black and white / ella

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{ black and white }
crédit/ tumblr ☾ w/@Ezekiel Wyndham

Le semblant de normalité, un déjeuner entouré de vin et d’amitié,
Ella, elle sort heureuse de cet hôtel où elle a retrouvé son astre préféré.
À pas feutrés, elle avance, pour éviter de se vautrer dans les marches de l’escalier. Les lieux sont somptueux, bien trop pour qu’elle s’étale devant autant de monde. Le téléphone qu’elle sort pourtant instinctivement de son sac à main, elle pose ses prunelles sur l’écran, pour jeter un coup d’œil à ses messages. À ses messages, surtout. Plongée dans l’écriture d’un texto à l’attention d’Ambroise, la belle écorchée en est soudain interrompue quand elle entend cette voix. Cette voix. Familière mais, à la fois, elle semble provenir de loin. Si loin. Loin, comme, dans une vie parallèle. La crinière se relève instantanément, le minois délicat cherche déjà d’où provient ce timbre grave et masculin qu’elle commence, déjà, à reconnaître un peu trop bien.

Et ses iris le trouvent,
l’homme qu’elle a pris pour cible,
le riche devenu victime,
l’amant maudit.

Ezekiel.

Elle ne saurait se rappeler, Ella, de tous les hommes qu’elle a dupés. Ils étaient jeunes ou bien âgés, ténébreux ou bien blondinets, volages ou fatiguant, trop entreprenants ou bien trop frivoles. Ils avaient tous un défaut. Tous, sauf peut-être un.
Ezekiel, il n’était pas parfait.
Il n’empêche qu’à lui, la succube s’est attachée.
Comme si le chant qu’elle lui destinait, pour mieux l’envoûter, avait réussi sans qu’elle ne comprenne, à hypnotiser même la sirène. Avec lui, tout était facile. Presque, trop facile. Trop facile, pour qu’il ne soit qu’une cible. Trop facile, pour qu’elle ne saisisse pas qu’elle s’était attachée à lui. Mais, en le laissant gagner un peu trop de terrain, l’âme ténébreuse a senti aussi qu’elle perdait les cartes qu’elle avait entre ses mains. Il a commencé à se méfier, Ezekiel, il a commencé à se douter, qu’il n’était qu’une victime de plus sur le tableau de chasse de la mante religieuse. Elle n’est plus cette femme, aujourd’hui, adoucie et amoureuse. Mais l’obscurité n’a pas disparu de son âme. Elle est aussi bien là, brillante, dans ses grandes opales noires. Les mêmes opales qui le scrutent, non sans surprise, alors qu’il évoque déjà la manière dont elle l’a séduit pour mieux se jouer de lui. Question rhétorique, elle suppose, à laquelle elle ne donnera aucune réponse. C’est d’un salut un peu troublé qu’elle lui répond. « Ezekiel, salut… » elle avance d’un autre pas, sans le perdre de son sillage, toujours accrochée à ce regard. « J’vois que la rancune est tenace. » elle rétorque avec un faible sourire sur les lèvres, son petit sourire en coin. Ses pupilles ne se détachent pas, tandis qu’elle l’observe avec attention, de son apparence jusqu’à sa voix toujours aussi arrogante. Il n’a pas l’air d’avoir changé, Ezekiel, mais il a l’air d’avoir vécu. Le gamin dont elle profitait allègrement, juste en jouant de ses charmes, peut-être qu’il a grandi, peut-être même qu’elle n’y est pas pour rien, elle qui a profité si (trop) facilement de ses hormones en effervescence. Elle est sans doute maladroite, Ella, elle devrait saisir l’occasion. Lui confier tout ce qu’il n’a pas voulu entendre, le soir de leur destruction. Ce soir où il a compris son petit manège. Ce soir où il n’a plus voulu d’elle. Pourtant, le beau brun lui lance quelques mots, qui laissent entendre qu’elle n’a peut-être pas tant perdu l’emprise qu’elle avait sur lui. Penchant la tête, elle repousse instinctivement une mèche rebelle de sa chevelure ébène, avant qu’elle ne reprenne. « C’est vrai, ça ? Pourtant, tu n’avais plus l’air de vouloir entendre parler de moi, la dernière fois. » elle affirme, le sourire malice, la lueur espiègle dans ses prunelles assombries.

