que pour la boisson n’enlaidisse plus son beau visage. Ils arrivèrent à destination rapidement, il le déposa à terre sans faire attention et n’écouta pas ses plaintes. Il paya son dealeur, récupéra sa dose et attrapa la main de Nihjee. Désormais, il ne fallait plus trainer dans le coin. Hors d’atteinte, dans ce cul-de-sac mal éclairé, il prit l’une des pastilles, l’avala sans eau et tendit le sachet vers son meilleur ami. Veux-tu continuer à fuir cette vie avec moi ? Il lui sourit et décida de le taquiner. Il rangea le sachet dans la poche de sa veste et s’approcha de lui. Il plaça un bras au-dessus de sa tête en le forçant à se plaquer contre le mur et pencha son visage vers le sien. Il effleura ses lèvres avec les siennes, supporta les relents d’alcool qui se mêlait à son souffle.

« Combien ?, susurra-t-il, Une, deux ? Trois ? Je croyais que tu avais un examen demain. Alors ? »

Tes yeux dans les miens, des milliers de fragments éclatés. Il se détacha de lui et se dirigea vers la lumière. Ils n’avaient plus qu’à rentrer, il était tard et il ne le laisserait pas plus trainer avec cet examen qui l’attendait dans à peine quelques heures.

@nihjee wang

ootd - Il n’avait pas demandé à être doué de musique. Elle tournait en boucle dans ses oreilles chaque jour et parfois, il la détestait. Il n’aimait pas ce qu’elle recelait comme il adorait la magie qu’elle arborait. C’était dû au hasard, il vagabondait dans les nombreuses pièces de la demeure familiale quand son regard fut happé par cet instrument. Il n’avait que quatre ans et un enfant de cet âge aurait plutôt dû être à l’extérieur en train de jouer avec les autres enfants. Non qu’on ne le lui autorisa pas, la solitude était meilleure compagnie que la déficiente complaisance des gamins bourgeois. Il ne l’avait pas regretté car dès l’instant où ses doigts avaient pu toucher les touches âcres de cet instrument délicat, il avait senti une chaleur inimaginable l’envahir. Le son qui en émanait était le plus beau, il n’aspirait à rien si ce n’était à être accompagné des autres notes pour une douce harmonie. Alors il avait créé, Tôma, seul, avec les esprits d’un enfant innocent et on l’avait subitement porté haut sans qu’il ne le quémande. Il n’était qu’un enfant.
Et des enfants, on aura beau dire, on le restera toute notre vie. Lui en était un arraché trop tôt à ce qui aurait dû être les plus beaux moments de sa vie, Nihjee coupé de son adolescence qui croyait grandir avec la meilleure figure parentale. Ils avaient tous les deux eu tort sur toute la ligne et ils ne savaient plus comment remonter la pente aujourd’hui. Il ne pouvait pas lui en vouloir de boire comme son meilleur ami fut pris de paroles cinglantes mais n’avait pas à lui enlever ce qui le maintenait à flots. Triste réalité. Il ne dit rien quand il s’insurge, Nihjee, il sourit, Tôma. Lui non-plus ne souhaitait pas rentrer mais ils n’obtiendraient rien de plus de cette soirée et il y avait cet examen. Demain matin, il le réveillerait tôt et le ferait réviser avant qu’il ne parte en bonne figure à l’université.

« Je n’ai pas envie de jouer. »

Il se tenait un peu à l’écart, pas très loin pour le rattraper s’il tombait. Il sentit la fraicheur balayer ses cheveux quand sa casquette lui fut enlever, ne distingua qu’à peine le chat sorti d’entre les poubelles. Pas encore un s’il-te-plaît. Mais Nihjee ne se sentit pas bien et il le rejoignit. Il récupéra sa casquette, la remit sur sa tête et maintint ses cheveux trop longs pendant qu’il recrachait la fureur du monde. Il attendit, le redressa et essuya sa bouche avec un mouchoir sorti de sa poche. Il le hissa sur son dos et les ramena tous les deux chez eux. Des miaulements les accueillirent en concert et il intima à leurs trois boules de poil de se calmer. Il s’occupa d’abord de l’animal sauvage sur son dos et lui débarbouilla le visage.

