Marshall

Poli, courtois, bien élevé, galant, serviable, respectueux – du genre à aller récupérer les chats dans les arbres et à faire les courses de ses voisins âgés, à écarter les escargots du trottoir. Incapable de se projeter dans l’avenir, la solitude ne le dérange pas. Calme, réfléchi, évite les paroles superflues. Très attentif aux autres et altruiste, mais fier et un brin susceptible. Créatif, débrouillard, à la fois manuel et cérébral mais pas artiste pour un sou. Très organisé, à la limite de la maniaquerie, rigoureux. Courageux, droit, borné et trop têtu. Difficilement impressionnable. Besogneur et honnête. Charmeur et grand sentimental parfois un poil vieux jeu, il a la fâcheuse tendance à s’amouracher le temps d’une nuit ou une semaine, mais jamais plus – n’est jamais tombé amoureux pour de vrai. Enchaine les relations éphémères, sans jamais manquer de respect pour ses partenaires. Estime qu’on peut juger un Homme à sa bibliothèque : la sienne est bien remplie (Proust, Wilde, Stendhal). Habile comme un manche à balais avec la technologie moderne, très peu cinéphile, il a en horreur la quasi-totalité des séries modernes. Oiseau de nuit, insomniaque, il réfléchit – et lit – beaucoup. Le reste du temps, relativement accro à l'adrénaline.

Il est peut-être quatre ou cinq heures, guère plus. Le jour commence déjà à pointer très paresseusement le bout de son nez à travers les nuages épais qui menacent ce matin-là le Queens. Sa nuit à lui n’a pas commencé, pas terminé. Il n’est pas fatigué, il dort très mal de toute manière. Plutôt que de qualifier ça d’insomnies récalcitrantes, parce que son travail déstructuré lui a totalement décousu son rythme de veille et de sommeil, il préfère expliquer qu’il n’a pas besoin de se reposer beaucoup. Il travaille. Il n’est pas fatigué. Il est seulement concentré. « Elle s’enfonce, merci de vous préparer rapidement pour l’intubation. Je voudrais une ampoule de propofol et succinylcholine. » Il tient fermement le masque facial d’une main, le ballon pour oxygéner à rythme régulier de l’autre. Il est juste concentré – et très calme. Il fait abstraction sans aucune difficulté des scopes qui hurlent. Sa voix à l’intention des deux infirmières qui l’assistent reste tranquille mais forte. C’est son job : faire vite et bien, ne pas confondre vitesse et précipitation, improviser, observer et faire abstraction à la fois.

