ivre d'inconscience ☽

traits de caractère / tu t’emportes vite quand tu gueules contre les coursiers à vélo qui slaloment entre les bagnoles mais tu pardonnes vite aussi. tu sais où tu vas quand on te demande ce que tu veux devenir et tu lâches jamais l’affaire jusqu’à la destination parce que t'as appris trop tôt ce que c’était qu’être une femme entourée d’hommes. t’as la critique un peu trop simple quand on te demande ton avis mais t’aimes pas quand c’est toi qu’on incrimine. t’es un buvard qui traverse le monde, un caméléon silencieux qui interroge et qui ébranle les certitudes. une enfant pleine de contradictions, effrayée par la foule mais passionnée par les gens.
t’as peur de tout et de rien à la fois, t’as peur de toi et de ton héritage génétique. t’es ambitieuse, t’as soif de reconnaissance et de réussite. t’as faim de succès et de gratitude.

rationnelle.
les cris, la vie. les larmes, la mort. un, deux, trois. tu pleures, vieil exutoire inutile aux injures méritées par un paternel dérangé. c'est à toi qu'on s'adresse comme unique descendante. t'es jolie avec tes joues griffées comme ornements. la violence de l’insouciance, t’as traversé l’âge tendre avec la tendresse en moins. affalée dans ton lit, tu penses. toujours trop. t’as pas encore tes dents définitives que t’as déjà enchaîné les coups. les coups du sort, les coups de la vie et finalement les coups de ton père. ultime héritière avec les couilles en moins. t’étais pas vraiment la désirée espérée. t’as en mémoire les chuchotements, les nombreux passages à la maison des hommes un peu trop intéressés. les inconnus qui se multiplient et la parano de papa qui s’accentue. t’as oublié l’odeur de maman, elle est déjà partie depuis trop longtemps. tu lui ressembles un peu trop il paraît alors ça le fait vriller, c’est de ta faute aussi si il est méchant. fichue génétique.
t’as treize ans, l’âme tourmentée en plus et les joues un peu plus creuses. gauche, droite, garde, uppercut. c’est l’enchaînement qui t’as sauvé la vie. t’es pas farouche mais t’as hérité du sang chaud du rital paternel. un aller simple au parloir, tu le verras plus jamais autrement. tu l’as jamais vu comme un héros, simplement un dictateur. le temps a filé, la maison s’est vidée et papa a pris perpétuité pour tellement de chefs d’accusation que t’as perdu le fil. il sortira jamais et tu l’as bien compris mais t’as oublié de pleurer. la vague à l’âme, tu survoles ta botte sans rien leur laisser d’autre que tes souvenirs. t’es pas assez sentimentale pour être nostalgique ou tu l’es trop pour le montrer. la sensibilité c’est la faiblesse et t’as l’honneur de ta famille à rincer et une nouvelle branche familiale à explorer de l’autre côté de l’océan. tu débarques sur un nouveau continent, tu t’imposes dans la vie d’un oncle qui a échappé à un héritage foireux. un inconnu aux traits similaires. tu lui imposes ta présence, tes colères et tes silences. il te traîne dans son club pour que t’évacues. premiers pas sur un ring, premiers coups maîtrisés.
jolie constellation aux accents d’ailleurs. le regard vide fixé sur la nuit, ça t’inspire et ça t’apaises. t’as l’âme souillée, plus aussi intacte que ce que t’aurais voulu conserver. comuzzi, on te regarde de travers quand tu traverses la pièce. tu sais plus trop si c’est pour ton patronyme tristement célèbre jusqu’au sommet des grattes-ciel new yorkais ou pour ta tronche salement écorchée mais tu t’es habituée au fil des années. les années ont filé, ton caractère s’est étoffé et tes coups se sont précisés. tu la joues docteur jekyll et mister hyde en puissance avec ta double vie et tu t’y noies parfois, tu te perds dans ta propre violence. t’as les souvenirs de ton hérédité qui te saignent, les craintes silencieuses qui se transforment en nuits blanches. le nom des victimes de ton paternel qui accompagnent ton sommeil agité comme une berceuse douloureuse.
t’as vingt-trois ans, tu traverses l’existence à l’aveugle. t’es perdue entre ce que tu veux et ce que tu deviens. les épaules toujours courbées, t’arrives pas à te laisser aller. t’as perdu le fil des nuits passées à esquiver, des journées passées à t’entraîner. t’as le regard fixé sur le ring, ce soir c’est pas toi qui combat mais c’est pareil. tes poings s'agitent en même temps que ceux de ton oncle, tu murmures des conseils en italien, tu prends vie. une ombre passe à côté de toi, s'installe sans demander la permission sur un siège resté volontairement vide. t'as pas besoin de te tourner pour savoir qui se risquerait à t'approcher. tu continues à te prendre au jeu, tes jambes tremblent sur le dernier ko. une défaite familiale et un majeur levé dans la direction du rire de ton nouveau partenaire. t'évolues seule mais il s'impose. fuis moi, je te suis. vous jouez avec le feu et finalement, tu t’es prise au jeu.