cri des loups. (sofia)

traits de caractère / comme un orage qui gronde, comme un orage dont elle est l’enfant, femme forte, femme de poigne, femme de caractère. les émotions déconnectées de sa carcasse abîmée, la part d’humanité effacée, parce qu’elle est brutale, sofia, avec elle-même, avec les autres. elle est violente, sofia, hors de contrôle et hors d’atteinte. renfermée, apparence cœur de pierre, aucun mot de trop, ne pas se perdre au jeu des sentiments. elle ne faiblit pas, jamais, ni sous les menaces, ni sous la torture. vénéneuse, dégaine les armes comme elle bat des cils, tantôt sirène, tantôt louve. enfant de la rue, âme éclatée, elle est avant tout survivante de son propre malheur, de son propre drame. le goût du risque, le goût du danger, l’adrénaline acquise sur sa moto, sa fétiche, lorsqu’elle ne traine pas, cancéreuse à la main. explosive, les cris nombreux, les coups aussi, depuis toujours, comme plus belle manière de rester cachée. la colère, et ne jamais montrer la moindre faiblesse.

trouble dissociatif de l'identité
des souvenirs, une enfance volée, une enfance dénuée de sens. comment la décrire, comment l’expliquer, elle ne sait pas, n’a jamais su. prétendre qu’à la maison, tout est normal. prétendre que maman ne se transforme pas selon l’heure de la journée, à la nuit tombée ou après un épisode d’une série télévisée. tdi diagnostiquée, l’incapacité de se faire aider. lundi femme fragile, femme docile, terrée à la maison, peur du monde, peur de la vie. mardi femme volage, excessive et dangereuse, pas de notion de responsabilité, pas d’amour maternel. mercredi dans l’incertitude, dans l’indécision, femme troublée, perturbée, en proie aux théories du complot. une mère par intermittence, parfois présente, parfois absente, disparue durant des semaines sans aucun signe de vie. tantôt en foyer, tantôt dans ce semblant de domicile. sofia, la solitude, la boule au ventre, l’âme en péril.

l’enfer de la rue
et cette fois, elle n’est jamais revenue. et cette fois, maman s’en est allée, pour de bon. les larmes ravalées, pas le temps de pleurer, pas le droit de s’effondrer. forte, toujours rester forte. elle est seule, sofia, seule dans une vie d’enfer. plus question de retourner en foyer, à seize ans, elle est prête à s’assumer. les nuits dans les squats, le vol à l’étalage pour obtenir de quoi se nourrir, et la peur, constante. les rues malfamées, les regards lubriques, les propositions déplacées. elle est bien faite, sofia, mais elle ne cède pas à la facilité, jamais, préfère crever de faim plutôt que de vendre son corps pour amasser les billets. jusqu’à cette trouvaille, un soir d’hiver, ce carnet écrit par sa mère. ce carnet, comme un journal, récit des sévices que sa mère à elle lui infligeait. et un nom, jamais entendu. et un nom, comme une promesse, alma, tante inconnue que sa mère avait perdue de vue.

alma
alma, elle n’était pas prête à accueillir une gamine sauvage dans sa vie, une gamine brutale dans sa vie. alma, elle n’a pas eu de chance, elle non plus. elle s’est tirée à dix-sept ans, pour ne plus subir ce que la mère de sofia acceptait. elle s’est démenée, toute seule, toujours. peut-être un point commun entre elles, peut-être un trait familial. alma, elle n’était pas prête pour sofia dans sa vie, mais elle a ouvert sa porte, lui offrant, pour la première fois, un peu de répit et une chance de mener sa vie. un toit sur la tête, des passions découvertes, la moto, les courses de moto. une famille, une vraie famille, enfin, même si les mots manquent toujours. peu démonstrative, peu expansive, elle ne le dira jamais, sofia, mais elle restera éternellement reconnaissante envers alma.

les ferreira
la vie reprend son cours, le temps passe, les années aussi, et sofia, elle devient femme. peut-être qu’elle a toujours été femme, mais elle s’impose, plus encore. elle s’affirme, plus encore, comme louve maîtresse de ses terres. son univers, il est clandestin. son univers, c’est alma et son boulot pas bien légal avec la mafia des ferreira. elle le sait, elle s’en fout, ne connaît que ça et jamais ne jugera la personne qui lui donne tout, jour après jour. la vie, belle connasse qui reprend ses droits, systématiquement. la sienne, bousculée, quand alma tombe malade, malédiction familiale qui s’abat perpétuellement. et sofia, le poignard dans le cœur à l’idée de la perdre, elle aussi, comme sa mère. besoin de la protéger, obligée de la protéger, c’est ainsi qu’elle intègre, à son tour, le clan ferreira. d’abord avec elle, d’abord en l’accompagnant, pour finalement prendre sa place. mises à l’épreuve relevées, main de fer, haut placée dans la branche illégale de vente d’armes des ferreira.