Little bird | ft. Sofia

Plus à l’aise la nuit, la louve. Quand le soleil est couché, que plus personne ne la voit. Plus à l’aise la nuit, quand elle prend place dans ce milieu qui est le sien, dans cet univers dont elle devient maitresse, chaque jour plus que le précédent. Plus à l’aise, quand les soucis de santé de sa seule famille est relayée au second plan, dans son esprit, au profit de son boulot et des ferreira. un boulot, si tant est que ce que tu fais puisse réellement être qualifié ainsi, sofia. T’as vendu ton âme aux plus offrants, baignant la saleté, armes comme tes plus beaux bijoux, la mafia comme nouvelle famille. un pilier auprès duquel elle s’est imposée, lorsqu’elle a pris place dans la vie de sa tante. Aujourd’hui, elle s’y sent chez elle. N’a pas la volonté de s’en sortir. Pour aller où ? pour faire quoi ? rester ici, dans ce cabaret, le fruit d’une destinée, les méandres d’une gamine trop tôt brisée.
t’irais pas te plaindre, sofia. T’y trouves ton compte. Tu tiens ta tante hors de danger, au chaud et en sécurité. Tu ramènes bien assez d’argent pour ne jamais en manquer. Et tu brûles, tu brûles sans cesse, ce feu en toi qui se déclenche chaque fois que t’es sur une grosse vente. la soif du danger, celui qui l’appelle, encore, toujours. La soif du danger, côtoyé de toutes les manières, de toutes les façons. Ici, dans ses fréquentations, ou durant les courses illégales de moto, octroyées pour son petit plaisir. Parce qu’au fond, le danger, c’est en elle, qu’il réside. Dans son cœur, qu’il demeure.
Le danger, qu’elle trouve encore ce soir, au cabaret, alors que les cris raisonnaient encore quelques heures plus tôt. Elle a entendu, brièvement, qu’une violente dispute avait éclaté entre gregor et l’un des employés. et c’est pour lui, que t’es là, sofia. Peu importe ce que tu diras, peu importe ce qu’il dira, c’est pour lui que tu restes si tard. Pour pouvoir le retrouver, pour pouvoir vous retrouver, dans cette relation que personne ne comprendrait. non, je t’ai aperçu au loin, tout seul. des pas élancés, elle vogue jusqu’à lui, s’installe à ses côtés. qu’est-ce qui se passe ? l’oreille attentive, toujours, pour lui. Et ils se comprennent, en très peu de mots. Et le cœur de l’un fait écho à celui de l’autre, toujours.

(c) shining.

Le temps. Elle a mis du temps, à s’imposer, sofia. Du temps à se faire une place dans cet endroit, dans cette famille. Elle a mis du temps à courir derrière milo, pour qu’il accepte de l’entendre, de l’écouter, et finalement, de l’engager. De laisser la gamine prendre la place de la femme, devenir femme à son tour. c’est toi, désormais, la tête forte de la maison, sofia. C’est toi, désormais, qui prend le dessus sur ta tante, qui prend le dessus sur tout le reste. et elle est reconnaissante, plus que jamais, à milo. Son alter-égo. Sa tempête. Son binôme. à milo, de lui offrir l’opportunité de préserver la seule famille qui lui reste. tu plaisantes, je venais abréger tes souffrances. clin d’œil en sa direction, signe qu’ils sont à l’aise, l’un avec l’autre. Signe que cette routine s’est installée, gregor et sofia, les conversations nocturnes, les délires de la lune. tes nouvelles habitudes, ton nouveau quotidien, depuis que t’es avec eux. Depuis que tu baignes dans cet océan prune, dans les vagues, dans les tourments. ils sont un pilier, une ancre, pour elle. Attachée comme une malédiction, avec l’assurance d’être quelqu’un. la même chose que toi, s’il te plait. qu’elle répond, lorsqu’il propose de lui servir quelque chose à boire. Comme une évidence, elle est là pour lui. présente pour lui, pour l’écouter. Ce qu’elle fera. promesse sourde, du lien tissé entre vous au fil des jours, des semaines, des mois. et il ne suffit que de quelques instants, pour que la parole de son ami ne se libère. Pour que les mots s’échappent, confidences sur confidences. La surprise, d’abord, de l’entendre lui dire qu’un des employés du cabaret s’est jeté dans la gueule du loup, dans l’avidité, l’envie de plus, toujours plus. quelque chose que tu ne comprends pas, que tu ne comprendras jamais, sofia. Parce que t’es pas là pour le blé. Parce que t’es qu’une survivante qui vole son moindre souffle à la vie. quoi ? mais tu sais ce qui lui a pris ? une gorgée, puis deux, de la bière précédemment servie par le jeune roi. il s’est expliqué ? la louve n’est pas naïve et elle sait. Sait parfaitement qu’il n’y a pas de seconde chance, chez les ferreira. Qu’il n’y a pas de seconde chance, dans un milieu comme celui-ci. toi la première, tu ne peux pas te manquer, sofia. Tu ne peux pas te tromper, au risque de mettre ta tante en danger.

