elle incrimine le rescapé. laisse entendre qu'il relève de sa faute, si le fiancé manque. de sa faute, si elle était recluse à la terrasse du café, et tous les autres jours qui sont passés sans lui, de sa faute, si son quatrième doigt est exempté d'un tour d'emprise qui lui appartiendrait. de sa faute. parce que s'il l'avait aimée, il aurait dû la retrouver. de ces rues, il ne devrait rester que les braises d'un incendie qu'il y aurait commis, que les cendres d'une rage cuisante, qui aurait tout brûler pour ne retrouver qu'une femme. mais une femme qui s'apprêtait à devenir la sienne. il aurait dû, le couteau cœur, renverser, saccager, ravager tout, pour la retrouver. il aurait dû, la retrouver et la reposséder en enserrant son cou, tout en lui murmurant en un souffle qu'elle ne parviendrait jamais à le tuer. qu'il existerait toujours en elle, en ses songes et ses phantasmes. en passant la main sur les contours de sa poitrine, il aurait dû lui appuyer sur le cœur, en ajoutant qu'il était le seul, capable de lui en déclencher le moindre battement. il aurait dû la retrouver, pour qu'elle sache, qu'il ne la quitterait jamais. qu'il mourrait pour elle ou qu'il ferait d'elle le plus mythique des massacres. il aurait dû, pour que jamais elle ne s'éteigne.
«
personne. » qui sonne comme une preuve d'amour. qui porte l'espoir que le temps entre le dernier moment où ils se sont aimés et maintenant n'ait jamais existé. que la vie les ait attendus pour se poursuivre. qui porte l'espoir d'une rupture qui n'ait jamais été effective, d'une balle qui ne se soit jamais perdue, d'une relation éternelle. «
celle qui m'attendait n'est plus ici. » elle sourit. constatant qu'ils ont encore chacun leur place, dans leurs nouvelles vies.
elle reviendra, mon amour. tu sais tout de comment l'éveiller. j'émulsionne d'avance à l'idée de regoûter tes lèvres et de te dévorer des miennes. rassure-toi, elle sera bientôt là, la femme qui s'articule pour ton toi. «
mais vous ne m'avez accordé que quelques heures, alors ... » alors, qu'ils se dépêchent, poursuivis par les plus beaux souvenirs qu'ils aient partagés, d'en créer d'aussi puissants. qu'ils se hâtent, d'aller courir après l'extase, jusqu'au ciel, le septième, pour y finir en lévitation comme s'ils en étaient méritants. et la course est délectable. elle ouvre la fuite vers un idéal. une heur sans faille, une fortune inestimable. pendant un moment, eden retrouve l'adolescente amoureuse qu'elle était. c'est si léger qu'elle s'évaporerait même une fois l'exosphère enjambée. l'air est éthéré, l'émanation salvatrice. elle se retrouve, candide, à défaillir d'émotions pour des simplicités, à s'enivrer de tous leurs actes parfumés. elle se rappelle l'inconscience d'une enfant, l'amour-rien tant innocent. le même qu'elle avait pour charles. et celui qui l'a tué de ses poings, vient un instant et pour la première fois, de combler une image qu'il lui avait soutirée, de la remplacer, dépolissant à peine l'exception de l'amour premier.
la nuit est tombée sans réveiller les monstres. peut-être parce que minuit n'est pas encore passé. et ils se retrouvent, encore, à admirer respectivement les déguisements de l'autre. jamais elle n'a connu si belle illusion, que de croire qu'elle pouvait aimer sainement un homme qui l'aurait rendue veuve. «
est-ce ainsi que l'amour nait ? » ses yeux ne décrochent pas de l'automate. il répand de l'or à chacun de ses mots. fabrique des trésors du moindre de ses mouvements. «
peut-être. » elle ne veut pas, l'aimer. elle ne veut pas, à ce point profaner la tombe de celui qui l'a toujours érigée. mais, les choses semblent avoir changé. il est déjà trop tard, pour se désamouracher. c'est ismaël, qui est devenu son impulsion. «
mais si c'est le cas, c'est aussi de cette façon qu'il devrait mourir. » alors, où en sont-ils ? à la fin, ou au début ? l'illusion peut-elle perdurer, crever le temps jusqu'à ce qu'ils succombent naturellement ? peuvent-ils s'aimer d'un amour platonique ? qui ne fait qu'édulcorer, qu'adoucir l'airain ? peuvent-ils s'aimer sans excès, sans le déchaînement qu'un simple souffle leur provoque ? sans saturation, sans sévices ? sans ce poison qu'ils s'injectent, et qui décime, fleurit tout d'eux ? «
pensez-vous qu'on va se revoir ? »
viendras-tu me retrouver, cette fois ?@ismaël sartier