spleen à ras le cœur (thomasin)

01/ moriarty. il a la verve habile, la gestuelle séduisante. la trentaine berce ses traits tandis que la seizième année se fête pour thomasin. elle lui dit oui, elle tangue dans la gueule du loup. le début d'une apocalypse. sous l'apparat du roi, ce n'est qu'une fripouille. l'ordure habillement déguisée. trois années s'écoulent sous le joug du féroce. plus tard, le fauve est dépiauté. un sourire à jamais figé sur ses labres. ils peuvent dire "putain, chienne, salope" mais thomasin conserve le dernier mot, leur dernier mot. mante religieuse. 02/ elle est lolita, marie ou marilyn. les identités s'inversent, se retrouvent, elle n'est jamais thomasin. toujours une histoire différente. caméléon. son passé est enfermé dans une boite. pandore sagement cadenassé. pas de réelles amitiés. elle ne sait pas thomasin, elle n'a jamais réussi. habile dans le mensonge, à toujours être ce qu'on attend d'elle. 03/ comment allez-vous aujourd'hui ? qu'il ose, le bougre. un psy qui la suit depuis l'enfance. elle est son énigme, l'incorrigible folie. et toujours un sourire étire les lippes habillées de rouge je pourrais avouer un meurtre, vous n'auriez aucun droit de prévenir la police. secret médical. et son rire étouffe la pièce. elle joue, elle mime, elle lui donne ce qu'il veut - un cas particulier. un cobaye à disséquer. 04/ la mère est une figure absente, les épaules voutées, le faciès triste. servitude femelle. le père en profite, abuse, a été éduqué à l'esclavage de la femme. tu seras viril mon kid. thomasin grandit au milieu, entre soumission et esprit de rébellion. 05/ au dehors, les talons hissent les chevilles, le rouge lustre les lèvres, une robe souligne la croupe. elle est la figure des magazines, la fille des pornos, l'idéal fantasmé des masculins. elle pourra dire ce qu'elle veut, mentir à qui elle veut. leur regard, leur appétit, c'est tout ce qu'elle veut. admiration fauve. exister dans le regard d'autrui. provoquer l'envie et détruire leur vie. 06/ des cours de défense, d'attaque. elle a suivi tout ce qui pouvait lui permettre de dresser un bouclier. ne pas être passive comme la mère, pouvoir répondre, savoir fermer la gueule des avides. l'allure est chétive mais les coups s'envolent. 07/ la sorcière. c'est ce qu'ils disent. ce roux qui s'embrase. longtemps persécutée à l'école. la honte d'une crinière flamme. 08/ des études, pourquoi faire ? crache le père. c'est qu'il est chasseur de tête pour les boites de mannequinat. que sa fille, il l'imagine bien en joyau d'une collection. pas d'étude, il l'embrigade dans son délire. vingt-deux ans. aucun diplôme en poche et le néant pour avenir. pour tenter de combler le manque d'éducation, elle s'immisce dans les bibliothèques, les cours, elle gratte information, s'essaye à la construction d'une culture autre que la violence qui agite ses synapses.