(c) shining.

L’instinct qui s’est développé au fil des jours, des semaines, des mois, alors qu’elle s’est immiscée au cœur du foyer ferreira. Qu’avec le temps, elle a découvert cette famille qui n’est pas réellement la sienne, mais qui est présente comme le serait celle de sang. Qu’avec le temps, les liens se sont tissés, par force comme avec milo ou par nature comme avec gregor. Gregor est différent, fatalement. Ils n’étaient pas prédestinés à autant se rapprocher, à se découvrir comme ils l’ont fait, à s’apprivoiser de cette manière si particulière. Ils n’étaient destinés à rien. Rien d’autre que la servitude de la sauvage envers le maître des lieux. Rien d’autre que la vie du féminin pour celle du masculin. tu tiens à lui, désormais. Tu commences à tenir à eux. T’admettras jamais que les sentiments sont venus se mélanger à la destinée, t’admettras jamais que t’es entière, que t’es vouée à eux. mais elle s’y prend de plus en plus, à se retrouver tard le soir dans ce cabaret, plutôt que chez elle à veiller sur sa tante. Elle s’y prend de plus en plus, à traîner avec gregor, à lui parler de tout et de rien, à l’écouter au moindre de ses maux. Elle compte sur lui, il compte sur elle. un lien bercé de secrets, de force et d’un brin de tendresse. La brune sait lire en lui, comprend rapidement qu’il est peiné par cette situation, qu’il aurait préféré l’éviter, qu’il se sent pris au piège entre le devoir et sa sensibilité. je sais, gregor. Je sais. machinalement, elle dépose sa main contre son bras. Le geste n’est ni doux, ni tendre, il n’est que symbole de la force de leur relation, de la compassion dont elle fera toujours preuve à son égard. t’es pas responsable et t’as fait ce que t’avais à faire. le regard plongé dans le sien, persuasive et définitivement de son côté. Toujours. tu n’as pas non plus à t’en vouloir de ne pas avoir agi plus sévèrement. pas à s’en vouloir d’avoir un cœur, de vivre au-delà des limites imposées par le clan ferreira. Peut-être qu’il causera sa propre perte. Peut-être qu’il est trop sensible et elle trop complaisante. peut-être, mais t’es pas capable d’autre chose, sofia. Toi, pourtant toujours si dure, toujours si brutale, tu révèles avec lui une part de toi que tu ne connais plus depuis longtemps.

(c) shining.

les orages, ils sont au-dessus de leurs têtes. ils rodent, toujours, prêts à s’abattre sur eux comme le karma qui reprendrait ses droits. les orages, ils grondent, mais lorsqu’ils se retrouvent à deux, l’horreur du monde devient plus supportable. les songent l’entraînent et la mènent jusqu’au premier jour, jusqu’au jour de sa rencontre avec gregor. jour sans fin durant lequel jamais elle n’a imaginé qu’il prendrait cette place dans sa vie. qu’il devient tout bêtement si important. elle le considère comme un ami, un vrai, un des rares qui ne disparaitront jamais et ce malgré la relation hiérarchique indéniable. elle le considère comme un ami, et bien plus encore. il est un peu cette famille dont elle manquait. virevoltant dans le cercle restreint des proches de sa vie. alors tu ne t’offusques pas, jamais. parce que les mots de gregor transpirent de vérité. parce que ses propos n'ont jamais pour vocation de t’écorcher. protection mutuelle que vous vous offrez à votre manière, une écoute attentive et les secrets éternels. plus sévère ? la moue pensive alors qu’elle appuie contre son poing, tout en reprenant naturellement. qu’est-ce que t’y gagnerais, hein ? si ce n’est pas toi, gregor. tu le sais, parce que comme lui t’as dû t’endurcir, sofia. parce que comme lui, t’es devenue plus forte que tu ne le voulais, pas par envie, mais parce que tu n’avais pas le choix. parce que la vie s’est acharnée sur toi. le cœur serré de le voir si perdu, de le voir face à ses propres faiblesses, au tort fait par cette employé. le cœur serré, parce que la louve ne demande qu’à pouvoir l’aider. qu’à pouvoir le sauver. mais il s’intéresse à toi à son tour, cherche à savoir ce qui se passe dans ton esprit déjà trop perturbé. tu sais, pourtant, que t’as pas le droit de montrer ce qui te perturbe. que t’as pas le droit de faiblir, de t’effondrer. pas le droit, même s’il est bien le seul capable de la voir sans son armure de guerrière. moi ? comme d’habitude. tu sais bien. les paroles non prononcées qu’il entendra tout de même, qu’il comprendra tout de même. elle ne s’apitoie pas, sofia, elle se bat. elle se bat pour elle, pour s’en sortir, mais surtout pour sa tante, l’ancien bras droit des ferreira. elle ne parle pas, sofia. elle ne sait pas parler, elle ne sait pas aimer, mais elle ne supporte pas de voir sa tante s’affaisser.

(c) shining.