jalousie me dit qu'elle est belle. (charlie)

01/ fils unique. un père. une mère. charlie a toujours connu cette vie de solitaire. il rêvait pourtant d'un frère ou d'une sœur, quelqu'un sur qui il aurait pu compter dans les moments les plus difficiles. mais il n'avait rien de ça. à part des cousins et cousines qu'il croisait durant les interminables repas de famille. mais ça s'arrêtait généralement là. jamais ils ne se voyaient en dehors de ces rendez-vous annuels. charlie n'a toujours pu compter que sur lui-même. aucune déception possible. ni de contrainte au final. ses parents, il n'en a jamais été proche, n'a jamais rien partagé avec eux. d'ailleurs, il ne connait pas grand chose d'eux, si ce n'est les détails négatifs de leur personne. et eux ne connaissent rien sur la personne qu'il est devenu. c'est comme si rien ne les liait, si ce n'est le sang. 02/ aussi surprenant que cela puisse paraître, charlie est père. mais père absent. père non présent. ce n'était pas comme ça que cela devait se passer pourtant. il avait prévu de l'aider cette femme et cet enfant. il avait prévu d'être présent pour elles, de leur donner le peu qu'il pouvait bien leur donner. mais non. le père de cette femme en a décidé autrement. un contrat et une belle somme d'argent en échange de sa fuite. c'est triste mais charlie n'a pas mis bien longtemps avant de prendre sa décision et de disparaître de la vie de noam. pas un jour ne passe sans qu'il y pense. c'est trop tard. 03/ lorsqu'il l'a pu, il a quitté le domicile familiale à l'âge de dix-huit ans pour mener sa propre vie. il s'était trouvé un job sympa à la caisse d'un cinéma. il avait une bonne équipe avec une bonne ambiance. il a logé quelques temps dans une colocation entre amis. il y est resté plusieurs mois, le temps de mettre de l'argent de côté et de trouver l'appartement de ses rêves. ses espoirs se sont rapidement effondrés lorsqu'il a pu voir le coût de l'immobilier à new-york, même dans le queens. mais il a fini par dénicher un petit studio. pas bien grand mais suffisant pour y manger, dormir et se laver. 04/ le soucis est que quelques années, le cinéma pour lequel il travaillait, a fait faillite. il s'est retrouvé sans emploi, sans diplôme et dans la merde. difficile de retrouver un emploi dans ces conditions mais il devait faire vite et se dépêcher avant qu'il ne se fasse tout simplement virer de l'appartement qu'il loue. il a retrouvé autre chose mais jamais un salaire équitable à ce qu'il avait auparavant. il a tout tenté pour survivre, pour remonter la pente mais son salaire ne suffisait pas. il a croulé sous les dettes et les impayés. il a dû quitter son logement, son sac sur le dos. 05/ à présent à la rue, il a eu trop honte d'avouer quoi que ce soit à son entourage et ses plus proches amis. il a sans cesse trouvé des excuses pour passer une nuit ou deux chez l'un ou l'autre mais impossible d'abuser de leur gentillesse ou de leur mentir plus longtemps. pas à eux. ils le connaissent, ils finiront par se douter de quelque chose. à moins que ce ne soit déjà le cas. le comportement de charlie a changé depuis quelques années, ça a été assez brusque. il s'emporte plus facilement et plus rapidement surtout. il est souvent à cran de ne pas savoir comment va se passer sa soirée voir sa nuit lorsqu'il n'a pas d'endroit où se loger. la rue lui fait peur. il voit des choses qu'il n'aurait jamais aimé voir. il vit des choses qu'il n'aurait jamais aimé vivre. il n'aime pas ça. il veut s'en sortir mais il n'a pas l'impression que ce soit sa destiné ou qu'il le mérite. il se sent presque horrible et sans cœur. 06/ il a un ancien téléphone, assez vieux mais qui fonctionne encore très bien. pas de forfait, seulement une carte prépayée qu'il recharge lorsqu'il le peut, avec l'argent de son salaire et qu'il réussit à récolter à côté. l'argent part vite dans la grosse pomme, il a l'impression que la moindre petite chose qu'il s'achète pour survivre est horriblement onéreux. il n'est pas radin ou cupide mais il fait très attention. 07/ charlie n'a jamais connu réellement l'amour. le grand, le fort, le puissant avec un grand a. il s'est toujours contenté de petites histoires insignifiantes, d'histoires d'un soir ou de plusieurs nuits. charlie, il a peur. il a peur d'en devenir dépendant, de ne plus savoir comment vivre ou survivre sans l'amour, sans la personne qu'il aime. il a peur d'en devenir accro et de ne plus savoir comment faire. alors il fuit, il se cache derrière cette image d'homme à femme, d'homme que rien n'atteint, d'homme qui n'aime que les histoires sans lendemain ou sans promesse. juste par peur. puis de toute façon, qui voudra d'un homme qui dort dans la rue ? qui n'est pas capable de s'assumer ? qui n'a aucun but dans la vie que de survivre ? 08/ cet homme a une passion dans la vie. l'écriture. il aime écrire des lignes et des lignes. il écrit de tout et de rien. depuis le début de sa vie de sans domicile fixe, il écrit sur la réalité de la rue, sur les non-dits que les passants ne savent pas ou qui ne veulent pas savoir. il écrit pour lui, pour se rappeler, pour ne pas oublier. il n'écrit pas pour se faire publier un jour ou l'autre, pour la célébrité ou la reconnaissance. ça ne l’intéresse pas charlie. mais il écrit et il paraît qu'il est plutôt bon à ça.