white lies -- zekia.

night/ zekia, elle emmène la lumière. à rigoler quand les ombres viennent, et à prendre les rues nocturnes pour une piste de danse. quand elle est debout à minuit, c'est pour faire la fête. boire jusqu'à ne plus savoir marcher, fumer un peu quand l'envie lui prend. aux côtés des siens, à éclater de rire alors que le silence est installé, à perturber la quiétude de la nuit avec une mélodie ou deux. c'est celle qui sait toujours animer une fête, qui est toujours prête à tout essayer. elle aime ça, profiter de la vie, savourer les heures qui passent, et y aller jusqu'à l'aube. ne pas faire les choses à moitié, vraiment les vivre, vraiment exister. mais peut-être qu'elle tourne aussi vite justement parce qu'elle ne sait pas s'arrêter, parce qu'elle ne sait pas où est vraiment sa place. qu'elle aimerait la trouver, dans un monde où elle semble déjà avoir une identité. une fille comme elle, ça a son avenir de tracé. aux côtés de son père, dans son ombre, protégée. mais elle aimerait battre des ailes, zekia, faire son nom dans le monde. et la vérité c'est qu'elle ne veut pas le faire par la peur, par le malheur. qu'elle aimerait aller à l'université, vraiment faire une différence. elle connaît les ghettos, elle connaît ses gens. mais elle reste sur place, parce qu'elle est lâche, peut-être. les émotions trop à fleur de peau, terrorisée de blesser et de perdre quelque chose. à étouffer, à vouloir plaire à tout et tout le monde. il faut qu'elle apprenne, zekia. imprudente, impatiente. la claque finira par venir pour la gamine qui se croit protégée de tout.

01/ elle était inattendue, zekia. king avait dix-sept ans, et il voulait pas être père. y’avait juste cette fille qui lui a tapé dans l’oeil, même s'il était pas du coin, et qu'il avait d'autres chats à fouetter alors qu'il venait de débarquer sur le sol américain. il s’est pas gêné, c’est pas son genre de le faire. puis elle est arrivée, elle était enceinte. et comme ça, ils ont décidé de la garder. zekia née, les parents mêmes pas majeurs. mais aimée, dorlotée. petite zekia tombée du ciel, qui a couiné et rigolé pendant les premières années de sa vie. king et amy, ça se passait pas toujours bien. mais y’avait zekia, pour calmer les esprits. premières bougies d’anniversaire. trois ans quand son père est allé en prison. disparu dans une nuage de fumée, et quatre ans plus tard c'était sa mère. cette dernière, elle s'est juste éteinte, elle est juste morte, un truc tout bête, y'a fallu un claquement de doigt, la moto qui a déraillée, et sa mère était piétonne, elle tenait les sacs du supermarché et les biscuits préférés à zekia. tout a éclaté, un passage à l'hôpital puis c'était terminé. alors c'est son oncle qui s'est occupée de la petite après ça. zekia, elle a jamais été comme les autres. elle a toujours existé ailleurs, lovée dans le creux du soleil. à être ce qu’on s’attend pas, à attirer les regards curieux mais silencieusement admiratifs. elle est juste comme ça. 02/ son père, elle en est fière. elle a le menton qui se relève et le sourire qui se courbe quand on en parle. quand elle le regarde faire, quand elle l’écoute parler. il est redoutable, son père. silhouette qui impose, esprit stratégique. elle adore entendre ses histoires, tout savoir sur lui. entendre parler de grand-papa, qui est mort dans une émeute. comment papa s’est pas laissé abattre, et qu’il s’est rendu là où il est avec rien d’autre que le velours dans ses mains et le fer dans ses yeux. il en a bavé, papa, mais il est ressorti vainqueur. daddy’s girl, jusqu’à l’éternité. à ne jamais rester bien loin, et à l’observer les étoiles dans les yeux. elle veut tellement le rendre fière. être comme lui. s’élever là où il est. c'est pas qu'elle aimait pas sa mère. mais ça avait jamais été la même chose, avec son père. jamais plus heureuse, que quand il dépose un baiser sur sa joue, et qu’il lui souffle, that’s my baby girl.  03/ le quartier, c’est la famille. quelques âmes égarées d'un gang philippinien désuet, mais y’a rien de plus sacré, ou de plus important. toujours là qu’on peut la trouver, entourée des autres. elle aime être là, zekia. son père était pas certain d’aimer ça, mais elle était là pour rester. jamais plus heureuse qu’entourée de ceux qu’elle voit comme ses frères. haute comme trois pommes, quand ils sont arrivés, quand ils sont réunis. avec eux qu’elle a grandi, dans ce monde là qu’elle a évolué. ça fait partie d’elle, ça anime ses pensées, ça guide ses décisions. le gang fait partie d'elle. à rigoler, et à savoir être sérieuse aussi. à traîner au terrain de basket, pour encourager les joueurs. à faire à manger, personne se lasse de son fameux riz épicé. à joindre sa voix quand ça se mets à chanter, les bras qui s’agitent et les sourires qui se lèvent. elle prend pas ça à la légère, tout ça. curieuse, pas pour mettre le bordel, mais pour observer. les activités qu’elle comprend, les drogues qui circulent sans qu'on soulève les guerres, qu’elle sait calculer. pas bête, zekia, on a appris à la savoir jamais bien loin. trop jeune, encore, pour vraiment participer, mais ça ne saurait tarder. elle a pas d’idée de grandeur, elle veut pas être à la tête, elle sait que ça marche pas comme ça. mais elle veut être là, vraiment là. les gars, ses frères, ses protecteurs. c’est sa famille, sa maison, sa communauté. rien qu’elle ferait pas. rien qu’elle serait pas prête à faire. 04/ besoin de s'épanouir, besoin de grandir. l'esprit en ébullition, qui aime réfléchir, qui aime se lancer des défis. les études qu'elle a toujours voulu, bien qu'elle a longtemps pas trop su quoi faire, vers quoi se diriger. encore aujourd'hui elle ne sait pas trop. elle a son diplôme de secondaire en poche, c'est déjà ça. quand elle aura décidé, elle en parlera à son père. appréhende un peu sa réaction, à vouloir aller à l'université. dans un monde qu'elle ne connaît pas, où elle ne sera peut-être pas tellement la bienvenue. mais elle la volonté d'apprendre, zekia, de ne jamais s'arrêter. de vouloir pousser, de vouloir se mettre au défi. elle veut aider les gens de la rue, les comprendre, les sortir de là s'il le faut. d'ici là, elle est bien à son salon de coiffure. à discuter avec les gens du quartier, à apprendre à les connaître. à devenir un point d'ancrage pour les filles des environs, qui ont besoin de conseil ou d'intervention. elle est un peu la psy du coin, zekia, et ça lui va très bien comme ça. toujours là pour ses filles. peut-être que ça vient du fait que sa mère lui manque autant, arrachée à cette vie trop vite, zekia qui s'est toujours sentie un peu perdue sans elle, personne vers qui se tourner quand vient le moment de la solidarité féminine, alors elle a toujours compensé avec les amies et les siens. 05/ la vie qui court, qui avance. elle est bien installée, zekia. le coeur qui bats un peu de travers pour une paire d'yeux clairs, chez ander où elle passe de plus en plus de temps. elle sait que son père aime pas, que les gens se méfient un peu, mais elle suit son coeur et y'a pas d'autres doutes à avoir. elle a confiance en ander, confiance en l'avenir. confiance au fait que ses pas la mènent chez lui sans prendre de détour, que les sourires sont fréquents et que lever les yeux au ciel, c'est son plaisir. il est pas comme les autres ander, il la garde sur la pointe de ses orteils, la stimule plus que rien, et même si c'est juste un ami pour le moment, ça tardera pas. elle se tracasse pas avec les choses, zekia, sans doute qu'elle devrait. la noirceur est jamais loin, les conneries non plus, et elle sait que parfois elle s'aventure un peu trop près du précipice pour prétendre être prudente. insolente avec le destin, mais pas idiote non plus, elle a ses idées et elle fera toujours ce que son coeur lui dicte. une partie d'elle un peu enfouie, volontairement ou pas elle ne saurait le dire, mais c'est ce besoin d'être aimée, ce besoin qu'on prenne soin d'elle, parce que sinon elle erre sans pouvoir se rattacher, une brise qui ne trouve pas de mur contre lequel glisser, et il lui faut quelqu'un pour la prendre dans ses bras, et elle sait qu'ander le fera. même si c'est un dur, même si c'est un impossible, il sera là. elle le sait.