Il va bientôt être huit heures et donc la fin de la nuit, la fin de la garde durant laquelle il n’aura pas fermé l’œil – une fois n’est pas coutume. Les urgences se sont finalement vidées, il profite du calme avant la tempête pour s’aérer à l’extérieur. Il enchaine sa deuxième cigarette aussitôt après avoir terminé la première (c’est sa seule drogue, il mange sain, il ne boit pas déraisonnablement : mais il fume comme un pompier. Il n’a jamais songé sérieusement à arrêter, et après une nuit comme celle-ci, l’idée ne lui traverse pas l’esprit). Ce n’est que le reniflement discret de sa jeune collègue qui le tire de ses pensées. « Qu’est-ce que tu lis Marshall ? » Marshall, c’est comme ça que chacun l’a toujours appelé. Exception faite de ses deux parents.
Mia s’assied juste à ses côtés sur le banc froid, elle a les yeux qui brillent encore et le nez rouge. « « Cela ne m'empêchait pas de prendre à les écouter quand elles me parlaient autant de plaisir qu'à les regarder, à découvrir dans la voix de chacune d'elles un tableau vivement coloré. C'est avec délices que j'écoutais leur pépiement. Aimer aide à discerner, à différencier. Dans un bois l'amateur d'oiseaux distingue aussitôt ces gazouillis particuliers à chaque oiseau, que le vulgaire confond. L'amateur de jeunes filles sait que les voix humaines sont encore bien plus variées. Chacune possède plus de notes que le plus riche instrument. Et les combinaisons selon lesquelles elle les groupe sont aussi inépuisables que l'infinie variété des personnalités. » » Il sourit paisiblement avant de lui confier A l’ombre des jeunes filles en fleur pour qu’elle perde son regard sur la quatrième de couverture. « Marcel Proust, expliqua-t-il comme si c’était soudain devenu la seule chose qui en vaille encore la peine ce soir – ce matin. Je ne suis pas certain d’en comprendre toutes les subtilités… Mais ça m’aide à m’évader. »  
Soudain Mia semble comprendre que ça a été difficile pour lui aussi, elle dissimule un instant ses yeux derrière une main tremblante et renifle plus fort en lui restituant son livre. « Ca… Ca a été avec la famille ? » Nouveau reniflement. Lui garde un calme olympien et tire une fois, deux fois sur sa cigarette. « C’était ta première fois, Mia ? » C’était une question stupide. Il est las et se sent soudain un peu stupide d’avoir posé la question – elle est toute jeune résidente, toute nouvelle dans ce vieil hôpital délabré du fond du Queens, c’est probablement sa première nuit compliquée. Le premier patient qu’elle perd. Pas lui, malheureusement. Elle sanglote maintenant doucement, il la laisse faire – ça soulage, de laisser craquer ses nerfs parfois – et garde poliment ses distances physiques. « Tu sais, je n’ai pas choisi ce métier pour perdre des patients. Tu te lèves le matin en espérant te rendre un tant soit peu utile, mais parfois… Parfois ça se passe mal. Parfois des gens meurent, même si tu y mets toute ton énergie, et c’est alors encore à toi d’expliquer aux familles que c’est fini – que le maximum a été fait, mais que c’est fini quand même. Je ne m’habitude pas aux pleurs et aux cris, aux mauvaises nouvelles… Mais j’imagine que c’est comme ça : tu ne peux pas sauver tout le monde. Tu dois faire de ton mieux, Mia, mais surtout tu dois rentrer chez toi en ayant la conviction absolue que tu as fait de ton mieux. » Et puis le silence s’installe, comme si sa très jeune collègue se laissait le temps d’intégrer ou non sa réponse. Au loin, les sirènes américaines des ambulances hurlent et empêchent le Queens de rester vraiment calme. « Alors p-pourquoi tu as choisi ce métier, Marshall ? »  « La première raison est que mes études de médecine étaient tous frais payés par mes parents si je choisissais cette voix. C’est une première motivation. » La réponse est soudaine, surprend la demoiselle, à qui il parvient à faire décrocher un éclat de rire étouffé. « Vraiment ? » « Vraiment. Mon père, le Professeur Anthony Marshall est un éminent ponte de l’obstétrique. Il a toujours été absolument passionné par son travail… Et en tant que fils unique, disons que j’ai été influencé » Tony Marshall avait passé une bonne partie de son enfance à jongler entre les congrès médicaux, le bloc opératoire et les salles d’accouchement et les cours dans les grandes universités. Le reste du temps, à la maison, il était un père droit et autoritaire, mais aimant. Sa mère avait été plus clémente : d’elle, il avait hérité la douceur de caractère et un goût prononcé pour la littérature francophone.  Personne n’ignorait que les études médicales aux Etats-Unis coûtaient un rein. Ca avait été un luxe véritable que de pouvoir intégrer la meilleure université de l’état sans commencer la vie active criblé de dettes. Fils unique, il avait été aussi choyé que son éducation avait dû être parfaite. « Je ne voulais pas me lever le matin et avoir une journée toute tracée, poursuivit-il. J’aurais préféré mourir que de travailler dans un bureau pour le restant de mes jours, ou à vendre la même chose, avoir ma destinée préétablie. Je respecte profondément ces gens-là : mais très peu pour moi. Tu te lèves le matin et tu ne sais pas de quoi les prochaines heures seront faites. Parfois, tes journées sont faites de patients agressifs et nullement reconnaissants, parfois ton seul travail est de maitriser le type bourré à trois heures du matin qui va finir par te vomir sur les baskets, et tu es confronté à des odeurs épouvantables… (La petite rit à nouveau, preuve qu’il fait bien de se livrer un minimum : d’ordinaire, il déteste papoter. Mais là, semble-t-il que cela lui remonte le moral : ça lui suffit) Mais pas que. Souvent, j’ai l’impression d’être réellement utile. Je crois - si tu réussis à soulager ne serait-ce qu’une personne, à la faire sourire, à lui donner un peu d’espoir, je crois que tu ne t’es pas levé pour rien ce matin-là. C'est comme si tu avais toutes les cartes en main, finalement. Moi, j'ai une vie sans aucune histoire. La vie m'a toujours souri, je n'ai affronté aucun drame horrible, Dieu merci, je n'ai rien de tragique à raconter, mon quotidien est lambda. Tout le monde n'a pas cette immense chance et je crois qu'on peut vraiment, réellement, avoir un rôle à jouer au milieu des histoires de tous ces gens. C’est pour ça, que j’ai choisi ce job et que je ne changerais pour rien au monde. »