« Va donc te changer, lui intima-t-il, je commande à manger. »

Il le laissa, s’installa dans le salon. Il alluma la télévision et commanda des pizzas. Quand le livreur arriva, il les récupéra et le paya. Il posa le tout sur la table et sortit de quoi boire. Il se sentait enfin bien mais une, ce n’était jamais assez. Il ressortit son sachet, mit sur la table une autre pastille qu’il écrasa pour ensuite en faire une ligne et la sniffer. Il sut qu’il était là rien qu’en agissant et il lui sourit en tendant le sachet vers lui comme pour l’appâter. Chacun son truc. Il retira son masque et sa casquette et déboutonna le haut de sa chemise.

« Tu n’es pas content ?, lui demanda-t-il, Pourtant, tu m’as rien que pour toi ce soir. »

Son regard se planta dans le sien, dévoreur de son âme. Depuis quand le cherchait-il jusqu’à n’en plus pouvoir ?

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ootd - C’était parti de ce baiser. Fin des années de lycée, diplôme en poche facilement obtenu. Ils avaient fêté ça, ailleurs, autre part, avec les autres et l’alcool avait coulé à flots. Ce n’était qu’une petite victoire sur laquelle ils n’avaient pas misé car ils y avaient mis les cartes et avaient su jouer franc-jeu. C’était malgré tout un acquis qui les avait faits sourire parce qu’il signifiait que la bonde était moins serrée et ils leur en avaient poussé des ailes. Il ne l’avait pas repoussé, il avait accroché ses doigts à sa ceinture et l’avait attiré plus près de lui. Ce baiser, c’était comme s’il l’avait attendu depuis des jours, des mois. Il n’osera pas l’avouer à voix haute, il avait déjà du mal à faire avec cette attirance incontrôlable. Nihjee n’était que son meilleur ami, pourquoi en serait-il autrement ?
Et c’était plus fort qu’eux de continuer à laisser couler la barque. Ils en jouaient, s’en brûlaient les doigts. Combien de fois agiraient-ils bêtement à s’en fracasser le nez contre un mur ? Les paroles dites plus tôt étaient gentilles comparées à celles qu’ils se disaient parfois quand cela tournait mal. Mots vicieux, personnes prises à parti qui n’avaient demandé qu’à se satisfaire de leurs corps, ils s’étaient hués avant d’en rire et de songer qu’ils avaient l’air ridicules. Oui, ils l’étaient mais ce n’était pas grave. Sourire satisfaisant qui éclairait son visage, il l’observait calmement en saisissant une part de pizza à son tour. Je ne te briserais pas, je ne ferais que me casser à travers toi. Alors je t’en supplie, ne t’enfuis pas. Parce qu’il arrivait que Nihjee s’égare et ces jours-là, ils étaient si douloureux qu’il en perdait l’équilibre. Je reviendrais toujours te chercher, idiot. Pas besoin de le lui dire, il le lui avait prouvé plusieurs fois.
Il reporta son attention sur la télévision en mangeant et laissa l’un de leurs chats venir s’installer sur ses jambes. Il lui caressa la truffe et prit une autre part de pizza. Et voilà. Jouons. Son regard se remit à dériver vers lui, à cet alcool dont il ne se lassait pas et au lieu que cela ne le refroidisse posée contre sa peau, cela ne fit que le réchauffer. Il lui vola la canette d’un geste habile et de sa main libre le refit s’asseoir à ses côtés.

« Alors jouons, dit-il en ouvrant la canette et en en buvant un peu avant de la lui rendre, parce qu’il n’y a que toi et moi. »

Il retira sa veste qu’il jeta sur le canapé et se leva. Il partit chercher un jeu de cartes et ils convinrent ensemble du jeu auquel ils s’amuseraient avec.