more/ on dirait qu'elle n'a pas de point d'ancrage, zekia. partout à la fois, elle ne sait jamais trop où elle va dormir. chez son père, chez sa belle-mère, chez une des filles, chez un des gars, qui sait. des maisons, elle en a plein, chez tout ceux qu'elle aime. -- elle a toujours aimé jouer dans les cheveux, zekia. faisait des tresses avant de pouvoir parler, et elle n'a pas arrêté. -- la conversation facile, elle sait toujours rebondir sur ce qu'on lui donne. pourrait parler de tout et n'importe quoi, adaptable, curieuse, fascinée. que ce soit un inconnu ou un vieil ami, y'a toujours quelque chose à dire. -- sportive, tout de même, elle a bien sur appris à jouer au basket quand elle était petite. pas assez grande, tout de même, pour vraiment se faire une place sur le terrain. mais elle aime tout, zekia. les après-midi de volleyball à la plage, le patin à roulettes, le skate. aime courir, faire n'importe quoi. pas fatigable, en forme, aimant juste bouger. -- bien qu'elle ne se détache pas de son téléphone, c'est pas vraiment un as de la technologie. n'aime pas trop les écrans, et les évite dès qu'elle peut. préfère largement se promener dehors et parler au téléphone, plutôt que se fatiguer les os devant l'ordinateur ou la télé. la culture générale un peu brimée, qu'on ne cesse de vouloir agrandir. -- pas d'accent, dans sa voix, pas vraiment. juste le parler de son milieu, les intonations qui viennent avec l'éducation et les expressions, aussi. le vocabulaire pas toujours élaboré, le familier qui prend souvent le dessus. mais la voix douce, tout de même, qui sait se projeter dans la foule. qui chante bien, aussi, et qui se gêne pas pour le faire. -- pas très douée pour flirter, mais c'est pas rare qu'elle se trouve un copain, zekia. certains un peu trop gênés pour l'approcher, mais elle aime être accompagnée, et un bouquet de roses n'a jamais tué personne. faut les braves pour supporter le regard de son père, c'est souvent pour ça qu'ils ne restent jamais longtemps. mais ça lui va comme ça, à zekia. -- etc.