Tu sais,
quand tu m’as rejetée,
quand tu n’as pas voulu m’écouter,
quand j’essayais de te parler,
pour la première fois avec sincérité,
quand j’essayais de te confier,
que vraiment, tu me plaisais,
que putain, je m’étais attachée.

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crédit/ tumblr ☾ w/@Ezekiel Wyndham

Méfies-toi, Ezekiel,
c’est un jeu dont elle maîtrise les règles,
elle les connaît par cœur,
elle t’accroche avec son corps,
et sans que tu comprennes,
elle t’agrippe le cœur.

Il a l’arrogance qu’il lui colle à la peau.
Cet air de petit-bourgeois-à-qui-rien-n’est-arrivé-mais-qui-se-croit-avoir-tous-les-droits. C’est ce qui l’a tout de suite attirée vers lui, Ella. L’expérience lui a appris, trop vite, combien l’égo est la pire des faiblesses d’un mâle. Plus encore pour un gamin à peine sorti de l’adolescence, en proie aux hormones, autant qu’à cette envie de surpuissance. Elle n’a eu aucune difficulté à envoûter le beau Ezekiel. Il lui a suffi de battre des cils, quelques fois, et lui offrir quelques sourires enjôleurs, encore moins souvent. Si fier de capter l’attention de la sirène aux quelques années d’avance, il a été une proie des plus évidentes. Mais c’est à l’après qu’elle ne s’attendait pas, Ella. À tout ce qui a suivi leurs premiers émois. Fait indéniable, le jeune homme au charme ravageur, à l’humeur séducteur, et aux envies irréfrénées était bien plus captivant que les hommes d’affaires désabusés qui la considéraient, à tort, comme une simple poupée. Elle s’est sentie exister, à travers ses yeux à lui. Elle s’est sentie vivre. L’alchimie évidente entre leurs corps enflammés, l’osmose chaque fois qu’elle se laissait succomber. Alors, peut-être que c’était plus facile avec Ezekiel ; mais c’est aussi avec lui que l’oiseau sulfureux s’est brûlé les ailes.

Tigresse devenait chaton à ses côtés,
alors tigresse s’en est allée.

Ses occupations ne sont plus les mêmes ces derniers mois. Indéniablement, il y a eu Ambroise. Mais la retraite anticipée de la croqueuse de diamants s’est arrêtée bien avant cela. Lassitude d’une vie à jouer les pantins au gré des désirs masculins. Il n’empêche que la louve n’a pas perdu sa hargne. Alors, devant la pique de son ancienne conquête, elle ne peut que rétorquer de sa voix provocante. « Il neigera en enfer avant ce jour-là. » diablesse n’est pas naïve. Elle se méfie trop de la gente masculine, pour se révéler si candide. Et puis… et puis. Son cœur est déjà pris. Le sourire en coin sur ses lèvres carmin, Ella, elle le laisse poursuivre son petit jeu de gamin. « Oh chaton… tu crois que tu n’es plus un gosse ? » elle demande avec une pointe d’amusement dans la voix. Elle n’avait pas l’intention de se jouer encore de lui lorsqu’elle l’a aperçu sur les marches de cet hôtel de luxe. Mais elle ne peut pas s’empêcher en le voyant aussi sûr de lui. Aussi attentif, également, au moindre de ses mouvements. Si elle se fie à ses opales, autant qu’à ses paroles, il a l’air aussi rancunier qu’attiré. Comme un môme devant un feu qu’il devrait éviter, mais qu’il devrait approcher. Mais le feu, elle l’a éteint, Ella, il y a déjà plus longtemps. Elle secoue la tête, de gauche à droite, quand il la qualifie de vipère. « Tu vois, t’es toujours un gosse qui n’écoute que tes hormones. Tu devrais faire plus attention, Ezekiel. » parce qu’à force de danser avec les flammes, il pourrait bien finir en cendres. Parce qu’elle sent bien, Ella, qu’elle pourrait encore user de ses charmes sur lui… il se ferait aussi facilement avoir que la première fois. Peut-être même qu’il n’attend que ça. Et elle, elle se maîtrise, pour éviter de reprendre un chemin qu’elle a mis du temps à fuir. Elle n’est plus cette fille-là… n’est-ce pas ?

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crédit/ tumblr ☾ w/@Ezekiel Wyndham

mal,
mâle,
une seule lettre diffère,
et elle se prononce au féminin.

