Bang bang.

01/ J’ai toujours vécu dans l’ombre de la nuit, attiré par l’interdit, animé par l’obscurité. Décidé à me foutre en l’air pour quelques instants de paix. Etrange, vous ne pensez pas ? Je porte un prénom peu commun, un prénom dans lequel ma mère a probablement foutu son espoir en pensant qu’un simple prénom allait me sauver de la misère. Mais c’est faux, parce qu’on ne s’en sort pas de la misère, on est pas dans un putain de film où un gars va venir nous chercher, nous dire droit dans les yeux qu’il veut nous sauver de cette merde. Je suis une catin, depuis mes seize ans. Depuis que mon père a compris qu’il pouvait se faire de l’argents facilement. Comment lui en vouloir ? Comment, juste... Détester un type qui vend ton corps pour faire survivre ta famille ? T’as des réponses à ça ? Si c’est le cas, pose-toi devant moi, et explique-moi, parce que je suis incapable de le détester. Je suis incapable de me dire qu’il m’anéantit. Je suis incapable de me dire, que depuis des années, je suis bonne qu’à ça.
02/ Ma mère à le cancer, en terminal. On a aucune chance de la guérir. Elle va mourir dans un appartement de merde. Et elle l’accepte, elle tolère plutôt bien de crever à cause d’une maladie, faut croire que c’est toujours mieux que de mourir d’une overdose, ou d’une balle dans le crâne non ? J’ai toujours vu ma mère malade, dépression, alcoolisme, drogues. Je n’ai jamais pu voir mes parents sobres, ou dans un bon état. Mon père traîne dans les rues, cherche des clients, parce que ouais, je fais ça dans la rue, je n’ai pas une petite chambre hyper cool où me poser, non. Je n’ai rien de tout ça, et ça fait plus de dix ans que ça dur. De base, on est une simple famille, j’habite toujours chez mes parents, même si je compte bientôt déménager. On a des problèmes, mais les problèmes qu’on a, c’est aussi nos solutions.
03/ Je n’ai fait aucune étude, j’ai toujours vendu mon corps, toujours profiter de cette manière. Mais, mes parents m’ont enlevé tôt de l’école. Du coup, je ne sais faire que ça, et personne ne veut engager une nana de vingt-neuf ans qui ne sait rien faire. Qui n’a aucune expérience depuis des années. Mais, je crois que j’étais bons dedans, on me disait que j’avais une chance de m’en sortir. Une chance de briser le cercle vicieux de ma famille. Mais, je crois aussi que c’était juste des conneries.
04/ J’ai fait trois fausses couches. Des clients malhonnêtes, qui ont dû retirer la capote. Malgré mon interdiction, ils ont continué. Je ne pouvais pas garder un gosse, ni trois d’ailleurs. Ouais, vous allez penser que je me suis fait violer, mais une catin, ne se fait jamais violer. Non ? Fin, j’en fais des cauchemars la nuit, je prends des pilules pour me soulager, mais c’est le métier, c’est mon père qui me l’a dit, il me le répète sans arrêt. Je ne dois pas dire non, et s’ils veulent faire un truc, je me dois de me soumettre. Vous croyez quoi ? Que je suis une catin violée ? Ca serait le comble quand même.
05/ Je ne veux pas être sauvée, est-ce que c’est précis ? Je ne veux pas d’aide, je ne veux pas qu’on me dise que je peux m’en sortir, que j’ai du potentiel, que je peux réussir. Je veux pas de ça, je tolère ma vie, je l’ai depuis petite acceptée cette merde que je trimballe sur mes épaules. Je ne veux pas d’une belle histoire, je veux pas qu’on me tienne la main, je déteste qu’on me touche en dehors de la rue, je veux pas de belles paroles, je veux pas y croire, je veux pas que vous pensiez que je suis une petite chose fragile, si je dois t’en coller une, je vais le faire sans même regarder les conséquences. Je suis un putain de déchet de la société. Tu me prends comme ça, ou tu me prends pas tout court.