un lys sur le sentier épineux des roses › charlie

01/ L’effervescence enchaîne l’enfant aux mains des eaux qui lui traversent le corps et remplissent ses poumons. Elle ne bouge plus, abandonnée même par le désordre, seules les côtes de la plage sont encore déchirées par les vagues. Sa dépouille est saisie et ravivée, mais peine à retrouver son éclat durant 3 mois. Tandis qu’elle se repose, finement recouverte d’un linceul immaculé, bercée par les chants des machines, sa carcasse s’anime enfin. Là, elle avait cessé de s’appartenir, délaissée par seize ans de souvenirs et d’évidences, que le battement des eaux contre son corps avaient fini de faire fuir. Lâche existence. 02/ Les années l’écorchent une à une et Charlie se résigne. Un mutisme la préserve d’un monde barbare, elle, posée sur un nuage de coton, auprès des étoiles, astres-soeurs de cette humaine nouvellement née. Elle vit, encore noyée, au travers des diverses littératures de l’homme, sur lui-même ou ce qui le transperce, les châtiments qui l’accablent et les bonheurs hypocrites. Soudain, une certitude la bouleverse: eux aussi vivent noyés. 03/ En 2018, sa cervelle précoce, fertile, ses desseins de gamine écorchée, la transporte vers l’obtention de son diplôme en psychiatrie. Bientôt, ses yeux mièvres captent les plus grandes détresses humaines, et son être entier se heurte aux discours perpétrés du bout des lèvres d’inconnus. 04/ Dépossédée d’elle-même, les contes bouleversants qui se succèdent dans son cabinet nourrissent sa névrose. Elle se façonne, redoutable, dans la chair de ses clients. Ce n’est ni la concupiscence, ni la cupidité qui meuvent la psychiatre vers un versant qui n’est pas le sien. C’est une obsession déraisonnée qui s’irradie en elle, un trouble qui l’entraîne vers des dérives vénéneuses. 05/ Elle se déchire, entière, parmi une névrose obsessionnelle que les drogues viennent apaiser, et une existence qu’elle ne se connait plus.