Ella. Elle a pu leur faire mal, si mal. Comme si les ténèbres les attiraient, comme s’ils étaient si captivés par l’aura obscure venue les envoûter, qu’ils en oubliaient de se protéger. Elle en a si souvent profité, elle les a si souvent blessés. Du mal à leur égo le plus souvent, aux fiertés surdimensionnées qu’elle s’est fait un plaisir de désagréger jusqu’à leur destruction. Il y a eu de rares fois où les sentiments s’en sont mêlés. Parfois, même, elle s’est laissée submerger. Puis, parfois, quelque chose d’inattendu est né.
C’est ce qui s’est produit avec Ezekiel.

Une communion insensée,
les corps qui semblaient faits pour se rencontrer,
ils étaient, comme, connectés.

Si d’aucun homme, l’âme farouche ne veut plus profiter, elle n’en demeure pas moins cette puissance vénéneuse qui a su l’ébranler. Elle voudrait lui exprimer tous les remords engendrés de l’avoir utilisé, lui, comme un vulgaire objet. Objet de convoitises, d’abord, puis de ses envies, et finalement, objet de son désir. Mais Ezekiel a la rancœur tenace et la joute verbale trop facile. S’il est déjà déroutant pour la louve de confier ses émotions, il lui est encore plus difficile d’oser devant son comportement. C’est son venin qu’elle laisse échapper à la place, l’empoisonneuse qui ne paraît nullement culpabiliser. Les regrets paraissent moindres devant les réminiscences du passé. La fusion dans leurs corps-à-corps lui est rapidement balancé par le gamin qui savait la faire chavirer. Le silence quelques secondes, la succube en rédemption lui accorde la fierté d’annoncer à voix haute, l’osmose entre leurs deux corps. Mais les mots s’enchaînent et l’irritent, moins encore qu’ils la déstabilisent. « Et maintenant, qui en redemande ? » elle affirme, juste, ponctué ses mots d’un battement de cils. Elle se fait provocatrice, Ella. Elle ne devrait pas. Les piques trop faciles arrivent par dizaines dans son esprit. Mais son intention n’est pas de le blesser. Elle n’est même pas de l’atteindre en vérité. Il n’y a que la culpabilité qu’elle ne sait pas comment exprimer. Elle laisse les braises d’autrefois s’apaiser avant même qu’elles ne se mettent à flamboyer. « Bref, c’était il y a longtemps. » elle rappelle simplement, presque trop tendrement, pour le fauve qui se cache sous le chaton. Elle le sait, elle s’en souvient, un peu trop bien. Les colères d’Ezekiel n’étaient pas si fréquentes, mais elles étaient intenses. Autant que le sont ses prunelles à cet instant. Mais ses paroles, elle ne saurait les détourner. Elles sont beaucoup trop vraies.

C’est pour ça que ça a collé entre vous deux,
parce qu’il éveillait en toi ce trop grand feu,
ce désir venu d’ailleurs,
pour celle qui n’offrait jamais son cœur,
et à peine son corps,

il t’a possédée de plus d’une façon,
et t’as été consumée par la passion.

Il va beaucoup trop loin, Ezekiel. Mais ses mots ne l’atteignent guère. Peut-être ont-ils été trop habitués, à d’autres encore plus brûlants, pour qu’elle s’en offusque si facilement. « Je t’apprenais à satisfaire une femme. » elle répond, d’instinct, par provocation. Faiblesse de la sirène devant l’homme qu’elle avait ensorcelé, faiblesse qui ne devrait pas exister. Les opales assombries du garnement la fixent, elles, sans ciller, alors qu’il tend à s’approcher. Trop, beaucoup trop. Au point que les corps se frôlent, comme avant, juste avant qu’ils ne s’entrechoquent. L’ombre d’un sourire indéchiffrable, qui oscille quelque part entre aveu et embarras, apparaît sur son minois. « Je suis avec quelqu’un, Ezekiel. » elle rétorque, sans réellement lui répondre. La main frêle se pose sur le torse auquel ses griffes se sont si souvent accrochées, délicatement, pour pousser son ancien amant à reculer. Elle ne devrait pas songer à une telle question. Elle ne devrait, même pas, avoir une telle conversation. Quand bien même ils partageaient réellement une véritable fusion.

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crédit/ tumblr ☾ w/@Ezekiel Wyndham

Un semblant de sérénité retrouvé,
la combustion qui la menaçait apaisée,
la bombe est désamorcée,
mais la flamme, elle,
est toujours là, bien réelle.