« Et on se déshabille si on perd, proposa-t-il, tu as assez bu comme ça, dit-il en désignant la bière, Ça, c’est la dernière, okay ? Tu pourras faire ce que tu veux de moi si tu t’arrêtes ce soir après celle-ci, c’est convenable, non ? »

Pari risqué, il le prenait. Il préférait qu’il n’en profite au lieu de boire une goutte supplémentaire de cette boisson quelle quel soit. Il distribua les cartes et la partie débuta. Ce n’était pas la première fois qu’ils prenaient du plaisir de la sorte et ils connaissaient les tours de passe-passe de chacun avec acuité ; qui gagnerait ? Le premier tour, lui, un sourire orna ses lèvres mais fut rapidement effacé en le voyant retirer son sweat et dévoiler la peau claire de son torse. Tu ne gagneras jamais, Tôma.

@nihjee wang

ootd - Parce que face à lui tu ne feras que perdre. La peau blanche et creuse d’un jeune en perdition dans l’alcool. Ça ne l’empêchait pas de ramener des bonnes notes de l’université et parfois Tôma se demandait où il trouvait le temps et l’envie de se mettre à ses cours. Il le savait passionné, persévérant, Nihjee courrait après ses rêves avec une violente détermination. Son père les avait abandonnés, ça l’avait dévasté mais il tenait bon comme il le pouvait. Et ce courage, cette force, il s’en inspirait en composant car ce n’était pas lui qui était le plus tombé dans la dépravation. Le crois-tu ? S’il tendait la main, il toucherait sa peau et en frémirait. Il recommencerait et les batteries rechargées, il le laisserait. Il n’avait pas le droit d’accrocher complètement Nihjee à lui, partiellement suffisait à rendre les choses compliquées. Nihjee avait les ailes déployées, un souffle et il s’envolerait à n’en pas douter. Il ne lui souhaitait que son bonheur quitte à rester les deux pieds ancrés au sol pour lui. Sa note musicale décomposée par la pitié du monde.
Il sourit. La partie reprit, se fit vicieuse et les cartes s’abattirent sur la table avec fracas. La drogue aussi se fit malsaine dans son corps et il ne fit que rire de ses défaites. Il était habillé, il avait de la marge avant de finir nu. Il le faisait peut-être exprès, ce n’était pas important tant que le visage en face de lui s’éclairait d’avidité. Les pizzas ne furent bientôt plus que des miettes sur la table, ils essayaient de se repaître autrement que de leurs âmes dévoratrices. Les mots s’égayèrent, attisèrent la flamme et crépitèrent autour de leurs corps. Il avait prévu, oui, de passer la soirée autre qu’en sa compagnie et encore une fois il avait annulé. Cela déplaisait, on disait de lui qu’il était inaccessible et il l’était. Pour tout le monde, même pour Nihjee car Nihjee lui était lui-même inatteignable. Emprisonné dans sa cage, il avait ouvert la serrure et les griffes lui avaient entaillé la peau. Chat sauvage impossible à approcher et pourtant…

« Qui a réellement gagné ? », souffla-t-il ses lèvres près des siennes.

Il lui vola un baiser. Il se détacha, rire doucereusement mélancolique. Il lui attrapa la main et l’entraîna avec force à sa suite dans sa chambre. Il le poussa sur son lit et lui retira son jogging qu’il balança au sol faisant fuir l’un de leurs chats. Pauvre Caramel. Au-dessus de lui, il caressa sa joue, crocheta quelques mèches de ses cheveux et les embrassa les yeux mi-clos. Je suis damné de toi.

« Je vais te toucher jusqu’à ce que tu n’en puisses plus. »

Mais jamais jusqu’au bout. Ses doigts s’égarèrent à son front, ses yeux ravagés par l’alcool rivés aux siens, ses lèvres qui animaient son myocarde à chaque baiser à son cou que certains ne s’appropriaient que trop. Il restait une marque là, elle prenait une autre couleur et n’en était pas moins laide à venir de ces volatiles écervelées qui ne comprenaient pas Nihjee. Il appuya dessus légèrement avant que sa main ne cherche du réconfort vers la peau de son torse. Os saillants qu’on distinguait distinctement car l’alcool rongeait l’envie de manger et que la nourriture qu’ingurgitait son aîné était mauvaise pour son organisme. Il embrassa les endroits où ils ressortaient et sa langue se fit baladeuse, traça un chemin répétitif entre ses boutons de chair. Plaisir délectable.

Mais j’ai mal, Nihjee. Mal au coeur.

@nihjee wang