Mi-satisfait de son rapide discours, il écrase le cadavre de sa cigarette et jette un coup d’œil à son smartphone – qu’il ne maitrise absolument pas, il est comme une poule qui aurait trouvé un couteau quand on lui parle des dernières applications ou autres inventions technologiques. « Il va être l’heure des transmissions, explique-t-il en se levant et en s’étirant de tout son long. Un massage cardiaque prolongé, aussi inefficace a-t-il finalement été, ça vous travaille les épaules et les avant-bras. Ca va aller ? » » La petite le rassure, le remercie, et lui décroche un sourire sincère. Elle a des yeux verts incroyables malgré son chignon défait, et sa blouse un peu trop grande tachée de bétadine.  Voilà, ça, c’est sa deuxième et éternelle faiblesse : d’abord la nicotine, et puis les jolies filles. Il pourrait mourir sur place foudroyé par leur charme ; aux jolies filles. Mais elle a dix ou douze ans de moins que lui (le temps passe vite, et dans sa tête à Marshall le temps est pourtant immuable), elle est sa collègue, et il a la plupart du temps une éducation irréprochable… Alors il se contente de lui souhaiter un bon repos, et c’est ainsi que la garde infernale – pas tellement plus que les autres, au final – se termine. Il rentrera seul chez lui – mais la solitude ne lui pèse pas, au grand damn de sa mère adorée qui aurait préféré le voir déjà marié avec trois ou quatre beaux petits-enfants.
Il se contente plutôt très bien du quotidien avec Pascal, ce chaton qui un jour a élu domicile dans son immense duplex et a finalement décidé de ne jamais en repartir.

 

ça y est, le queens est tout à toi ! ton personnage est fin prêt à jouer les cartes que le destin lui a distribué. et nous, nous attendons avec impatience de pouvoir jouer avec toi.  

les liens utiles / le temps est venu de te rendre dans les fiches de liens (ici) pour te construire un beau petit entourage et faire des rps à gogo avec les relations que tu auras créées / les recherches (ici) sont également là pour toi si tu es en quête de rps ou que tu souhaites proposer tes propres contextes de folie / si tu es plutôt timide, les mini-floods (ici) sont idéals pour papoter au sein d'un petit groupe. néanmoins, si tu n'as pas peur de sauter dans le grand bain, nous t'attendons de pied ferme dans le flood général (ici) ainsi que dans les jeux (ici) pour un maximum de délire !

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le petit mot de la fin / nous avons déjà hâte de partager cette superbe aventure à tes côtés. alors à ton clavier, c'est parti pour de l'amusement à la pelle ! bon jeu parmi nous !