forgotten shadows
ça hurle en dehors.
les sirènes à l'agonie s'étranglent à la rencontre d'un horizon où les routes s'effacent et les échos se meurent. les yeux plissés, cerclés de sillons sobrement violacés par les nuits sans sommeil et l'excès de tabac, t'essaies de suivre leur course jusqu'à l'ultime destination, en vain. elles s'échappent trop vite, trop loin, car leur destination aujourd'hui n'est pas toi - trop rares ont été ces fois-là. ça t'arrache un sourire, marque la clope de ces dents qui se sont momentanément serrées. la mine, pourtant, reste terne derrière le rictus sans aucune joie et le regard qui finalement s'éteint, retournant à la griseur crasse de l'asphalte.
plus d'horizon -
plus r i e n.
que des semelles pourries portées par les pas hasardeux d'une putain d'errance.
ça dure depuis des heures (t'oublies qu'en réalité, ça dure depuis toujours).
l'homme qui ne sait pas ;
un chemin qu'il ne suit pas - car un chemin qui ne sied pas.
tu t'es perdu en route, cez. et la métaphore aujourd'hui prenait tout son sens, personnifiée par une carcasse désabusée déambulant à grand peine dans les artères d'une ville où pulsait le sang des vivants.
mais il n'étaient pas toi, les vivants ;
ils n'étaient plus toi.
depuis qu'elle est partie -
j o y.
en haut, elle inspirait sans nul doute mille et unes mélopées aux choeurs séraphiques d'un paradis dont elle était probablement devenue la muse à la seconde où elle s'en était allée.
mais en bas, elle n'avait laissé derrière elle, au creux de ta poitrine, qu'un coeur évidé hurlant à la mort pour combler ses interminables silences. (insoutenables, les silences).
alors t'as été chercher ailleurs les bruits qui sauraient faire taire les pensées sombres, les souvenirs meurtriers et cette sinistre mélancholie, plus létale encore à chaque nouveau matin. y'a les klaxons, les clébards qui aboient, et leurs connards de maîtres qui font pareil. y'a le cri des ambulances, les mômes perdus qui chialent, et leurs pauvres mères cocues qui font pareil.
ça résonne dans ta tête, cez.
ça calme le pire.
et ça t'fait oublier combien t'es seul, que c'est le vide qui t'attend quand tu claqueras derrière toi la porte de ton appartement, à quelque pas de là, au détour d'un dernier trottoir ; au détour d'une ombre au visage familier -
f r e d d i e
et sa trop lourde absence qui nourrissait encore une rancoeur tenace.
le pas se fait hésitant, la fragile quiétude s'efface.
«
tiens. tu t'souviens de mon adresse ? »
et soudain, tout new-york se tait. disparus les cris, envolées les pleurs. étouffé tout ce qui était encore capable d'amuïr rage sauvage et peine diluvienne.
«
à moins qu'tes pieds ne t'aient traîné jusqu'ici par hasard. »
les poings se serrent, et tu n'oses dépasser la silhouette oubliée pour atteindre l'entrée. les semelles s'ancrent au bitume face à celui qui pourtant avait si bien su fuir.
«
tu v'nais une semaine plus tard et j't'aurais pas r'connu. »
f r e d d i e
et ce trop lourd abandon qui nourrissait encore une rancoeur coriace.
le regard se fait fuyant, l'homme au sang chaud se glace.
t'en veux au monde entier cez, maudit son absence scélérate ;
le vide était déjà trop grand avant qu'il parte.