la loi de murphy.

traits de caractère / murphy, elle avait neuf ans quand les attentats du onze septembre ont éclaté. elle était dans son salon, à quelques blocs des tours jumelles. elle a tout vu. les avions qui s’écrasent, les gens qui sautent, les corps qui volent. ça la hante. elle a perdu foi en l’humanité ce jour-là. alors depuis, murphy s’isole. cela fait des années qu’elle ne sort plus de chez elle. des années qu’elle se contente des amis qu’elle a depuis l’enfance. elle essaie de rencontrer des gens sur internet, discute quelques heures puis disparait quand ça devient trop sérieux. elle disparait parce qu’elle ne sait pas faire confiance. elle est rêveuse pourtant, murphy. elle voudrait un monde d’amour, de respect, d’ouverture d’esprit. mais plus que tout, elle voudrait surpasser sa peur et réussir à vivre dans le monde réel, celui dans lequel elle peine à exister. elle voudrait rencontrer l’amour, créer de nouvelles amitiés, voyager. au lieu de ça, elle passe son temps à dessiner. à coucher sur papier toutes ses pensées. d’une certaine manière, elle se promène dans les rues de new york - grâce à la street view de google. new york dont elle connaît le moindre recoin - virtuellement. murphy, elle aime les plantes aussi. elle a la chance d’avoir une terrasse sur le rooftop de son petit immeuble de trois étages, son bol d’air frais, le seul extérieur qu’elle connaisse. elle est empathique. elle ressent ce que les autres ressentent bien trop facilement, elle se met à leur place, souffre à leur place ; même si son empathie est souvent tournée vers des personnages de fiction. murphy, elle est loin d’être comme tout le monde. elle pense différemment, réfléchit autrement, comprend rapidement ce qu’un tas de personnes ne comprendront jamais. son cerveau est toujours en activité. elle pense à tout, anticipe tout. ça la fatigue souvent. certains diront qu’elle est surdouée, elle ne leur donnera jamais raison. et même si elle est seule, murphy est heureuse. elle chante sous la douche, rit aux éclats en écoutant des podcasts, rêve de fonder une famille.

solitaire, intelligente, réfléchie, rêveuse, créative, nerd, romantique, attentionnée, empathique, joyeuse, méfiante, jalouse, distante, imprévisible.

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Je me suis bien demandée comment j’allais présenter l’histoire de Murphy. Je me suis dit que d’abord, elle écrirait une lettre. Une lettre qu’elle adresserait à la vie. Finalement, une lettre un peu pour elle-même. Une lettre dans laquelle elle crierait avec son stylo. La vie, elle lui dirait « tu ». Du genre « Pourquoi t’es comme ça ? Pourquoi tu fais ça ? Tu nous offre le soleil, l’amour, la paix. Et tout d’un coup, t’éteins tout. C’est la mort, le chaos, le désordre. Pourquoi tu ne serais pas plus simple ? Pourquoi les gens ne seraient pas plus humains ? » Elle est pas dupe Murphy, alors elle se douterait bien que sa lettre serait comme une grande question rhétorique. Parce qu’il n’y a aucune réponse à tout ça. La vie est injuste, et elle l’a compris à ses neuf ans.

Je me suis aussi dit que je pouvais raconter ce fameux jour. Le onze septembre. Mais tout le monde sait ce qui s’est passé ce jour-là, non ? À vrai dire, même si vous savez, vous ne l’avez pas vécu à travers les yeux de la petite Murphy. Elle avait des rêves pleins les poches, des étoiles pleins les yeux. À neuf ans, Murphy elle savait déjà qu’elle préférait les filles. Ses parents aussi. C’est tout naturellement qu’elle a commencé à leur en parler. À leur dire « j’ai embrassé Lola aujourd’hui, elle a dit que mes lèvres étaient douces ». Et ses parents qui lui répondaient tout aussi naturellement. Parce que Murphy, elle pouvait aimer qui elle voulait. Ce qui leur importait, c’était justement qu’elle puisse aimer. Mais revenons-en au onze septembre. Les Hawkins vivent dans un grand appartement, au trente-sixième étage. D’énormes baies vitrées, des pièces lumineuses. La petite Murphy, fille unique, avait l’habitude d’occuper tout l’espace. De courir de la salle de bain au salon, de la cuisine à la buanderie. Elle jouait tantôt aux avions, tantôt aux poupées. Ce jour-là, Murphy dessinait à la craie grasse. Assise en tailleur sur le sol du salon, elle essayait de reproduire les tours jumelles. Les plus hautes tours de la ville, celles qu’elle préférait. Sa craie commençait à tracer les contours de la seconde tour quand le premier avion percuta la première. Un sursaut, sa craie qui dérape. Et ses yeux d’enfants qui absorbent tout. Elle était seule avec sa nourrice, ses parents étaient en déplacement dans le New Jersey. Seule avec une nourrice qui était si paniquée qu’elle ne soucia pas d’elle. De ses yeux d’enfants. Ses parents ont mis des heures avant de pouvoir regagner la ville. Des heures durant lesquelles Murphy resta immobile. Elle a vu le second avion. Les gens coincés, appelant à l’aide par les fenêtres. Et ceux qui ont décidé de sauter, de s’envoler pour échapper aux flammes. Elle se rappelle de tout, Murphy. Aujourd’hui encore, quand elle ferme les yeux, elle peut revoir les images défiler derrière ses paupières. Mais même en vous racontant tout ça, vous ne pouvez pas vraiment vous mettre à sa place.

Pour finir, il faut que je vous dresse un peu son portrait aujourd’hui. A neuf ans, Murphy est devenue adulte. Elle a perdu foi en l’humanité. Comment le lui reprocher ? Il suffit d’allumer la télé. Attentats, encore, toujours. Meurtres, enlèvements, guerres. Alors dans son appartement, au troisième et dernier étage d’un immeuble victorien, elle n’a pas la télé. Enfin si, elle a une télévision, mais pas le câble. Elle reçoit les journaux, toutes les semaines, mais ne lit que les nouvelles heureuses. Elle fait ses courses sur internet, se fait livrer ce dont elle a besoin. Parce que Murphy ne sort plus de chez elle depuis des années. Ses seuls amis sont ceux qu’elle a depuis l’enfance. Elle essaie de faire de nouvelles rencontres, sur internet. Mais comment peut-elle donner sa confiance à travers un écran ? Alors le plus souvent, elle disparait sans laisser de traces, sans donner de nouvelles. Ses parents lui rendent visite, deux à trois fois par an. Entre deux voyages. Ils essaient de lui donner envie de sortir. Ils essaient, mais n’y arrivent pas. De toute façon, Murphy est heureuse, malgré tout. Elle design et développe des sites internet, c’est ça son boulot. Un boulot qu’elle aime réellement. Mais la plupart du temps, elle dessine. Dans la pièce qui lui sert de bureau, y’a ses dessins partout sur les murs. Et quand elle a besoin d’air, Murphy sort sur son toit terrasse. Elle a un jardin là-haut. Des petits arbres fruitiers, des plantes, des fleurs. Ça lui a longtemps suffit. Sauf que son bonheur s’effrite. Elle a besoin de plus. Elle a besoin de surpasser sa peur. Et surtout, elle a besoin d’aimer.