C’est un instant délicat pour Ella. Se retrouver face à Ezekiel, elle n’est peut-être pas prête. Elle a changé, ces derniers mois, elle a grandi, elle a évolué. Mais peut-être pas encore assez. Pas suffisamment pour être totalement indifférente face à ce spectre venu tout droit du passé. Ce simulacre d’une vie qle jure terminée, quand elle est tout juste derrière elle en réalité. L’ancien amant a cette colère dans la voix, cette impertinence qui la met en émoi. L’insolence qu’il a, autrefois, partagée avec Ella. Plus captivée qu’elle ne le voudrait par leur petite joute, elle laisse ses iris admirer l’homme qu’il est devenu. Il affiche une assurance dont elle ne se souvenait pas si avérée, mais possède toujours les mêmes crocs acérés. Ou peut-être attend-il cet instant où il la mettra à terre depuis trop longtemps pour s’en empêcher. Les piques se poursuivent, elles se multiplient, tandis que l’enflammée reste indéfectible. Stoïque. Inébranlable face à celui qui, pourtant, a su tant de fois attiser sa convoitise. Mais elle n’est plus la femme qu’il a connue. La diablesse a disparu. Elle a envie d’y croire, en tout cas, même si l’ange se sait toujours déchue. Silencieuse devant les provocations présentes juste pour la faire sortir de ses gonds, la sulfureuse retient la bombe. Elle rappelle tout le temps passé, depuis la dernière fois que leurs corps se sont liés. Mais il ne s’arrête pas sur sa lancée. Et elle, n’a pas l’habitude de se taire. Même quand c’est exactement ce qu’elle devrait faire. « Ezekiel, arrête. Tu te ridiculises. » elle affirme, pour l’avertir. Ou peut-être qu’elle refuse de l’entendre poursuivre. Elle ne veut pas entendre cette autre vie, cette vie plus facile. Mais cette vie, aussi, qui l’a détruite, quand elle peine à maintenir encore l’équilibre pour se reconstruire. S’il se ridiculisait, pour de vrai, ce n’est pas lui qui afficherait ce sourire narquois sur ses lippes. Alors elle finit par dire, juste pour qu’il cesse son petit manège, elle lui confesse l’existence d’un petit-ami. Et, aussitôt, déclenche son rire. Puis, un deuxième, alors que l’écorchée vive sent un frisson lui parcourir l’échine. « Je ne vois pas ce qu’il y a de drôle. » elle rétorque, un brin sur la défensive. Le cœur, surtout, à vif. Elle passe trop de temps, bien trop de temps à se dire qu’elle ne mérite pas Ambroise, pour être indifférente face à cela. Mais les mots qui suivent sont plus douloureux encore. L’ancienne croqueuse de diamants sent sa gorge se nouer, alors qu’elle est incapable de parler. Et lui. Lui. Il en profite pour lui balancer ses quatre vérités. Lui rappeler qui elle est. Il ne sait pas, Ezekiel, comme il met le doigt sur tout ce qui t’effraie au plus profond de toi. Il ne sait pas, comme tu redoutes de ne pas être légitime à cette place, à ce rôle que t’a donné Ambroise. À cet amour que tu ne mérites pas. Il ne sait pas, mais s’il savait, il surenchérirait, car lui, te connaît. Lui, a subi de toi le pire, le vrai. Ce que t’as essayé de t’enfouir mais qui est là, bien ancré en toi. « Tu ne sais absolument pas pour quoi je suis faite, ou non. » elle essaie se défendre. Contre lui et, en même temps, contre ses plus vieux démons. Ceux qui lui murmurent depuis son enfance, que l’amour n’est pas pour une fille comme elle. « Tu sais quoi, les gens peuvent changer. Je peux être sincère avec un homme. Je ne l’ai juste pas fait pour toi et c’est ça qui met ton égo à mal. » et elle revient, enflammée, incendiaire. Elle revient, pour pire, bien plus que pour le meilleur. Mais il a réussi à la piquer, Ezekiel.

Il a su trouver les mots pour lui rappeler les ténèbres,
ceux dont elle n’a jamais pu complètement se défaire,
ceux qui la retiennent,
ceux qu’elle avait reconnus, aussi, en Ezekiel.
Et, à nouveau, leurs âmes s’entremêlent.